A quelques heures de Lyon seulement, Turin dévoile ses atouts trop méconnus de ce côté-ci des Alpes. Il faut dire que la ville bien changé depuis les Jeux Olympiques de 2006. Chroniques d’en haut a franchi la frontière pour découvrir le Piémont, ces Alpes transalpines qui offrent bien plus qu’un simple dépaysement.
Dans ce numéro spécial de Chroniques d’en haut consacré à nos voisins piémontais, Laurent Guillaume nous emmène à la découverte du versant italien des Alpes, entre le Val de Suse et Turin.
L’émission commencera en vallée étroite, un territoire au statut aujourd’hui encore si particulier car elle est française mais habitée par des italiens, et accessible uniquement depuis l’Italie. Puis nous ferons une halte dans l’incroyable Sacra di San Michele, une église perchée sur un piton rocheux à la porte des Alpes, au décor si fascinant qu’il a inspiré le Nom de la Rose d’Umberto Eco...
Mais c’est à Turin que notre voyage se terminera, avec la découverte d’une capitale au charme insoupçonné !
Lyon/Turin : les cousines transalpines
Turin, Torino… La destination nous paraît proche tant la ville de Turin est omniprésente sur les panneaux des autoroutes alpines. Il est vrai qu’elle ne se situe qu’à un peu plus de trois heures de Lyon par l’autoroute et le tunnel du Fréjus. Mais rares sont ceux qui poursuivent la route au-delà de Modane, la frontière matérialisée par la ligne de crête, les grands cols, ou ce long tunnel un peu stressant quand même marque la fin d’un monde et le début d’un autre.
Pourtant, passé le Fréjus, les Alpes que l’on découvre à l’Est nous semblent bien familières. Mêmes forêts de mélèzes, mêmes larges vallées fortement urbanisées, et mêmes sommets étincelants de blancheur dans ce printemps qui n’a encore conquis que les basses altitudes. Pourtant, imperceptiblement, on sent déjà l’appel du Capuccino et de l’art de vivre à l’italienne sur la route qui nous mène à la capitale Piémontaise.
Car Turin est vraiment placée immédiatement à la sortie des Alpes. Moins proche des sommets que Grenoble certes, mais bien plus que Lyon. Pourtant, entre ces deux métropoles régionales, les points communs sont nombreux. Turin se regarde dans les Alpes comme un miroir inversé avec Lyon. Ici, les collines qui surplombent la ville sont à l’Est et la chaine à l’Ouest. Lorsque la visibilité le permet : on peut admirer les Alpes sur près de 400 kilomètres depuis le Mont Rose jusqu’au Mont Viso, considéré par les romains comme le plus haut sommet des Alpes, à l’époque. A Lyon, la chaîne des Alpes s’étend depuis le Mont Blanc jusqu’aux confins du Vercors et à l’Oisans, c’est pas mal aussi, mais quand on la voit : c’est qu’il va pleuvoir...
Le Pô qui coule le long de la colline n’a certes pas le même débit que la Saône, mais il marque bien le centre-ville et ses toits en tuiles brunes, un peu plus sombres que celles de Lyon. Les couleurs enfin : ici, pas de pierres de taille blanches comme à Paris, mais des teintes pastelles jaunes, ocres, vertes. Et si Lyon peut, avec ses couleurs d’inspiration transalpine, ressembler à l’Italie : ça n’est pas un hasard non plus tant la capitale des Gaules a depuis longtemps des liens culturels et commerciaux avec nos voisins. La taille des deux métropoles est également comparable, et leurs histoires industrielles aussi, l’une avec FIAT, l’autre avec Berliet et le couloir de la Chimie.
Lyon et Turin vont jusqu’à se choisir un emblème animal. L’une évoque le Taureau, l’autre le Lion. Deux animaux puissants, pas commodes, qu’il ne faut pas trop chercher. Quoique : les Turinois ne manquent pas d’écraser, à chaque passage, l’endroit où se situent les parties génitales du taureau de métal encastré sur le sol d’une des plus belles galeries du centre historique. On m’a bien expliqué pourquoi, un mélange d’histoire locale et de superstition, mais je ne suis pas sûr d’avoir tout compris...
En marchant dans Turin, on ne peut s’empêcher de s’y trouver bien, à la fois ailleurs… et pas si loin que ça. Une grande ville à taille humaine où tout peut se faire à pied. 19 kilomètres d’arcades monumentales abritent les belles rues commerçantes - tout comme à Chambéry, dans une moindre mesure - et c’est la marque de la filiation entre la capitale Piémontaise et notre capitale de Savoie. L’histoire les a liées à jamais, car avant de s’installer à Turin pour plus de sérénité et de sécurité, le berceau de la Famille de Savoie était à Chambéry.
C’est aussi à Turin que l’Italie moderne est née, avant que sa capitale ne soit installée à Rome. Turin est donc une ville riche en histoire, en monuments et en surprises...
Ici, les vieux tramways brinquebalants semblent toujours sur le point de dérailler. Ils croisent des piétons bien habillés pressés d’aller siroter le fameux capuccino local qu’on appelle le bicerin, à la Galleria Subalpina dans le café historique Barati et Milano qui fleure bon les années folles.
Au détour des arcades, on s’enfonce parfois dans l’une de ces galeries art-déco à l’entrée discrète qui nous rappelle que le cinéma a été ici, comme à Lyon, un art majeur. En témoigne le spectaculaire musée du cinéma construit dans le plus haut monument de la ville, flanqué d’une coupole majestueuse traversée par un vertigineux ascenseur de verre qui nous propulse sur un balcon époustouflant dominant la cité alpine.
Renzo Piano, l’architecte renommé qui a conçu la Cité Internationale de Lyon a laissé sa trace dans le ciel Turinois avec le plus haut – et quasi unique – gratte-ciel de la ville, le Grattecielo Intensa Sanpaolo, l’autre étant le fameux "doigt de Mussolini", un immeuble déjà haut pour son époque, à l’architecture simple et austère, mais dans lequel on se bat pour habiter tant il est étrange et central.
Enfin, Turin est considérée comme l’une des capitales du triangle de la magie blanche avec Lyon et Prague, mais aussi de celui de la magie noire, aux côtés de San Francisco et Londres. Magie blanche, avec l’architecture sacrée de l’église Saint Laurent et sa coupole en étoile à 8 branches, ou encore grâce à la présence du Saint Suaire de Turin qui a fait la renommée de la ville dans la chrétienté… Et magie noire avec ses nombreux cercles plus ésotériques cachés dans les artères de la ville, dans les détails de son architecture… Enfin, magie tout court avec cette fascination pour les spectacles de prestidigitation, un art très en vogue dans la capitale Piémontaise !
Si loin de Rome et sa dolce vita, de Venise l’exubérante ou de Florence la renaissante, Turin a une personnalité bien à part. C’est bien l’Italie, mais pas celle de la plupart des cartes postales. Pas de linge aux fenêtres dans des rues étroites et sinueuses, pas de végétation méditerranéenne : nous sommes au pied des Alpes. Le Pô conserve ici son caractère bien alpin. On sent les racines des montagnes sous le sol de la ville, et dans la vie quotidienne des Turinois qui ont un rapport direct aux Alpes. A tel point qu’on trouve ici un musée de la montagne, sur une colline qui ressemblerait à celle de Fourvière. Et cette colline a été à l’origine de la pratique du ski alpin en Italie un jour de neige (et peut-être aussi un lendemain de fête…) car, dit-on, c’est ici, quasiment en ville, qu’on a pratiqué le ski pour la première fois de ce côté-ci des Alpes !
On dit qu’au premier abord, les Turinois sont plus réservés, voire un peu revêches. Mais qu’ils ne vous oublient pas quand vous devenez un ami. Un peu comme les Lyonnais. De part et d’autre des Alpes, si proches, et si différentes.
>> " De l'autre côté des Alpes" un magazine présenté par Laurent Guillaume et réalisé par Marc de Langenhagen , diffusé le dimanche 15 mai 2022 à 12h50 dans "Chroniques d'en Haut" sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes puis disponible en replay dans cet article et sur France.tv
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