Michelin a répondu à l'appel d'offres lancé par la FIA pour équiper les écuries de Formule 1 pour trois saisons à partir de 2017. Le manufacturier clermontois est en compétition avec l'italien Pirelli. Pascal Couasnon, le directeur de la compétition chez Michelin, justifie la démarche.
Michelin postule pour un retour en Formule 1, dans vos dernières déclarations, début juin, vous disiez être encore hésitant, qu'est-ce qui vous a convaincu de vous lancer dans la course ?Comme c'est une décision qui n'est pas anodine, il était important de s'assurer qu'au niveau du groupe, en interne, nous étions prêts à nous engager dans l'aventure. Ce qu'il y a derrière cette candidature, c'est le fait de dire que depuis pas mal de temps nous avons proposé quelques idées et qu'on avait l'opportunité de pouvoir potentiellement déployer ces idées et que c'était le bon moment pour y aller.
En 2005, Frédéric Henry-Biabaud, qui occupait votre poste à l'époque, expliquait que le retrait de Michelin de la F1 était dû à l'adoption du manufacturier unique. Il disait : "A partir du moment où vous participez à la compétition, l'intérêt est de démontrer que votre produit est le meilleur. Il s'agit moins d'une recherche de notoriété que d'une démonstration de la supériorité du produit". Michelin a visiblement changé de position. Pourquoi ?
Plutôt que de parler de changement de position, c'est plutôt une évolution de position. Si on regarde la motivation ultime, elle reste la même. C'est d'être challengé et de faire des progrès de produits à travers la compétition. Il y a deux façons d'être poussé dans ses retranchements. C'est quand vous êtes en confrontation directe avec un concurrent de votre catégorie, mais vous pouvez aussi être challengé par des règlements qui vous amènent à développer de la technologie. C'est cette position-là que nous prenons. Nous proposons de revenir en tant que manufacturier unique mais avec des changements assez importants au niveau du pneumatique. Passer de 13 pouces à 18 pouces en monoplace, ce n'est pas quelque chose qui se fait en claquant des doigts et on voit là un intérêt. L'évolution du règlement a eu lieu en rallye, en endurance, ça nous amène à développer des technologies qui sont utiles pour les pneus de tous les jours et c'est ça qui nous motive.
Nous proposons de revenir en tant que manufacturier unique mais avec des changements assez importants au niveau du pneumatique.
Avoir des résultats en endurance, en moto, en rallye, c'est bien, mais la F1 reste la vitrine incontournable ?
C'est complémentaire en fait. Le rallye, c'est la possibilité de démontrer la versatilité de nos produits. On est sur la terre, on est sur l'asphalte, on est sur la neige…On est donc obligé de comprendre ce qui est utile pour votre voiture et pour la mienne. Lorsqu'on est au Mans, en endurance, c'est la possibilité d'avoir des pneus qui fonctionnent bien sur des plages de températures importantes, et là on apprend aussi des choses. Lorsqu'on est en Formule Electrique, on découvre comment avoir des pneus efficaces en termes d'énergie. La Formule 1, c'est la vitrine la plus regardée aujourd'hui. Si ses règlements évoluent dans le sens où on le propose, ça nous permettrait notamment d'aller chercher des solutions intéressantes en termes de sécurité puisqu'il faut qu'on comprenne le grip dans ses limites.
Aujourd'hui, les monoplaces sont équipées de pneus d'un diamètre de 13 pouces. Vous défendez l'idée de passer à 18 pouces, pourquoi ?
La chose la plus importante est de se trouver dans des conditions de compétition qui nous amène à des solutions et des compréhensions transférables sur la route. Si vous regardez aujourd'hui un pneu de F1, ce sont des petites roues et des flancs très hauts. Cela implique une physique qui n'a pas grand-chose à voir avec le pneu de route, même sur des véhicules haut de gamme ou sportifs. Dans notre proposition de 18 pouces, la chose importante est de se rapprocher de pneus qui nous permettent de transférer cette technologie de la piste sur la route.
Etes-vous arrêté sur cette idée ou si la FIA vous dit "ok, mais on reste à 13 pouces", vous signez quand même ?
Non, on n'y va pas parce que ça n'a pas d'intérêt.
On a le sentiment que dans le paddock et en coulisse, c'est plutôt Pirelli qui la faveur des écuries. Est-ce qu'une candidature s'accompagne d'un lobbying pour convaincre de révolutionner la manière d'aborder la compétition auto ?Avec le 18 pouces, il y a l'idée de proposer aux pilotes un pneu qui leur permette de s'exprimer à 100% le plus longtemps possible.
C'est sûr que c'est un changement qui n'est pas mineur. Lorsque vous proposez un changement important, on peut comprendre que les écuries se posent des questions. Vous avez des équipes qui dominent la discipline aujourd'hui et tout changement remet forcément en cause la position. Mais si on veut vraiment faire bouger le sport en général et se comporter en leader de l'industrie, il ne faut pas avoir peur de proposer des choses relativement différentes. Ça prendra peut-être du temps mais on espère qu'un jour ça changera, et peut-être plus vite que prévu.
Sur le plan purement sportif, qu'est-ce que les compétiteurs et même les spectateurs ont à gagner avec la proposition que vous faites ?
Avec le 18 pouces, il y a l'idée de proposer aux pilotes un pneu qui leur permette de s'exprimer à 100% le plus longtemps possible. C'est une proposition un peu décalée par rapport à ce qui se passe aujourd'hui. On estime, avec ça, qu'on pourrait avoir à nouveau des pilotes qui s'exprimeraient au maximum de leur potentiel et que ça pourrait donner de bonnes batailles sur la piste.
Bernie Ecclestone ne partage pas votre approche. Il a même eu des mots assez durs en mai dernier estimant que le potentiel retour de Michelin serait une mauvaise chose pour le sport. Et que vous proposiez un pneu dur comme de la pierre qu'on posera sur les voitures en janvier et qu'on enlèvera en décembre. Que pensez-vous de ces déclarations ?
Ce qu'on voit, c'est que le pneu en pierre, il arrive à proposer un super beau spectacle aux 24 heures du Mans. On doit être capable de faire la même chose en Formule 1.