Amphores décapitées, vin mélangé au cannabis : ces curieux rituels de consommation du vin par les Gaulois

Les Gaulois ne produisaient pas de vin avant la conquête romaine. Ils en importaient en grande quantité. Des vestiges, notamment en Auvergne, illustrent l’importance de ce commerce. Deux experts nous en disent plus sur la consommation de vin par les Gaulois.

Il est bien connu que les Gaulois buvaient de la bière et de l’hydromel. Mais qu’en est-il de leur consommation de vin ? Les Gaulois n’en produisaient pas. Marion Arribart, guide indépendante dans le Puy-de-Dôme, qui travaille en lien avec le musée de Gergovie, explique : “Les Gaulois ne produisaient pas de vin. La production arrive après la conquête romaine. Les tribus celtes consommaient du vin romain. Les Gaulois sont de grands agriculteurs. Ils ont connaissance du vin. Dans le sud de la France actuelle, il y a une connaissance de la viticulture, réalisée par les Grecs et les Romains. Les Gaulois vont être autorisés à produire du vin à partir de l’époque gallo-romaine".

Une boisson réservée à l'élite

Comme ils ne produisaient pas de vin, les Gaulois vont en importer. Arnaud Pocris, directeur culturel du musée de Gergovie, près de Clermont-Ferrand, raconte : “Le premier vin consommé par les Gaulois vient de Marseille, qui est une cité grecque. Marseille n’est pas en capacité suffisante de produire du vin pour satisfaire la demande gauloise. Les Gaulois vont alors chercher ce produit de luxe en Italie. Les marchands romains vont favoriser ce commerce, à partir du moment où les Romains vont être présents dans le sud de la Gaule. Le vin est une boisson d’importation, une boisson de luxe qu’on ne consomme que lors de grandes occasions. On en consomme lors de banquets rituels, lors de cérémonies, lors d’échanges diplomatiques. C’est réservé à l’élite”.

Le rituel de la dégustation

La consommation de vin était très ritualisée. Arnaud Pocris indique : “On a un exemple particulier chez les Arvernes de consommation rituelle du vin comme un élément de sacrifice. Sur le sanctuaire de Corent, près de Clermont-Ferrand, découvert au début des années 2000, on a des traces de consommation rituelle du vin. On faisait venir de grandes quantités d’amphores depuis la péninsule italienne. On décapitait les amphores à l’intérieur du sanctuaire, comme si on décapitait un homme, symboliquement. Le vin était distribué en petite quantité dans des cuves destinées aux dieux qui vivent dans le sol. On consommait le vin dans le cadre de grands banquets rituels”. Il évoque une autre découverte : “Un peu auparavant, on a trouvé autour du IIe siècle avant JC des vases à décor peint, fabriqués par les Arvernes. Après analyses, on a trouvé du vin mélangé à du cannabis. Ce vin pouvait peut-être avoir un usage magique ou religieux, sans doute pour favoriser le contact avec les dieux ou le monde des morts”. La symbolique de l’amphore est très forte. Marion Arribart insiste : “Ces amphores qui sont importées de l’Italie sont assez grandes et lourdes. Elles mesurent 1,20 m et pèsent 50 kg avec leur contenu. Elles ont un aspect anthropomorphique. On peut imaginer qu’elles remplacent des sacrifices humains”.  

Un vin bu pur

Les Gaulois ne buvaient pas le vin comme à Rome ou à Athènes. Marion Arribart détaille ce mode de consommation particulier : “Le vin était consommé comme la bière ou l’hydromel, pur et non coupé à l’eau, comme on pouvait le faire chez les Romains et les Grecs. Mais à Corent on a retrouvé une ancienne taverne avec de la vaisselle qui montre un usage à la manière romaine, en coupant le vin à l’eau”. Arnaud Pocris ajoute : “On a retrouvé quelques témoignages écrits qui montraient que les Gaulois consommaient le vin pur, ce qui effrayait les Romains”. Des vestiges ont pu nous renseigner sur le commerce du vin. Arnaud Pocris rappelle : “Lors de fouilles archéologiques, on a pu s’apercevoir que les marchands de vin romains, qui inondaient les villes gauloises de leurs produits, parfois accompagnaient la vente de vin par la vaisselle qui servait à consommer le vin. On a énormément de vaisselle d’origine italienne sur les sites gaulois”.

Des liens commerciaux très forts

Le commerce du vin était très important, comme le montrent les vestiges d’amphores. Arnaud Pocris confie : “Les amphores sont ensuite utilisées pour paver les cours des maisons, les chemins. Aujourd’hui, lorsqu’on fait des fouilles archéologiques, on a des témoignages de l’utilisation de ces amphores. Ils montrent une grande quantité d’amphores qui étaient importées en Gaule chaque année. C’était faramineux. Cela peut être complété par la découverte d’épaves de galères romaines à proximité des côtes gauloises. Cela montre la vivacité de ce commerce”. Marion Arribart précise : “A Corent on a retrouvé 70 tonnes de tessons d’amphores. Cela montre l’importance de la consommation”. Arnaud Pocris conclut : “La quantité de débris d’amphores que l’on trouve sur des sites gaulois montre le dynamisme du commerce entre le monde méditerranéen et le monde gaulois, à partir du IIe siècle avant JC, c’est-à-dire bien longtemps avant les conquêtes de César. Contre du vin, les Gaulois échangent des céréales, des salaisons et du textile”. 

Si vous voulez en savoir plus sur le vin et les Gaulois, le musée de Gergovie propose une balade archéo-vigneronne à Corent, à Veyre-Monton, près de Clermont-Ferrand, le samedi 19 octobre. La visite est à 5 euros pour tous et gratuite pour les moins de 6 ans. Les inscriptions se font en ligne.