Un syndicat étudiant est vent debout contre une charte de communication de l’Université Clermont Auvergne : celle-ci suggère d’utiliser l’écriture inclusive et de privilégier les formules neutres. Elle est soumise au vote ce vendredi 24 juin.
Le Conseil d’Administration de l’Université Clermont Auvergne est appelé à voter ce vendredi 24 juin, pour l’adoption d’une charte de communication inclusive. Dans les rangs des étudiants, cette charte ne fait pas l’unanimité. Le syndicat étudiant UNI, qui compte entre 30 et 40 membres entre Clermont-Ferrand et les autres campus, rejette en bloc cette charte. Dans un communiqué, ces étudiants écrivent : “Cet objectif clair de faire disparaître le masculin et le féminin est une ultime preuve de la volonté déconstructiviste de l’idéologie wokiste. [...] Les étudiants ne devraient pas avoir à subir les caprices de quelques militants qui ne cherchent qu’à véhiculer leur idéologie anti-française en détournant notre langue qui pèserait davantage sur la compréhension et l’apprentissage des étudiants étrangers et atteints de dyslexie”.
Clément Lepiller, étudiant en 3e année de licence Administration économique et sociale et coresponsable de l'association étudiante UNI, fait partie des personnes qui ont écrit le communiqué. “On est opposés à l'imposition de l'écriture inclusive dans tous les documents internes à l'université, parce que, même si le principe paraît clair et noble, du combat pour l'égalité hommes-femmes, on n'est pas convaincu que ça puisse faire avancer les choses, au contraire. Dans les éléments qui sont expliqués et dans la charte, on a l'impression que ça ne s'adresse pas à la communauté étudiante dans son ensemble mais à des communautés. On a l'impression que l'écriture inclusive est là pour diviser et pour supprimer le principe de masculin et féminin, tout en s'adressant uniquement aux hommes ou uniquement aux femmes et non plus dans un ensemble.”
Un travail "collectif"
Cette charte est le fruit d'un travail qui a duré environ un an, dans le cadre du plan pour l'égalité femmes-hommes de l'établissement, explique le président de l’UCA Mathias Bernard : “C'est le fruit d'un travail collectif, impliquant à la fois des étudiants, des personnels enseignants et administratifs... La finalité est de favoriser l'égalité d'accès des femmes et des hommes, aussi bien dans les filières universitaires que dans les métiers au sein même de l'université ou à l'extérieur. Dans ce travail sur les problématiques d'égalité femmes-hommes, se pose la question des représentations qui influent sur les comportements. Tout ce qui renvoie aux stéréotypes de genre véhiculés par différents types de représentations fait partie des champs d'actions que l'université a bien identifiés.”
L'écriture inclusive
Ce texte vise avant tout la communication officielle de l’UCA, indique le président : “Cette charte pour une communication inclusive ou non genrée est destinée avant tout à éviter, dans la communication de l'université, de recourir à des formes qui conforterait les stéréotypes de genre, qu'il s'agisse de la communication écrite ou visuelle.” L’objectif de cette charte est selon lui de “promouvoir des modes de communication qui introduisent le moins de biais possibles liés aux gens masculin ou féminin. Une partie concerne les modalités d'écriture avec l'écriture inclusive.” Et c’est là, que, pour l’UNI, le bât blesse : “La chose la plus dérangeante à notre avis, c'est l'utilisation du point médian et de la barre oblique. C’est très difficile. Ça contrevient aussi au conseil qui avait été donné par les immortels de l'Académie française dans une lettre ouverte il y a quelques années. C'est quelque chose d'assez problématique et qui pourrait pénaliser les étudiants étrangers, les étudiants dyslexiques ou atteints d'autres handicaps cognitifs”, explique Clément Lepiller.
Utiliser des formes neutres
Pourtant, cette charte n’impose rien, selon Mathias Bernard : "C’est une boîte à outils, on n’est pas dans l'ordre du décret ou de la circulaire. Ce n’est pas un texte prescriptif, c'est un texte qui fait des préconisations pour les personnels de l'université pour qu'ils utilisent le moyen qui est le plus approprié à la communication qu'il peut faire.” La charte recommande notamment d’utiliser des mots qui “permettent d'avoir une totalité englobante”. Par exemple, utiliser “le corps enseignant” plutôt que “les enseignants” qui est une forme plus neutre. Une 2ème partie de la charte qui vise plutôt les les supports de communication visuels diffusés par l'université. Il s’agit d’éviter des “représentations qui peuvent nourrir des stéréotypes, genre : présenter des jeunes étudiantes qui sont passives, pensives ou rêveuses, alors que les garçons sont plus dans l'action”, indique Mathias Bernard. Il appelle à être “vigilants et à bien réfléchir”. Il ajoute : “On est sur des mécanismes parfois inconscients, une sorte d'inconscient collectif qui fait que même sans le vouloir, on peut reproduire cela.”
Les supports visuels également concernés
La communication visuelle est également dans le viseur de l’UNI : “C’est contrôler la place des femmes et des hommes sur toutes les images internes à l'université. Il est question par exemple, de contrôler les couleurs des vêtements, la posture et puis la taille des personnes. Même si ça part d'une bonne intention, on considère que c'est absolument inégalitaire de traiter les gens différemment, selon que ce sont des hommes ou des femmes”, s’indigne Clément Lepiller. “On assume complètement”, répond Mathias Bernard. “C’est une proposition de l’université qui s'appuie sur des travaux de recherche en psychologie sociale et qui sont conduits au sein même de notre établissement. Ce n'est pas du tout une démarche militante. On est sur une démarche qui s'appuie sur des éléments scientifiquement validés et qui s'inscrit dans une responsabilité sociétale, et dans une démarche d'insertion par l'établissement.”
Une "instrumentalisation politique attendue"
Pour Mathias Bernard, cette opposition est marginale : “On a l'impression que c’est une bronca de l'ensemble de l'université qui serait contre cette soumission aux dictats du wokisme. On n’en est pas là. Ce n'est que l'UNI qui fait le choix d’une instrumentalisation politique attendue sur ce type de sujet. Je pense qu'il y a un contexte post-électoral qui peut expliquer une sensibilité particulière de certaines organisations sur ces sujets-là.” Pourtant, cette charte n’est pas un cas unique, selon lui : “L'équivalent de cette charte a déjà été adoptée par une majorité d'universités ou presque. Malheureusement, Clermont n'est pas particulièrement pionnière où avant-gardiste sur le sujet. Les universités lyonnaises, Grenoble par exemple, ont adopté des chartes similaires déjà, parfois depuis 2017.”
Un vote
Mais alors, pourquoi soumettre cette charte au vote ? Mathias Bernard répond : “J’ai tenu effectivement à ce que ça soit inscrit dans un conseil d'administration. Je crains moins l'opposition politique qui est marginale plutôt qu'une forme de passivité, de “Est-ce que c'est vraiment indispensable ?”, une sorte de scepticisme. Ils sont nombreux à penser que le caractère masculin de la langue française n'a pas forcément d'impact sur les problématiques d'égalité professionnelle ou d'égalité hommes-femmes dans les études. A partir du moment où vous avez un système linguistique d'une part, et puis une communication visuelle d’autre part qui, systématiquement, va valoriser le masculin, ça entraîne des comportements, sans que les acteurs en aient forcément conscience.” Pas question pour l’UNI d’adopter ce texte : “On appelle à voter contre ! “ indique Clément Lepiller.