Témoignage. "C'est une mise à mort" : un salarié raconte ses derniers jours à l'usine Mécacentre de Saint-Etienne

Publié le Écrit par Marie Bail et Mathis Merlen
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En redressement judiciaire depuis le 5 juillet, l’équipementier automobile allemand ZF-PWK Mécacentre de Saint-Etienne ne devrait pas poursuivre son activité. Les salariés occupent l'usine. Ils réclament une prime supra légale et 2 000 euros par année d'ancienneté.

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Des braséros et de la musique accueillent les visiteurs du centre de production de ZF-PWK Mécacentre à Saint-Etienne. "Usine occupée par les salariés", peut-on lire sur une banderole de tissu blanc. Les salariés, en grève illimitée depuis le 3 juillet, occupent désormais le site installé sur la zone de la Chauvetière.

Le liquidateur judiciaire a annoncé le 3 octobre le retrait de l'unique repreneur. Les salariés s'inquiètent de voir leur entreprise disparaître sans rien obtenir.

"C'est une fierté"

Ici, sont produits des châssis et les pièces de sécurité qui servent à la direction de la voiture. "En une journée, on peut faire plus de 400 000 pièces sur trois postes", indique Denis Laffont. "Elles vont partout dans le monde et pendant des années, on a été les référents dans ce domaine". Au total, 40 millions de pièces sortent chaque année du centre.

"On était une des meilleures boîtes dans l'automobile", aime à rappeler l'ouvrier. Les yeux plissés derrière ses grandes lunettes aux montures noires, Denis Laffont sourit. "J'ai sûrement roulé avec des voitures dont j'avais fabriqué les pièces".

Il montre une des dernières machines qui sera passée entre ses mains. Elle permet le lavage des pièces avant de les envoyer en traitement thermique. "Tous les jours, je contrôlais, je réglais les températures, les niveaux... Mais le reste était automatique".

Le travail à l'usine est dur, mais c'est ce qui nous fait vivre. Tous les jours, on revient. C'est une envie de travailler et je suis fier de ce que j'ai fait.

Denis Laffont

Salarié de ZF-Mécacentre

Un dernier combat

Denis Laffont, 35 ans d'entreprise, se remémore les grands moments de lutte qui ont marqué l'entreprise. "Dans les années 1990, on a obtenu la hausse des salaires, puis on a pu se battre pour garder une cinquantaine de salariés au moment d'un plan social en 2006-2008".

Mais sans repreneur identifié, la fin approche. "C'est notre dernier combat, c'est la mise à mort du taureau dans l'arène".

"Mécacentre c'est une énorme partie de notre vie, dont on ne ressort pas indemne. J'ai mal au dos, aux jambes, et cela a un prix", assène Denis Laffont. Comme tant d'ouvriers, il aura donné son temps et son corps à son outil de travail. "Je pars fatigué, mais des collègues ont le corps traumatisé".

Les syndicats réclament une prime supra légale de 40 000 € par salarié et 2 000 € par année d’ancienneté, ce qui représenterait 14 millions d’euros pour l’entreprise. Or, la direction propose 5 millions d’euros. Une somme dérisoire pour les ouvriers.

"Ce qu’on demande, c'est une compensation de nos efforts ! Nous sommes 188 salariés sur le carreau et il faut penser à nos familles. Comment tous ces gens vont payer leurs crédits ou l'éducation de leurs enfants ?", s'indigne l'ouvrier, avec un pincement au cœur et un sentiment de gâchis.

La grève illimitée est prévue jusqu'au 25 octobre, en espérant faire bouger les actionnaires. "Un coup de poker". D'ici quelques jours, une cinquantaine de salariés ont bien l'intention de faire le trajet jusqu'au siège de ZF en Allemagne.

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