Des sites Michelin qui ne tournent pas à plein régime, d’autres comme les Gravanches à Clermont-Ferrand qui vont fermer une semaine : le manufacturier traverse une zone de turbulences. Des syndicats s’attendent à des annonces de la part du géant du pneu.
Dans les usines Michelin de l’Hexagone, à en croire les syndicats, l’heure est à l’inquiétude. La plupart des sites ne tournent pas à plein régime et connaissent une baisse d’activité. Romain Baciak, secrétaire général CGT Michelin à Clermont-Ferrand, explique : “Il n’y a pas beaucoup de sites qui tournent à régime habituel. Seul le site de Bourges tourne à plein régime pour les pneus avions. Même Roanne et les Gravanches, où on produit les pneus haut de gamme, connaissent un petit ralentissement jusqu’à 20%. Tous les autres sites français comme Cholet, le Puy-en-Velay, Vannes, Montceau-les-Mines subissent une perte d’activité plus importante encore. Tous ces sites ont une capacité de production inférieure à 50%”. Il poursuit : “C’est dû à la seule responsabilité de Michelin qui favorise ses usines où la main-d'œuvre est moins chère. À Clermont-Ferrand, le site des Gravanches va fermer une semaine en novembre. Deux sites vont avoir recours au chômage partiel, le Puy-en-Velay et Troyes. Aux Gravanches, le site a trop produit. Ils essaient d’écouler les stocks. On a rarement connu de semaines de fermeture à Clermont-Ferrand. C’est un signe inquiétant. En Haute-Loire, il va y avoir deux semaines et demie de chômage partiel car les taux de charge baissent (NDLR, le taux de charge représente le rapport entre le temps de travail effectif d’une ressource et sa capacité réelle de travail)".
Des sites qui connaissent une baisse d'activité
Même inquiétude du côté de José Tarantini, délégué syndical central CFE-CGC : “Il y a une situation différente selon les sites mais la plupart des sites sont plutôt en baisse d’activité. Seul le site de Bourges fait exception, où l’on fabrique des pneus avions et spéciaux. On a lancé un droit d’alerte au mois de juin. Mercredi, on doit nous présenter les résultats d’une expertise. Elle doit aborder en partie l’activité industrielle en France qui nous pose souci. Il y a des sites comme celui de Cholet qui sont à 30% de leur activité. Cette usine est calibrée pour fabriquer 5 millions de pneus par an et cette année ils vont en faire péniblement un peu plus de 2 millions. On sent bien que l’employeur va annoncer quelque chose”. Selon le secrétaire général CGT Michelin, trois sites français sont menacés : “Aujourd’hui en France, il reste 16 000 salariés. On attend des annonces de fermeture sur Vannes, Cholet et Tours. On a déclenché un droit d’alerte sur ces trois usines. Ces trois sites sont particulièrement en danger”. Pour les sites concernés par des fermetures temporaires, Michelin n’a pas recours au chômage partiel : “Les salariés vont prendre des congés de cette année ou Michelin va leur faire prendre des congés par anticipation ou des congés sans solde. Pourtant, la loi dit que si c’est une demande liée à la fermeture de l’entreprise et que les salariés n’ont plus de jours de congés, c’est à l’entreprise de payer les congés. On préférerait que les salariés soient payés par Michelin”.
Une stratégie qui interroge
Pour Romain Baciak, la crise automobile n’explique pas à elle seule cette baisse d’activité : “Michelin ne cesse d’augmenter ses prix. Ses clients en ont marre de payer une fortune donc ils vont vers la concurrence. Les salariés sont inquiets. Ils savent parfaitement qu’une usine qui ne tourne qu’à 50% n’est pas rentable pour Michelin. Il va falloir que Michelin agisse”. José Tarantini avance quant à lui une autre explication : “L’employeur se justifie toujours en parlant du marché. Effectivement, on ne peut pas vendre ce que le marché ne peut pas acheter. Il faut aussi regarder du côté de la stratégie du groupe, engagé dans une stratégie de la valeur. On abandonne des segments de marché qui sont moins rémunérateurs et on se concentre sur des segments à forte valeur ajoutée. La conséquence directe est qu’il y a moins de volume, donc moins de fabrication, donc moins d’usines donc moins d’emplois industriels. C’est aussi simple que cela. Michelin a déjà annoncé la fermeture de trois usines en Allemagne et d’une aux Etats-Unis, ainsi que l’arrêt d’activités en Pologne et en Chine. On attend malheureusement que le groupe aille plus loin dans ses annonces, comme conséquences logiques de cette stratégie”.
Des salariés dans l'attente
Selon lui, le manufacturier va faire des annonces : “Je ne sais s’il s’agira de fermetures de sites ou des fermetures d’activités. On attend que l’employeur nous donne des réponses à cette baisse d’activité énorme. On a été surpris par l’annonce des Gravanches car c’est une usine vedette, où l’on fabrique le haut de gamme. Même dans une usine qui fabrique des pneus qui correspondent à la stratégie du groupe, on est face à une baisse d’activité. Cela nous fait peur”. Selon le délégué syndical central CFE-CGC, l’angoisse gagne les salariés Michelin : “Il y a des inquiétudes à Cholet. Des salariés viennent au boulot avec la peur au ventre, car ils n’ont pas de boulot. Vannes et Tours sont les sites les plus touchés. On sent une ambiance globale qui est à l’inquiétude et à l’attentisme. Les salariés s’attendent à des annonces et ce n’est jamais très bon de vivre dans cette incertitude”. Le syndicaliste prévient : “A la CFE-CGC on est très heureux quand notre entreprise fait des bons résultats mais nous faisons attention à ce que les personnes ne soient pas la variable d’ajustement. Nous souhaitons la pérennisation des emplois. Mais quand on entend le débat sur le salaire décent, le plus important est que les gens aient du travail”. Un CSE central est annoncé ce mercredi 9 octobre. Contactée, la direction n’a pour le moment pas souhaité s’exprimer.