Pour les agriculteurs du Puy-de-Dôme mobilisés mercredi 27 novembre, il y a de très nombreuses raisons de s'inquiéter. Concurrence des productions étrangères, lourdeur des charges, contraintes réglementaires, utilisation du glyphosate ... pour certains, l'avenir de la profession est en jeu.
Sur le péage de Gerzat (Puy-de-Dôme), ce mercredi 27 novembre, les agriculteurs en colère ont bloqué les voies. Une vingtaine de tracteurs stratégiquement disposés ont suffi pour créer un gros bouchon. Seules deux files ont été laissées libres.
Là, entre deux drapeaux de la FNSEA, Sylvain Deloche distribue des tracts. Ce quadragénaire est venu du village proche de Lussat pour “sa troisième ou quatrième mobilisation de l’année." Son but : “J’essaie de défendre mon métier !”
Dans le bouchon qui s'est formé, un camion frigorifique est repéré. Immatriculé en Lituanie et à destination de l’Espagne, il est arrêté par les manifestants qui veulent vérifier la provenance de son chargement. Le chauffeur a un peu de mal à comprendre. Sylvain et ses camarades, eux, voient un symbole : “On en a marre d’être mis en concurrence avec des produits qui viennent d'ailleurs et qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes ! Les céréales, le soja, la viande entrent déjà alors qu’ils sont produits dans des conditions différentes. C’est juste de la concurrence déloyale.”
Dans son tracteur vert, Sylvain est arrivé parmi les premiers sur le rond-point du biopôle de Saint-Beauzire. En temps normal, il est sur sa ferme, où il produit des céréales, des semences de maïs, des semences de tournesol, du maïs et du blé. “Jusqu'à maintenant, je faisais des betteraves mais je crois que c'est la dernière année …” La fermeture de la sucrerie de Bourdon est passée par là. “Aujourd’hui, on ne peut pas vivre correctement. Les prix sont trop faibles par rapport aux charges qu’on a. Ce sont les moins disants qui fixent les prix, nous on ne peut pas suivre.”
A quelques mètres, François, le père de Sylvain, est venu sur le péage par solidarité. L’agriculture sans pesticides, il n’y croit pas. “Quand on applique des produits de traitement sur nos cultures, c'est pour les soigner, tout comme vous allez à la pharmacie quand vous êtes malades ! Le regard des gens est un peu déformé par les fake news qu'on voit aux informations. Quand on explique à longueur d'années que les agriculteurs sont des pollueurs, on finit par nous tomber dessus. C'est inévitable. Il va falloir dire un peu la vérité : on est dans un des pays où il y a le plus de contrôles pendant la production et lors de la commercialisation. Il faudrait le dire, ça !”Le regard des gens est un peu déformé par les fake news
François n'a pas vu arriver cette vague. “Quand j'ai transmis mon exploitation à mon fils, je n'imaginais pas l'avenir comme ça. C'est quelque chose qui arrive sur la figure des agriculteurs sans crier gare, ils ne sont pas préparés à tout ça. L'agriculture, c'est quelque chose qui raisonne avec des échéances très lointaines et on ne peut pas s'adapter en deux ou trois ans, on ne peut pas continuer comme ça …”
Sylvain Deloche, lui, continue pourtant, malgré l’avenir flou et mouvant. "Ce qui me manque énormément aujourd'hui, c'est de la lisibilité par rapport à mon métier. On n'a pas de cap, on ne sait pas où on va. Il y a des lois sans arrêt dans un sens ou dans l'autre. Ce manque de visibilité, c'est ce qui fait que j'ai du mal à motiver mon fils pour prendre la suite ! J'ai du mal à lui donner envie de continuer car j'ai du mal à voir de quoi demain sera fait ..."J'ai du mal à motiver mon fils pour prendre la suite !