L'intersyndicale de l'éducation a appelé les enseignants à faire grève le 1ᵉʳ février. Claire, enseignante dans le Puy-de-Dôme, fait partie de ceux qui manifesteront leur colère, notamment suite aux propos tenus par la ministre de l'Éducation, au sujet de l'École publique.
Les organisations syndicales (Sud éducation, UNSA, FSU, SGEN CFDT, CGT Educ’action) appellent à la grève des enseignants le 1ᵉʳ février. Notamment en réaction aux propos que la ministre de l’Education a pu tenir au sujet de l’école publique. "Nous réaffirmons avec votre notre attachement au projet scolaire de l’École publique, laïque, gratuite et obligatoire", peut-on lire sur le communiqué de l’intersyndicale.
🚨Communiqué intersyndical d'appel à la GRÈVE du 1er février#cgtenlutte #cgteduc #mobilisation #ENGREVE #1erfevrier pic.twitter.com/DboP16zS7P
— CGT Éduc'action 63 (@CgtEduc63) January 30, 2024
Claire Chartrain-Lacombe est professeure en éducation musicale et chant chorale, dans le Puy-de-Dôme. Elle enseigne depuis 2009. Des changements, elle en a observés, mais pas dans le bon sens. "Il n’y a pas une seule rentrée durant laquelle on ne se demande pas comment on va faire mieux, avec pire. On a toujours plus d’élèves dans les classes. Il n’y a pas une année de répit, pas une année où fait sereinement notre rentrée. Chaque année, on se demande à quelle porte on va toquer pour réclamer des moyens pour travailler". Les mots sont forts et le dépit est total.
"On veut juste travailler avec des classes à effectif raisonnable"
Pour cette enseignante, les mots ne manquent pas quand on aborde les problèmes que l’éducation nationale rencontre. L’une des revendications est bien connue depuis des années maintenant. "On a juste envie de travailler avec des classes à effectif raisonnable", assure l’enseignante. Elle soulève une surcharge des effectifs dans les classes. Effectif qui comprend parfois des élèves inclus ou relevant de la classe Ulis. "Quand on est 29, plus une AESH dans une classe, ça fait trop. On ne travaille pas dans des bonnes conditions", souligne-t-elle.
Quand j’ai commencé à exercer, on avait un maximum de 20 élèves par classe. Aujourd’hui, avec la même base de salaire, j’ai gagné 180 élèves. Forcément, c’est compliqué.
Claire Chartrain-Lacombe, professeure en éducation musicale et chant chorale
Elle affirme qu’une augmentation des effectifs, c’est plus d’élèves à suivre. "Une classe chargée, c'est une classe difficile à tenir en concentration pendant une heure. Avec des effectifs moins importants, on a du temps pour les élèves inclus", appuie-t-elle.
Pour illustrer ses propos, elle prend l’exemple d’une élève malvoyante, qui parle une langue qui n’est pas dans Google traduction et que son AESH ne parle pas.
Je suis seule, j’essaie de faire au mieux, mais c’est très compliqué de l’inclure. Alors, quand j’arrive à avoir cinq minutes de sourire et qu’elle ne pleure pas parce qu’elle est perdue, je suis contente. C’est dur pour tout le monde. Pour elle, pour les autres élèves et pour moi. Elle est en souffrance, mais je n’ai pas de solution.
Claire Chartrain-Lacombe, professeure en éducation musicale et chant chorale
Le Choc des savoirs, "une hérésie"
Rapidement, elle fait le lien avec la mise en place du Choc des savoirs. Une "mobilisation générale pour élever le niveau de notre école", peut-on lire sur le site de l’Éducation nationale. Parmi ces mesures, l’organisation des cours de maths et de français en groupes de niveau. "Les groupes de niveau, ça ne fonctionne pas, c’est prouvé. C’est une hérésie. Sans tête de classe, ils ne vont pas progresser", assène Claire.
L’idée est de trier les enfants en les mettant dans des cases ? C’est une stigmatisation sociale catastrophique.
Claire Chartrain-Lacombe, professeure en éducation musicale et chant chorale
"Un ensemble de mesures qui va "contribuer à assigner les élèves dans les positions sociales et scolaires", relève l’intersyndicale. Elle insiste également cela "porte préjudice aux autres matières". "Dans ma discipline, on fait du français. On compose des chansons, on écrit des paroles, on fait des rimes, on travaille avec le nombre de syllabes, on travaille la mémoire… J’ai des élèves qui n’aiment pas le français, mais qui font du rap et ça débite", précise-t-elle. Elle ajoute : "Les élèves attendent que ça, ils ont besoin de ces soupapes comme l’art, la musique, le sport, l’informatique…"
Mettre en avant les maths et le français, c’est nier l’apport des autres matières et c’est mettre en péril la pluridisciplinarité de notre établissement.
Claire Chartrain-Lacombe, professeure en éducation musicale et chant chorale
Toutes ces mesures, Claire les juge "effrayantes", en plus de ne pas "répondre aux attentes du terrain".
"J’adore mon métier et les élèves me le rendent bien"
Difficile d’évoquer tous ces problèmes sans parler de la rémunération des enseignants. "Les seules avancées qu’on nous propose, c’est de travailler plus. Moi, je souhaite juste être rémunérée à la hauteur du travail que je fournis." Et avec, elle soulève un autre problème, celui du recrutement. "Il faut recruter, avoir un vivier d’enseignants. Mais aujourd’hui, on a des conditions de travail qui n’attirent plus."
Sans rentrer dans le débat de l’uniforme, même si elle n’en voit pas l’intérêt, elle soulève, en revanche, les moyens mis en place. "Je suis surprise de voir qu’on est capable de débloquer de l’argent pour l’uniforme, mais pas pour installer des clims dans les classes", martèle Claire.
J’ai travaillé avec 43 degrés dans nos classes. On ne fait pas travailler des adultes sous cette température, mais les enfants si. On veut quoi ? Sans parler du fait qu’on a un bâti qui part en décrépitude.
Claire Chartrain-Lacombe, professeure en éducation musicale et chant chorale
Malgré tout cela, elle ne se voit pas faire un autre métier. "J’adore mon métier et les élèves me le rendent bien. Ils nous donnent la motivation et on est là pour eux. On ne veut pas de la reconnaissance, juste que notre salaire suive l’inflation. On aime notre métier, on veut le faire de manière sereine, sans stress." Même si elle avoue que certains de ces collègues, rentrés dans la profession par conviction, se posent de nombreuses questions.
"La colère est forte et la situation a été envenimée par les paroles de la ministre. On ne demande pas grand-chose, juste qu’on recrute un peu plus, qu’on revalorise l’École de la République, avec une émancipation, peu importe le statut social. La mixité enrichie et évite l’entre soi", ponctue l'enseignante.
L’élite, elle, réussit quelle que soit la situation, qu’elle soit à Stanislas ou dans le public.
Claire Chartrain-Lacombe, professeure en éducation musicale et chant chorale
S’il est difficile de savoir la part des participants au mouvement de grève du 1er février, le syndicat Educ’action 63 rapporte avoir de bons retours, "avec des collègues faisant grève pour la première fois depuis des années".