Mercredi 29 mai, les instructeurs du Centre Régional des Déficients Visuels de Clermont-Ferrand seront en grève. Ils dénoncent le manque de personnel, qui retarde l’accompagnement des personnes aveugles ou malvoyantes.
Les instructeurs du Centre Régional des Déficients Visuels (CRDV) seront en grève mercredi 29 mai. Ils ne sont pas suffisamment nombreux à pratiquer le métier méconnu d’instructeur de locomotion, et souhaitent que la structure recrute des personnels. Céline Batier, instructrice de locomotion du CRDV, explique ce métier indispensable : « Les instructeurs travaillent sur l’autonomie et la sécurité des déplacements pour les déficients visuels. Si demain vous perdez la vue, vous apprenez à vous déplacer autrement. En tant que déficient visuel, je dois apprendre à savoir où je suis, comment je fais mes courses, comment je prends le bus, comment je traverse la rue, comment savoir quand le feu est vert... Suivre cette formation est une condition pour avoir un chien par exemple. » Sa structure a un agrément pour 150 jeunes et 20 adultes pour des formations en locomotion, mais aussi des formations pour trouver un travail adapté au handicap, par exemple. Mais depuis quelques temps, les adultes ont un an d’attente pour pouvoir recevoir la formation.
Des difficultés de recrutement
En effet, sur 5 postes d’instructeurs, seuls 3 sont pourvus depuis 2 ans. La structure a publié des offres d’emploi mais, pour l’heure, pas de recrutement, dénonce Céline Batier : « Il faudrait envoyer quelqu’un en formation mais ils n’ont envoyé personne jusque-là, ils n’envoient personne l’année prochaine donc ça veut dire, pour nous, encore 2 ans d’attente ! » s’indigne-t-elle. Pour participer à cette formation, il faut un diplôme de base, bac +3, dans la psychomotricité, l’ergothérapie, ou un diplôme d’infirmier par exemple. La formation se déroule à Paris ou Lyon et dure un an. Le diplôme d’instructeur en locomotion n’existe plus depuis 3 ans, il est désormais remplacé par celui d’instructeur en autonomie. « Il y a beaucoup de pratique sous bandeau pour comprendre les déficients visuels, de la psychologie, des sciences visuelles, de l’anatomie… » explique Céline Batier.
Retrouver de l'autonomie
Le CRDV accueille les enfants à partir de 2 ans et les adultes jusqu’à 55 ans. « Ce n’est pas le même travail, explique Céline. Pour les enfants, on va travailler le multisensoriel, combattre la peur de se déplacer avec la mise en place d’environnements sécurisés, l’exploration, le toucher, la découverte. On commence l’apprentissage de la canne vers l’âge de 7 ans, on apprend ce qu’est une rue, ce qu’est un trottoir, ce qu’est un carrefour, comment traverser, la marche parallèle, maintenir sa ligne droite, les portières, les portes de garage, tout ce qui peut-être un obstacle. » Le CRDV fait également un travail d’accessibilité : « On va, par exemple, dans le cadre des travaux à Clermont-Ferrand, vérifier que les travaux prennent en compte la malvoyance. On a par exemple fait des alertes sur la nouvelle place des Carmes ou l’avenue d’Italie. »
Des délais qui s'allongent
Ces formations ne sont pas obligatoires mais sont essentielles dans le parcours des personnes aveugles ou malvoyantes. C’est pour ces personnes que les 3 instructeurs du centre sont en grève. « La formation est leur seule solution pour récupérer de l’autonomie. C’est eux qui sont pénalisés, c’est ce qu’on dénonce. Une partie des enfants n’ont pas de locomotion ! » Mais le recrutement s’annonce difficile, et ce n'est pas le directeur du centre Arnaud Grégoire qui dira le contraire : “On est dans un processus de recrutements beaucoup plus long qu'on l'escomptait. On est surtout dans une incompréhension de la position des instructrices, si ce n'est une manifestation de leur impatience, que l'on partage. C'est un métier rare. Aujourd'hui en France, ce sont moins de 250 personnes formées. L'année dernière, j'avais annoncé que je recrutais quelqu'un lors des journées des instructeurs à Clermont-Ferrand. Je n'ai eu aucune candidature parmi les instructeurs présents, ils étaient une centaine. On a fait des pubs sur les réseaux, sur Pôle emploi bien-sûr, sur les différents sites d'annonces... On n'a jamais eu aucune candidature.”
"Personne n'a manifesté son intérêt pour partir en formation'"
Quant à envoyer quelqu'un en formation, c'est un pari risqué selon lui, mais quoi qu'il en soit, le directeur manque de candidats : "Soit j'embauche quelqu'un qui est déjà formé, soit j'embauche quelqu'un avec qui je fais le pari qu’une fois formé, je pourrais l'avoir dans les effectifs pendant quelques temps. Je l'ai déjà fait plusieurs fois. J'ai formé quelqu'un il y a quelques années qui a quitté l'établissement un an après. J'ai formé quelqu'un il y a 3 ans qui aujourd'hui est à mi-temps au lieu d'être à temps plein. Nous avons demandé, dans le personnel du CRDV, si quelqu'un était intéressé et personne n'a manifesté son intérêt pour partir en formation. La grève est le résultat d'une d'un sentiment d'impuissance aussi, devant la multiplication de situations difficiles parmi les publics qu'on accompagne. Rendre quelqu'un autonome sur la mobilité et ses déplacements, ça prend des mois et des mois, des années même. Quand on a beaucoup de public et en face peu de personnel, ça peut être un peu angoissant, ça c'est sûr.” A 11h30, mercredi, des collègues du centre ainsi que des personnes malvoyantes devraient venir apporter leur soutien aux grévistes.