Les arbres meurent, notamment dans la Loire autour de Noirétable, où les épicéas sont les premiers à souffrir des 3 dernières canicules successives. Rencontre avec un technicien forestier du Centre national de la propriété forestière, pour une visite guidée, plutôt pessimiste.
Il parcourt les forêts de la Loire depuis des décennies, mais n'a jamais vu cela : Alain Zagvary est technicien forestier pour le Centre national de la propriété forestière. L’établissement public gère le développement et la gestion durable des forêts privées, qui représentent 3,5 millions de propriétaires sur 12,6 millions d'hectares, soit environ 23% du territoire national.
"Une dégradation qui s'accélère"
Autour de Noirétable dans la Loire, comme sur tout le territoire d'Auvergne-Rhône-Alpes, les épicéas, les pins et les hêtres sont les premiers à disparaître, grillés, desséchés par 3 canicules successives. Ceux qui ne sont pas encore morts présentent des traces sans appel : ils sont secs jusqu'à 80%.Le diagnostic de ce technicien est très pessimiste: "Nous sommes effectivement très inquiets parce qu'il y a une dégradation qui s'accélère et les arbres meurent. On voit progressivement les résineux perdre des feuilles, changer de couleur, petit à petit. C'est graduel."
"Ça fait 3 années que ça se reproduit"
Dans les populations de feuillus, les coups-de-soleil sur les branches et les feuilles sont de plus en plus nombreux, avec des branches entières couleur marron. Dans les Monts du Forez, pourtant en altitude, la situation se dégrade en ce mois de septembre qui bat des records de chaleur.Alain Zagvary: "Les feuillus, face à un problème de sécheresse ou de manque d'eau, ont une stratégie bien à eux. Ils vont se débarrasser de leur feuillage, parce que c'est par le feuillage qu'ils perdent de l'eau principalement. Mais le corollaire c'est qu'ils vont aussi arrêter de faire du bois. Ils vont arrêter de pousser; et ça fait 3 années que ça se reproduit. Sans feuilles, ils ne peuvent plus faire de réserves et stocker de la matière carbonée. Ils ne vont peut-être pas mourir de soif, mais ils risquent de mourir de faim à terme."
Usée par ce combat, la forêt devient très vulnérable aux attaques d'insectes et de champignons. Les peuplements les plus fragiles sont en montagne, où les sols plus pauvres retiennent moins l'eau.
Les prix s'effondrent
Les forestiers interviennent en prélevant les espèces les plus faibles et abattent en premier, les arbres les plus âgés.Alain Zagvary: "Il faut récolter les bois qui sont en train de mourir. Or, il y a trop de bois qui arrive sur le marché, notamment en sapin. Les prix se sont effondrés."
Pour une grume d'épicéa, il fallait effectivement compter entre 60 et 70 € avant cette crise de la sécheresse. On en trouve dorénavant à 5 ou 10 € le mètre cube.
Selon l'Office National des Forêts, sur les deux années 2018-2019, 2 millions de mètres cubes d'épicéas ont été récoltés dans les forêts publiques, c'est le double d'une récolte normale. L'organisme estime que 60% des arbres étaient victimes des scolytes. "En creusant des galeries sous l'écorce des arbres, ces insectes ravageurs finissent par couper la circulation de la sève conduisant à la mort prématurée des peuplements d'épicéas des forêts de plaine" selon l'ONF.
Pour le sapin et l'épicéa, les cours se sont effondrés de plus de 30% au début de l'année 2019. La Fédération des syndicats de forestiers privés de France redoute que ce chiffre ne s'aggrave à l'avenir.
La fin des massifs
A terme, c'est tout le panorama qui ne sera plus jamais le même. Les forestiers s'attendent à une hausse des températures, dans les années à venir, de +2 à +4°C. : "Ces massifs qui sont en train de tourner, ce sont des massifs séculaires qui marquent profondément le paysage du département. Les gens y sont très attachés. C'est tout çà qui est en train de se transformer" regrette Alain Zagvary.Souvent, ce sont les randonneurs ou les cyclistes qui remarquent en premier les arbres morts et tombés sur les chemins. Pour les signaler, un site internet, Suricate, permet de géolocaliser le problème et le faire remonter aux autorités.