Etoilées en 2018 et 2020 par le Guide Michelin, ces tables du Puy-de-Dôme ne se reposent pas sur leurs lauriers. Progresser, se renouveler, embaucher du personnel qualifié, tout est en place pour conserver cette distinction et peut-être, décrocher une deuxième étoile.
En 2018, l’une des distinctions les plus prisées par les restaurateurs a été obtenue par un établissement du Puy-de-Dôme. L'Atelier Yssoirien a été récompensé par une étoile au Guide Michelin. Le chef désormais étoilé Dorian Van Bronkhorst a vu une claire différence dans son carnet de réservations : “L'avant et l'après étoile en 2018 est flagrant, c’est sûr. On a eu 40% de clients en plus.” L'année de l'étoile amène beaucoup de nouveaux clients : “Il y a beaucoup de gens qui viennent découvrir, qui ne nous connaissaient pas forcément. Ça draine énormément de monde, la première année.”
Être régulier
Une constance dans cette curiosité a permis au restaurant de conserver sa clientèle, tout en accueillant de nouveaux clients : “On n’est pas loin de l’A75, donc on la chance de recevoir les gens qui font le Paris-Barcelone avec le guide sous le bras. On a toujours quelques nouveaux clients qui viennent nous découvrir. Après, il y a un moment où ça stabilise un petit peu. Il faut se renouveler et chaque année, faire mieux, mieux et toujours mieux pour surprendre les clients !”
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Ce succès, Dorian Van Bronkhorst en est persuadé, est dû à la constance du service proposé : “La première étoile, c'est une question de régularité au niveau de l'assiette et du service. On cherche toujours à prendre le meilleur produit, se concentrer pour réaliser les bonnes cuissons, Michelin est très regardant sur les cuissons... Il faut que dans tous les aspects de l'assiette, ce soit parfait, tout comme en salle. On n’a qu’une devise. Aujourd'hui, c'est bien, demain, c'est mieux.”
Conserver son étoile
Pour conserver cette étoile, le restaurant ne cesse de se renouveler pour tenter d’atteindre l’excellence dans tous les détails : “On se remet en question tout le temps, on essaie de changer, d'améliorer les plats. On va les refaire 100 fois pour voir si on ne peut pas les améliorer sur certaines choses. Il faut essayer de créer une histoire à raconter pour les clients. C'est le plus important”, indique Dorian Van Bronkhorst.
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Cette quête de la perfection n’est pas sans sacrifices, notamment financiers : “C’est de plus en plus compliqué. Le problème c'est qu'il nous faut de plus en plus de monde et le personnel qualifié coûte très cher. Les produits, avec l’inflation, coûtent de plus en plus cher. Il faut faire très attention sur les achats et sur énormément de détails. On n'a pas augmenté nos prix depuis plus d'un an, on est resté stable là-dessus car on ne veut surtout pas perdre la clientèle qu'on a. On ne peut pas se permettre de trop augmenter mais il faut que la qualité monte. Il va falloir jouer sur les produits. Par exemple, on va enlever le caviar de la carte, donc il va falloir être bons sur autre chose.”
Vers une deuxième distinction ?
Pour limiter les coûts et renforcer la qualité, le chef étoilé fait le choix du local : “On se tourne au maximum vers des petits agriculteurs du coin, pour les fromages, pour les petits légumes, pour les herbes, pour la viande aussi. Une partie de la viande vient de Montpeyroux.” Il espère que cette constance et cette recherche de la qualité vont lui permettre de conserver son étoile, voire plus : “Il ne faut pas se dire qu’on travaille pour la deuxième étoile, ça devient un danger d'avoir cette idée dans la tête. Cela dit, il faut toujours essayer de faire mieux, s'autoriser à rêver et essayer de mettre ça en objectif. Il faut rester réaliste, il faut aussi monter à son rythme. Il ne faut pas brûler les étapes. Je ne veux pas que ce soit la course à l’étoile. L'objectif est que les clients soient contents et que le restaurant marche. C'est petit à petit qu'on va travailler vers cette étoile !” Originaire des Pays-Bas, il s’attache à ajouter une touche hollandaise dans ses plats, ce qui, peut-être, lui a permis de faire la différence.
"Ça nous a apporté une clientèle qui nous a permis de sauver le restaurant"
Dans son restaurant Origines, situé dans un petit village du Puy-de-Dôme de quelques centaines d’habitants, Adrien Descouls a obtenu l'étoile au guide Michelin en 2020. Cela lui a permis de mettre en lumière son restaurant, mais aussi son terroir : “On a eu une activité différente. Nous sommes dans un tout petit village et, aujourd'hui, le guide Michelin a permis de placer un lieu sur une carte de France. Ça permet aux gens de se dire que dans ce petit village du Broc, il y a un restaurant où un artisan travaille des produits de qualité. Ça nous a apporté une clientèle qui nous a permis de sauver le restaurant. Quand on a eu l'étoile en 2020, on était en grande difficulté.”
Être proche du terroir
Pour lui, pas de secret. Les étoiles récompensent la qualité de l'artisan et des produits qu’il utilise : “Aujourd’hui, la France perd ses racines, perd sa culture. Pour Mc Donald's, le 2e marché mondial est la France. Les Français se sont un peu déconnectés de la gastronomie. Nous, les étoilés Michelin, sommes des garants d'un savoir-faire français, d'un enracinement culturel très fort. Je crois que pour obtenir une étoile Michelin, il faut savoir qui on est.” Alors, pour garder cette distinction, Adrien Descouls s’investit dans sa cuisine, y met tout son savoir-faire, mais pas seulement : “Il y a ma sincérité dans tout ce que je fais. Il y a mon authenticité. Je parle de mon terroir tous les jours, du Puy-de-Dôme. Je crois que c'est ça qui parle à nos clients. J'ai une approche de la gastronomie très sincère.”
26 personnels pour 32 clients
Alors, ce chef étoilé ne se repose pas sur ses lauriers et conserve le niveau d’exigence qui l’a amené à recevoir la distinction : “Le niveau de qualité est le même avant et après l'étoile. Ça n’a pas entraîné de modifications structurelles de la maison à la seule chose près qu'avant, on avait la moitié du restaurant qui était vide et que ça nous aide un peu à remplir la salle le week-end.” Comme la façon de fonctionner, les prix sont restés les mêmes : “Le prix dans un étoilé Michelin est en corrélation avec le travail fourni. C'est une somme 26 collaborateurs pour 32 personnes assises. Vous avez un employé qui travaille pour vous toute la journée, pour vous faire un repas. Je pense que le prix est en adéquation avec la qualité de service que vous avez en face et la qualité de la gastronomie. Je crois que les gens qui cuisinent un peu à la maison savent le temps qu'il faut pour éplucher une carotte, la laver, la préparer et puis laver toute la vaisselle qu'il y a derrière. Malheureusement, la gastronomie souffre en ce moment. On a de moins en moins de clients parce que la crise est là.”
"Cela nous coûte deux fois plus cher"
Malgré cette crise, Adrien Descouls continue de se fournir auprès de producteurs locaux, quitte à mettre la main au portefeuille : “Pour nous, local veut souvent dire plus cher. On ne négocie absolument pas les prix parce qu’on a un niveau d'exigence sur les produits qui est 2 fois plus compliqué que pour un client particulier. Je vous cite un exemple, on fait faire du caillé de brebis par une artisane locale. Il est pressé 2 fois par semaine, frais, pour nous. Ça nous coûte 2 fois plus cher que si un consommateur l'achetait. Mais la qualité n'a pas de prix. Un étoilé Michelin, en moyenne, c'est le meilleur rapport qualité prix que vous pouvez trouver dans la restauration.”
Une fierté
Le jeu en vaut la chandelle, selon le chef : “J'en suis très fier. Quand le guide Michelin vous remet une étoile, c'est qu'ils ont vu l'investissement, la prise de parti des maisons et qu'ils savent qu’on est les gardiens d'un savoir-faire. Alors, on ne va rien changer à notre méthode de travail. C'est ce qui fait l'identité de la maison. Je ne crois pas qu'il faille être à la quête de quelque chose. Je crois que c'est la reconnaissance d'un travail de tous les jours. Qu'une une étoile supplémentaire tombe serait une des plus belles récompenses qui puisse nous arriver, à moi et mes équipes. Mais ce n'est pas l'objectif. Je ne pense pas qu'il faille que ce soit un objectif parce que sinon, on va se perdre dans les méandres et la tourmente de choses qu'on n'a pas”. Le restaurant a également reçu d’autres distinctions, notamment le label “Table remarquable” de Gault&Millau.