L’abstention sera-t-elle dimanche 10 avril le premier parti de France ? C’est la crainte de nombreux observateurs. Les jeunes n’iront pas forcément voter, à entendre les instituts de sondage. Nous sommes allés vérifier auprès d’un panel d’étudiants de Clermont-Ferrand.
C’est la grande inconnue de l’équation de ce dimanche 10 avril : quelle sera la participation lors du premier tour de l’élection présidentielle ? Les instituts de sondage jouent les Cassandre et prédisent une faible mobilisation dans les bureaux de vote. En particulier chez les jeunes. Mais les étudiants de Clermont-Ferrand bouderont-ils les urnes ? Nous choisissons de prendre le pouls de cette jeunesse clermontoise près de la fac de droit et de lettres. Mais quelle n’est pas notre surprise ! Sur la dizaine de jeunes rencontrés cette après-midi, difficile de trouver la trace d’un abstentionniste. Yun, 29 ans, étudiant en création littéraire, indique : « Je vais voter dimanche parce que j’y crois. Je pense qu’un autre monde est possible. Ce me paraît assez étonnant que des jeunes n’aillent pas voter dimanche. Je vis seulement le monde politique à travers les médias. J’ai l’impression que tout ce que je lis est la réalité mais ce n’est pas le cas. Je présume qu’il y a plein de jeunes qui ne prennent pas le temps de se renseigner. Je m’informe par Le Monde, des médias alternatifs sur YouTube comme Le Média, Blast, Off investigation et les réseaux sociaux comme Twitter. Je vais voter Mélenchon, pour lequel j’avais déjà voté en 2017. Je trouve qu’il a un programme très construit et cela correspond aux valeurs dans lesquelles je me retrouve ».
"J’espère ne pas voter pour voter"
Justine, 25 ans, en Master directeur de projet et d’établissement culturel, souligne : « Je considère que c’est un droit qu’on peut utiliser, donc autant le faire. Après, en termes de choix, je ne suis toujours pas fixée. J’espère ne pas voter pour voter. Je suis toujours en train de discuter avec mes proches. L’influence de l’entourage joue beaucoup pour moi. Je vais regarder les programmes à nouveau, réécouter les discours. C’est une période où on est un peu débordés, on n’a pas trop le temps de s’y pencher mais je vais le faire avant dimanche. Je ne pense pas que les jeunes ne vont pas aller voter. Quand j’en parle avec les gens que je fréquente à la fac, au contraire, on a l’intention d’aller voter. On a fait le point sur la mise à jour de nos cartes électorales. Dans mon entourage, les gens vont voter ».
"C’est la première fois que je vote"
Un peu plus loin, Louis, 19 ans, en deuxième année de licence de droit, précise : « Je vais voter car je trouve que c’est un devoir citoyen, il est important d’aller voter. Dans mon entourage, la plupart de mes amis vont aller voter dimanche. Je pense qu’il est important pour les jeunes de se faire entendre au niveau des élections. L’avenir c’est nous. Je m’informe en regardant les infos, sur Internet, avec des chaînes YouTube pour décrypter les différents programmes des candidats. Mon choix est fait ». Sa camarade de promo, Amandine, 19 ans, est aussi en deuxième année de licence de droit : « Dimanche, j’irai voter. C’est important en tant que citoyen et en tant que femme. Elles se sont battues pour le droit de vote. Mon choix est fait, pour Mélenchon. Ca a été dur de choisir. C’est la première fois que je vote. Je me suis renseignée, ça devrait le faire. Il y a pas mal de jeunes qui pensent que ce n’est pas utile de voter ou qui ne se sentent pas concernés par le vote. Dans mon entourage on est nombreux à se déplacer dimanche. Les hommes politiques ne parlent pas trop aux jeunes et ne nous incitent pas trop à voter. Il faudrait qu’ils nous parlent davantage des études, car c’est ce qui nous concerne le plus, tout comme l’écologie. Sur ces thèmes, ça pourrait plus marcher ».
"Il y a de moins en moins de jeunes qui souhaitent s’impliquer"
A quelques jours des examens, la question des élections est très souvent abordée par les étudiants. Noé, 18 ans, en L1 de droit, confie : « Dimanche, je vais aller voter comme un bon citoyen. Il faut agir pour l’avenir des jeunes et c’est pour cela qu’il faut aller voter. Les hommes politiques ne parlent pas forcément aux jeunes. Ils essaient mais c’est compliqué car il y a une grande défiance par rapport à tous les hommes politiques. Je suis sensible au thème de l’écologie car ça nous pend tous au nez et on est tous concernés. Il y a aussi le pouvoir d’achat. Je m’informe sur YouTube, sur Twitter, sur les journaux. Je pense que beaucoup de jeunes n’iront pas voter car il y a de moins en moins de jeunes qui souhaitent s’impliquer. Mon choix est fait. Il est fébrile. Je vais voter à gauche mais je ne sais pas encore pour qui ».
"Vous faites un sujet sur l’abstention ? Allez donc en fac de lettres, vous en trouverez plein !"
Aux abords de la fac de droit, un petit groupe d’étudiants échange et fume une cigarette. Ils refusent de nous répondre. « Vous faites un sujet sur l’abstention ? Allez donc en fac de lettres, vous en trouverez plein ! » lance l’un d’eux en riant. Que nenni. En parlant avec certains étudiants sur le site de Gergovie de la fac de lettres, il est difficile de trouver un jeune qui n’ira pas voter. Etienne, 24 ans, en 3e année de l’histoire de l’art, affirme : « Normalement, je vais voter. Je considère que c’est important qu’il y ait de la visibilité pour certains candidats. Même si selon moi les élections sont souvent un peu décidées à l’avance, surtout avec Emmanuel Macron qui refuse de participer au débat, car il est quasiment sûr d’être élu, certains candidats ont très peu de temps d’antenne et on se rend compte que la parité n’existe pas. C’est important de montrer qu’ils existent et que d’autres choix sont possibles. Mais je sais qu’ils ne seront pas élus. Je peux comprendre que certains ne votent pas car il y a une bonne partie qui est très désillusionnée, avec pas de candidat qui lui correspond. Je peux comprendre qu’une bonne partie de la jeunesse s’abstienne. Cela ne m’inquiète pas spécialement car je crois très peu au suffrage présidentiel direct : pour moi, ça ne change pas grand-chose. Les hommes politiques ne parlent pas trop aux jeunes, sauf Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou. Il y a aussi Zemmour, avec un autre discours. En termes d’emploi, de ressources, de finance, d’accès à la culture, tout cela est très peu abordé pendant la campagne. Je m’informe avec Internet, en regardant certains débats, qui tournent souvent au pugilat. J’essaie de prendre des journaux différents politiquement. Il faut essayer d’avoir plein de sources différentes. Je voterai Philippe Poutou. Je n’essaie pas de convaincre mon entourage, je sais que c’est peine perdue ».
Les explications d'une abstentionniste
Alix-Marie, 23 ans, est la seule abstentionniste potentielle que nous croiserons cet après-midi : « Je ne sais pas si j’irai voter dimanche. Pour l’instant, aucune personne qui s’est présentée ne correspond à quelques idées que j’ai. Pour choisir entre la peste et le choléra, je ne sais pas si j’irai voter. Il n’y a pas de débat. Macron ne se présente pas, il n’y a rien qui se passe. Les débats tournent au pugilat, quand il y en a. Il n’y a rien de constructif. J’ai voté en 2017 mais je n’ai pas été satisfaite. Je verrai si je vote au second tour. J’ai plus une sensibilité de droite. On ne parle pas de l’enseignement, des jeunes, de la culture. ». Julie, 21 ans, en Master 1 de droit, est sûre d’elle : « Dimanche, j’ai prévu d’aller voter. C’est important pour défendre nos droits. C’est pour l’avenir. Je suis sûre que beaucoup de jeunes iront voter. On parle beaucoup des élections à la fac. Je m’informe via l’actualité, les réseaux sociaux, les programmes ».
"Mon choix n’est pas encore fait"
Même son de cloche pour Samuel, 21 ans, en Master 1 de droit : « Dimanche, j’irai voter et je vais tenir un bureau de vote dans l’après-midi. Selon les sondages, il y aura pas mal d’abstention. Peut-être qu’il y aura un sursaut des jeunes pour voter. Ce n’est pas sûr. Certains homme politiquent ont centré leur campagne sur les jeunes, notamment avec le COVID et les problèmes pour les jeunes. Mais les jeunes sont-ils vraiment écoutés ? Une fois élus, les candidats vont-ils agir pour les jeunes ? C’est différent. Je suis sensible à l’avenir, à la santé. Mon choix n’est pas encore fait ». Près des facs, nous avons pu croiser de nombreux étudiants étrangers qui auraient aimé participer au scrutin. Parmi eux, un étudiant ivoirien en licence de tourisme âgé de 22 ans, il s’appelle…
Elysée : « Je ne suis pas français donc je ne pourrai pas voter mais si j’avais l’opportunité de voter, pourquoi pas. C’est un droit national donc c’est mieux de voter. Il est important de voter car ça donne l’opportunité de choisir son candidat en fonction du programme, selon sa sensibilité. Je pense que voter est un droit fondamental ». Réponse dimanche 10 avril dès midi, avec les premiers chiffres de la participation. Nous saurons si les jeunes se sont déplacés en masse.