L’ail des ours : tous les secrets de cette plante merveilleuse

De mars à mai, l’ail des ours pousse dans des endroits humides, notamment en Auvergne. Un botaniste et deux restaurateurs nous en livrent tous les secrets. Suivez le guide.

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C’est une plante que de nombreux chefs aiment cuisiner et dont le goût est aussi poétique que son nom : l’ail des ours. Dès le mois de mars, elle s’épanouit près des rivières, notamment en Auvergne. Elle tient son nom en référence à une légende selon laquelle après l’hibernation, les ours en consommaient pour se purger, annonçant l’arrivée du printemps. Ce jour d’avril, à Blesle, en Haute-Loire, Charlie Braesch, botaniste sur le site "Le goût du sauvage" et animateur nature nous emmène à la découverte de l’ail des ours. En compagnie de Dominique Dubray, restaurateur, chef de La Bougnate, il nous conduit pour une balade le long de la Voireuse, un affluent de la rivière Allier. Très vite, nous sommes alertés par une odeur intense d’ail : le tapis verdoyant est là sous nos yeux. Le trésor est à notre portée !

Une plante à ne pas confondre

Charlie Braesch explique : « Ce qui est assez frappant, c'est que il y a une super odeur : on en prend plein les narines comme toutes les plantes sauvages ou cultivées, cela va sentir l’ail. Il s’agit d’une des bonnes manières de reconnaître l’ail des ours car il peut y avoir des confusions avec des plantes hautement toxiques, comme l’arum. Autre signe : les nervures. On va avoir des nervures qui vont être plutôt parallèles. L'ail des ours va avoir une nervation, c'est à dire la disposition des nervures, plutôt parallèle tandis que la nervation des arums va être en forme de peigne, en forme d'arête de poisson. Autre confusion possible, avec le muguet qui va pousser dans les endroits bien frais en bord de forêt, en bord de rivière, comme l’ail des ours. L'ail des ours va avoir sa face supérieure qui est brillante. Sa face inférieure est mat, tandis que pour le muguet ça va être l'inverse, c'est à dire que la face supérieure va être mat ».

Des recommandations pour la cueillette

Mais pour cueillir cette précieuse plante qui est, « comme tous les ails sauvages, ail, oignon, poireau sauvage, ça va être une plante à bulbe », il y a certaines règles à respecter. Le botaniste souligne : « S’il y a une population d'ail des ours, on cueille ici et là : on va respecter cette station et puis permettre à la population de pouvoir être présente l'année prochaine, l'année suivante et pour que tout le monde puisse en profiter. Ça veut dire ne pas être égoïste et penser au suivant. Cela veut dire de faire bien attention à ce qu'on cueille ».  

Cueillir avec les sens

Cette plante qui affectionne les bords des rivières, les milieux frais humides. « À chaque fois que je vais cueillir, je vais prendre une feuille par une feuille. Et là, je vais avoir une sensation, la sensation qui est sous mes doigts. Je vais avoir comme une sensation un peu élastique. Quand je cueille, je cueille pleinement, avec tous mes sens. On cueille les feuilles quand elles sont pleinement ouvertes. On peut aussi cueillir les fleurs quand elles sont en boutons » insiste Charlie Braesch.

"Le coin secret du chef"

Son compère restaurateur, Dominique Dubray, apprécie tout particulièrement l’ail des ours. C’est lui qui a guidé le botaniste vers ce spot secret : « Ce coin c’est le secret du chef. Il y a encore quelques jours il y avait de la neige ici. J’aime bien en faire une émulsion, pour accompagner des noix de Saint-Jacques par exemple. Alors j'affectionne aussi le fait de faire un pesto que l'on peut mélanger avec des pâtes ou le servir en apéritif sur un petit croûton doré comme une tapenade d'olives ou bien le mettre dans une quiche ou une tarte. Si on le fait revenir c'est juste comme une feuille d'épinard, une petite noix de beurre léger, un filet d'eau et juste un aller-retour ». Le chef rappelle : « On aura envie de tout cueillir mais il faut raisonnablement prendre ce dont on a besoin ». L’ail des ours constitue sa botte secrète, « le produit phare de début de saison ».

"Cela va embaumer"

« C'est un produit délicat. À la fois on a ce goût d'ail mais qui est subtil en fin de compte et qui va relever un peu les saveurs. J'en mets également de temps en temps dans un filet, un blanc de volaille : ça va embaumer » aime raconter le restaurateur. Frédéric Pinto, chef du restaurant Les Grandes Tables de la Comédie, à Clermont-Ferrand, affectionne aussi tout particulièrement l’ail des ours. Il propose une recette simple, avec des asperges : « On commence par une pré-cuisson des asperges dans de l’eau salée. Cela va durer entre 12 et 15 minutes, en fonction de l’épaisseur de l’asperge. Après on les entoure d’ail des ours. On les fait revenir dans un beurre noisette. On le fait bien revenir. Puis, on peut les agrémenter de boutons d’ail des ours, comme des pickles ».

L'émotion de la dégustation

Sous l'oeil de Frédéric Coursol, autre cuisinier de renom, le jeune chef souligne avec émotion : « Quand on déguste l’ail des ours, on ressent beaucoup de choses. On va avoir ce côté un peu terreux de l'asperge et le côté aillé de l'ail des ours qui va être prédominant et en fin de bouche. On va avoir toute cette profondeur donnée par le beurre noisette qui va rester et donner ce côté un peu rassurant ». Il indique : « C’est une plante que j’affectionne. J’aime cuisiner toutes les plantes. On profite de ce que la nature nous donne. Il y a une grande ouverture possible, on peut tout faire avec de l’ail de ours : on peut en faire avec une huile pour obtenir un pesto. On peut juste ciseler, mixer avec de l’huile et ça pourra donner un peu de peps à un plat. Enfin, l’ail des ours se prête à quasiment tout, il supporte aussi bien la cuisson comme le fait de rester cru ».

La question de la conservation

Frédéric Pinto détaille comment conserver l’ail des ours : « On peut le conserver au moins 3 jours. Après, si c'est fait dans les règles de l’art comme une plante, vous coupez la tige, vous la laissez légèrement tremper dans l'eau. La plante va continuer à vivre et vous pouvez la tenir. On peut aussi placer l’ail des ours dans un linge légèrement humide pour ne pas que le froid graisse trop la feuille ».  A vos fourneaux !

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