Un restaurant de Clermont-Ferrand a organisé avec un club handisport un dîner dans le noir ce mardi 16 avril. Objectif : se mettre dans la peau d’un non-voyant, le temps d’un repas.
Le restaurant clermontois le "Puy de la Lune" a organisé avec le Club Arverne Handisport un dîner dans le noir ce mardi 16 avril. Une expérience inédite qui a débuté dès l’entrée de l’établissement, où les convives étaient invitées à se bander les yeux. Première difficulté, accéder à la salle de restauration séparée du bar par un petit escalier. C’est aidés par le personnel, que les participants ont pu rejoindre leurs tables sans encombre.
Un seul sens vous manque et tout est dépeuplé
Au total, une quarantaine de convives ont participé à l’évènement. Parmi elles, des non-voyants. Un moyen d’échanger sur le handicap au quotidien : "J’ai trop soif. Je me suis dit que j’allais mettre mon doigt pour repérer l’eau", explique une participante qui a pensé à cette ruse pour ne pas faire déborder son verre.
En attendant d’être servis, c’est au toucher que les convives ont tenté de se familiariser avec leur environnement. Etape essentielle : repérer les couverts. "J’ai les ai séparés. J’ai ma fourchette à gauche et mon couteau à droite", explique une jeune femme. "Je n’ai même pas encore trouvé ma cuillère moi", lance une autre.
Au menu, "salade avec des agrumes, fricassé de tofu et de volailles avec des pâtes fraîches. L’objectif c’est que les voyants se disent que c’est un peu dur pour un non-voyant. On se met au même niveau qu’eux. Moi j’ai essayé, ce n’est pas évident. J’ai fait avec les mains", avoue Alain Tournade, le chef cuisinier.
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Mardi 16 avril, à Clermont-Ferrand, une quarantaine de personnes étaient plongées dans le noir pour une expérience sensorielle et ludique. Un dîner dans un restaurant, lors duquel elles avaient les yeux bandés. Quelques non-voyants du Club Arverne Handisport étaient à leurs côtés. Histoire de percevoir les sensations différemment et sensibiliser au handicap.
Intervenants : Alain Tournade, Chef cuisinier du "Puy de La Lune" / Estella Vallet, Assistante d'exploitation au "Puy de La Lune"
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©S. Trentesaux / V. Mathieu / L. Aubisse
"Je n’y arrive pas, en vrai je ne vois rien"
Pour ne pas en mettre partout, certaines convives ont opté pour la même méthode : "Les doigts ce n’est pas très élégant mais c’est bien pratique. Je n’y arrive pas, en vrai je ne vois rien et la fourchette est plus souvent vide que pleine", réagit Clothilde en tentant de déguster son repas. "Avec le masque, tout est exacerbé. Les goûts, l’odeur, tout", témoigne l'accompagnante d’élèves en situation de handicap. Elle partage l’expérience avec sa collègue Mégane afin de "comprendre ce que vivent les non-voyants et voir tous les autres sens décuplés".
Sans la vue, pas facile de deviner les arômes et textures. À une table de là, une grand-mère qui accompagne son petit fils le confirme : "Ça j’ai du mal à savoir ce que c’est. Je ne pense pas que ce sont des carottes, je dirais poivrons. C’est très dur. Je me dis que ça ne doit pas être facile".
Ce n’est pas Ligia, atteinte d’une maladie dégénérative de l’œil qui perd la vue peu à peu qui dira le contraire. Elle a tenu à ce que son compagnon vive l'expérience: "Je vois comme dans un petit trou de serrure. Mon champ visuel se réduit jusqu'à ne plus y voir du tout. J'avais envie qu'il partage ce moment avec moi. Je voulais qu’il voit ce que c’est que de vivre avec ce sens en moins, au moins le temps d’un repas".
Cartes en braille, menus sonores, détecteurs sonores pour liquides… l’établissement situé au centre ville est sensibilisé au handicap : "il y a très peu de restaurants qui mettent en place des dispositifs pour faciliter le plaisir, parce qu’aller au restaurant c’est un plaisir. C’est pour leur montrer que c’est faisable", affirme Estella Vallet, assistante d'exploitation au "Puy de La Lune".
Propos recueillis par Stéphane Trentesaux / France 3 Auvergne