Dans le Puy-de-Dôme, les urgences fonctionneront-elles toujours 24h sur 24 à l’hôpital d’Ambert à compter du 4 avril ? Faute de médecins, la direction évoque une « organisation dégradée ». La CGT et le maire s’inquiètent pour l’offre de soins de ce bassin de 28 000 habitants.
La loi RIST fait encore parler d’elle à Ambert, dans le Puy-de-Dôme. L’activité du SMUR et des urgences de l’hôpital pourrait être remise en question en raison de cette loi sur le plafonnement de la rémunération des médecins intérimaires. Lundi 13 mars, dès 8h30, une manifestation a été organisée devant l’hôpital d’Ambert, à l’appel de la CGT. Le syndicat redoute que les urgences ne soient fermées de 16 heures à 10 heures, faute de médecins, à partir du 4 avril, date de l’application de loi RIST. Sylvie Obert-Monnet, secrétaire de l’union locale CGT du bassin d’Ambert, alerte : « Ils appellent cela une fermeture de nuit mais on trouve que les nuits sont longues pour une fermeture des urgences de 16 heures à 10 heures. Du personnel sera présent en journée pour des soins non programmés. Ce n’est pas acceptable. On a un bassin de vie de 28 000 habitants. Nous allons avoir des morts ». La représentante syndicale redoute des conséquences en cascade de cette possible fermeture des urgences : « Les gens seront transportés par les pompiers. Sur notre territoire, nous n’avons pratiquement que des pompiers bénévoles. Il va falloir que les patrons les laissent partir. Ils vont partir pour minimum 4 heures. De plus, nous avons une population vieillissante et il est difficile de lui faire faire autant de voyages. La population est contre cette fermeture des urgences ». Sylvie Obert-Monnet s’interroge sur le traitement des habitants d’Ambert : « S’il n’y a pas d’urgences à Ambert, les gens iront à Thiers (à une cinquantaine de km, NDLR). A Thiers, le service va être surchargé et les gens vont devoir beaucoup attendre sur un brancard. Ils iront à Montbrison ou à Clermont-Ferrand, qui sont déjà très chargés. On va rajouter de la population à soigner ».
Un maire préoccupé
Ces inquiétudes, Guy Gorbinet, maire (SE) d’Ambert, les partage également. L’élu était présent ce lundi à la manifestation devant l’hôpital de sa commune. Il a été informé le mardi 7 mars d’une possible dégradation de l’offre. « Il y a des discussions en cours au niveau du ministère » rappelle-t-il. Guy Gorbinet se montre très inquiet : « La direction a voté des pistes. On a deux lignes, une pour les urgences et une pour le SMUR. Si on n’avait qu’un seul médecin, on s’interroge pour savoir s’il faut tenir les urgences ou le SMUR. L’hôpital a fait une proposition. Si les urgences sont fermées, on risque d’avoir des gens qui sont en danger de mort qui ne pourront pas être admis aux urgences d’Ambert. Ils seront rapatriés sur Thiers si c’est toujours ouvert ou Clermont-Ferrand ou Le Puy-en-Velay. On met la vie de nos concitoyens en danger ». Lui aussi évoque des conséquences pour les sapeurs-pompiers : « Il faut aussi penser au travail des pompiers. Ils vont être obligés d’emmener les malades à Thiers, à Clermont-Ferrand ou au Puy-en-Velay. Que va-t-il se passer s’il y a un autre phénomène sur le territoire ? On est sur 3 heures aller-retour de transport. Cela m’inquiète fortement. Je ne voudrais pas que mes concitoyens soient mis en difficulté et qu’on ait des morts liés à cette situation ». Le maire explique comment l’hôpital d’Ambert est arrivé à une telle situation : « La loi RIST veut limiter les indemnités des intérimaires. A Ambert, comme le nombre de médecins est insuffisant, ils étaient obligés de mettre une enveloppe supplémentaire pour attirer des intérimaires. A partir du moment où vous mettez un plafond, ces intérimaires ne viennent plus et les urgences ne peuvent plus fonctionner ». A Ambert, dès la fin 2021, l’activité du SMUR et des urgences avait été menacée mais l’hôpital pouvait fonctionner grâce au recours à des praticiens intérimaires.
Une organisation "dégradée"
Du côté de la direction de l’hôpital, on se veut prudent. Julien Cestre, directeur des hôpitaux de Thiers et Ambert, explique : « Nous aurons une organisation dégradée. On travaille depuis deux mois sur la mise en place de la loi RIST. On est en lien avec le CHU de Clermont-Ferrand et l’ARS. Pour l’instant, on n’a pas arrêté définitivement l’organisation. On cherche quelque chose qui pénalise le moins possible la population et on communiquera ces prochains jours sur l’organisation, avec la volonté qu’on passe l’écueil de la mise en œuvre de la loi RIST et que les choses passent leur chemin normal le plus tôt possible. Il est prématuré de donner une organisation ». Il insiste : « Les urgences sont le service le plus impacté par les conséquences de la loi RIST. Il y aura une étape qui est la mise en œuvre de la loi RIST, avec une organisation dégradée et une reprise après les premières semaines pour permettre à la population de disposer d’un service de soins urgents ». Le directeur rappelle les objectifs définis par l’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes : « L’ARS nous a bien confirmé que l’objectif est de maintenir les urgences à Ambert. Les effets de la loi RIST sont là. On cherche une organisation. Tout le monde est conscient qu’il y a un besoin sur le territoire. On fait tout notre possible pour trouver les meilleures solutions temporaires. C’est un épisode qu’on va devoir passer tous ensemble ».
Des médecins qui manquent à l'appel
Vincent Blanc, directeur délégué de l’hôpital d’Ambert, ajoute : « A ce jour, l’autorisation de la ligne d’urgence ou de la ligne du SMUR n’est pas remise en cause. Cela nous a été confirmé par l’ARS. A l’heure actuelle, la loi RIST entrant en vigueur, il faut qu’on arrive à redevenir attractifs pour les médecins. En ce moment, on a la possibilité de tenir une ligne, un peu plus peut-être mais pas deux. On travaille sur les conséquences avec le groupement hospitalier de territoire, avec le CHU de Clermont-Ferrand et l’ensemble des partenaires. On est bien conscients qu’un arrêt brutal ou qu’une organisation mal maîtrisée seraient de nature à avoir des conséquences délétères. On travaille ardemment à une organisation qui sera supportable et qui répondra aux besoins de la population ». Pour maintenir ces deux lignes, il faudrait un peu plus de 11 ETP (Equivalent Temps Plein). « En réalité, on n’en a pas la moitié » constate Vincent Blanc. Il souligne : « Tenir les lignes sur le mois de mars sur les urgences et le SMUR, mais aussi sur bon nombre de services de l’hôpital, était déjà très compliqué. Cela l’était déjà depuis de longs mois. La loi RIST met en exergue ce qu’on appelle le mercenariat de l’intérim médical ».
La direction espère faire des annonces en fin de semaine prochaine. D’ici là, une réunion avec les élus de la circonscription, les syndicats et le député communiste du Puy-de-Dôme André Chassaigne est programmée vendredi 17 mars à Champétières, près de Thiers.