Sa passion : les cartes Michelin. Il en possède plusieurs milliers. Rencontre avec cet Auvergnat qui, comme il le reconnaît, a contracté "la maladie de la collectionnite".
Article publié le 29/03/2021
Avec sa passion pour les cartes Michelin, Marc Francon ne risque pas de perdre le nord. Il vit à Veyre-Monton dans le Puy-de-Dôme, à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand. Agé de 73 ans, il y mène une vie paisible de retraité. Lui qui a fait toute sa carrière dans l’enseignement est un collectionneur de cartes routières. Son expertise fait de lui une référence au niveau national voire international. Il a commencé sa collection en 1992. « J’ai actuellement un peu plus de 14 000 pièces dans ma collection, ce qui représente 2 tonnes environ. Je mets cela dans 2 pièces chez moi, qui sont complètement tapissées de cartes. J’aime bien avoir mes cartes bien classées parce que quand je travaille, j’essaie de trouver les objets dont j’ai besoin » souligne le collectionneur.
J’ai toujours été très intéressé par tout ce qui est cartographie
Sa passion remonte à longtemps. Marc Francon raconte : « D’une part j’ai toujours été très intéressé par tout ce qui est cartographie. Lorsque je revois d’anciens élèves ils se rappellent des soucis que je leur posais pour faire des cartes. Quand j’ai fait ma thèse sur le Guide vert Michelin, j’avais contacté les bureaux Michelin à Paris et j’y avais été reçu. Je me suis rendu compte que si on m’ouvrait les portes, c’était quand même assez difficile d’y entrer. J’ai décidé, pour travailler à la maison, de constituer la collection complète des Guides verts Michelin depuis 1926 jusqu’à maintenant. J’avais ces Guides à la maison et finalement je me suis rendu compte qu’il était intéressant d’avoir en parallèle les cartes. Quand j’achetais des Guides, c’était souvent des lots, avec des cartes au milieu. De fil en aiguille, je suis passé à la collection de cartes. J’ai conservé mes Guides verts mais pas les Guides rouges. Les cartes ne sont pas un objet de collection pour dire que j’accumule des objets pour mettre dans une vitrine : c’est un matériau sur lequel je travaille régulièrement en publiant des articles sur les contenus, les évolutions des cartes ».
Une passion peu coûteuse selon lui
Il a ainsi commencé sa collection. Le retraité a d’abord écumé les brocantes, Emmaüs, puis avec l’avènement d’Internet, il fait désormais ses recherches sur Ebay et quelques fois sur Le Bon Coin. Marc Francon est un collectionneur méticuleux mais dont la passion n’est pas dévorante sur le plan financier. Il avoue : « J’ai des cartes qui sont relativement rares. Mais Michelin n’a jamais beaucoup communiqué sur ce qu’il a produit. Ce sont les collectionneurs qui font les catalogues. J’ai 2 ou 3 cartes excessivement rares. J’en ai une centaine de rares. Une carte très rare va se vendre 300 euros. Ce ne sont pas des objets de grande fortune. Quand j’ai dépensé 50 euros par mois, j’ai été très prodigue ».
Une carte de 1905
Sa collection renferme ainsi quelques trésors : « Je possède la première carte que Michelin a produite. Elle était consacrée au circuit automobile Gordon-Bennett. Elle a été produite en 1905. Jusque-là, de 1902 à 1907, Michelin insérait une carte dans le Guide rouge, qui n’était pas produite par Michelin. Le fait de posséder cette pièce fait un peu rager les copains qui ne l’ont pas. Mais on est très solidaires. On fait un salon tous les ans près de Bourges. Chacun amène ce qu’il a découvert. On se jalouse un peu et on se chambre ».
J’ai la maladie de la collectionnite
Il ajoute : « J’ai la maladie de la collectionnite. J’ai collectionné les timbres à une certaine époque. Maintenant c’est les cartes et ça fait voyager dans sa tête. J’y consacre un dixième de mon temps libre ». Au fil des années, la passion du collectionneur est insatiable. Il concède : « Je suis à la recherche de plusieurs pièces. Il y a des cartes de Grande-Bretagne de 1935 et d’Espagne de 1937 que je recherche. Mais quand j’aurai celles-là, j’en rechercherai d’autres. On court toujours derrière ce que l’on n’a pas. Je suis un perpétuel insatisfait. Je ne me contente pas de ce que j’ai. Je cours toujours derrière quelque chose. J’achète beaucoup de lots. Je remplace celles qui sont un peu défraîchies par des plus jolies. L’objectif est d’avoir des cartes qui se rapprochent du meilleur état ».
Une thèse soutenue en 1998
Le retraité peut ainsi s’enorgueillir de posséder les premières cartes commercialisées par le manufacturier clermontois depuis 1910, jusqu’en 2002. A partir de cette date, l’ancien enseignant ne les collectionne plus car elles ont « changé de culture » selon lui. Il dispose ainsi de cartes qui concernent la France, l’Espagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Afrique. Passionné invétéré, Marc Francon a même soutenu une thèse en 1998 qui porte sur « Le Guide vert Michelin ou l’invention du tourisme culturel populaire ». Il n’a cependant pas réussi à transmettre son virus des cartes Michelin à son fils : « Mon fils regarde cela avec beaucoup d’amusement. Ce n’est pas très dispendieux, ça ne coûte pas cher. Ca me prend relativement peu de temps. Ca ne gêne personne ».
Je crois encore à la force de la carte
Face à la mode du GPS, le retraité est conscient que la carte ne fait pas le poids : « Je crois encore à la force de la carte. C’est un bel objet. Il faut relire Michel Houellebecq. Un ami vivant en Haute-Loire a vu un beau jour arriver près de sa maison des gens qui cherchaient la grotte miraculeuse de Lourdes. Cet ami habitait près de l’aérodrome du Puy-en-Velay, l’aérodrome de Loudes. Vous comprendrez que le GPS, quand il est entre de bonnes mains, ça va, mais quand c’est entre les mains d’imbéciles, ça amène des choses cocasses. Mais je pense que l’utilisation des cartes est finie. C’est comme la bougie, c’est joli et ça va bien pour un jour de fête, mais on ne s’en sert pas quotidiennement ». Grâce à ses cartes Michelin, Marc Francon parcourt le monde. Il souligne : « J’avais le goût du voyage. J’ai beaucoup voyagé dans la première partie de ma vie. Je ne sais pas si les cartes en sont la cause ou la conséquence mais ensuite j’ai voyagé beaucoup moins ». Avec cette passion chevillée au corps, le collectionneur apprécié traîner dans les brocantes, comme celle des Salins à Clermont-Ferrand. Le week-end dernier, il a réussi à dégoter 6 cartes dont 3 qu’il n’avait pas encore. Sa dernière acquisition est arrivée par le courrier : une carte en provenance d’Espagne. Le retraité est tout heureux de pouvoir la contempler. Avec l’autocollant du libraire de Barcelone qui la vendait, Marc Francon pense vraisemblablement la garder. Elle vient ainsi grossir sa riche collection.