Au lendemain de l'attaque d'un fourgon pénitentiaire qui a fait deux morts et trois blessés graves dans l'Eure, la journée "prisons mortes" est suivie en Auvergne. Ce mercredi, plus de 150 agents sont réunis devant le centre pénitentiaire de Riom pour dénoncer le délabrement de leurs conditions de travail.
Tôt ce mercredi matin, près de 150 personnes se sont réunies devant le centre pénitentiaire de Riom, près de Clermont-Ferrand dans le Puy-de-Dôme. Au lendemain de la mort de deux agents pénitentiaires dans l'attaque d'un fourgon qui transportait un détenu, au péage d'Incarville dans l'Eure, l'émotion est forte. "Nous sommes profondément choqués par cette attaque. Il y a aussi une certaine colère car on alerte sur nos conditions de travail depuis des années", réagit Laurent Dona, secrétaire adjoint FO Justice dans le Puy-de-Dôme.
Tous les métiers pénitentiaires concernés
En 20 ans, Laurent Dona a vu le quotidien des agents pénitentiaires se dégrader. Tous métiers confondus : surveillants, agents d'administration, conseiller d'insertion et de probation... Les personnels manquent sans cesse de moyens. "Un exemple prégnant : les individus avec des troubles psychiatriques. On en a de plus en plus, sauf que l'on n’a pas la formation, ni les capacités pour les gérer. Aussi, chez les conseillers d'insertion qui ont toujours plus de dossiers à traiter parce que le nombre de détenus ne cesse d'augmenter", poursuit-il.
Une violence gratuite s'est installée en détention. Des individus, de plus en plus jeunes, n'ont pas le sens de ce qu'est une vie et commettent des faits terribles.
Laurent DonaSecrétaire adjoint FO Justice 63
Une série de revendications
À travers cette journée "prisons mortes", déclinée dans le tout le pays, l'intersyndicale tient à manifester l'urgence d'assurer une meilleure sécurité aux agents pénitentiaires lors des extractions. Une série de revendications est déclinée. "La principale, que l'on réclame depuis des années, c'est l'utilisation de la visioconférence avec les magistrats. À Riom comme ailleurs, il y a beaucoup de sorties de détenus pour des rendez-vous qui durent quelques minutes", précise Laurent Dona.
Autre demande : la fin des escortes "panachées" entre agents armés et non armés. "En fonction du niveau d'escorte d'un détenu, le nombre d'agents peut varier. Il a été baissé à deux mais, selon nous, le minimum devrait être établi à trois. On essaie de compresser les effectifs en mettant en danger les personnels et la sécurité publique car les attaques dans l'espace public, comme celle d'hier, peuvent aussi faire des victimes collatérales", dénonce Laurent Dona.
Surpopulation carcérale
La prison de Riom compte environ 180 surveillants. Il en faudrait 220, estiment les syndicats. La profession connaît "une crise des recrutements" depuis plusieurs années. "En janvier, le salaire des surveillants a été revalorisé à 2000 euros net en sortie d'école, comme pour les policiers. C'est déjà plus attractif financièrement mais il y a encore d'autres points sur lesquels travailler...", précise Laurent Dona dont le syndicat a porté cette réforme. La surpopulation carcérale, et ses conséquences sur les conditions de travail des agents, est notamment pointée. Celle-ci a atteint un nouveau record en avril : 77 450 personnes incarcérées, soit 4 370 de plus que l’année précédente, selon les chiffres du ministère de la justice.
Il y a tout juste deux mois, le syndicat FO tirait déjà la sonnette d'alarme sur les conditions de détention au centre pénitentiaire de Riom. Le cap des 700 détenus a été franchi, pour une capacité de 568 places. Près de 80 d'entre eux dormaient sur des matelas au sol. Des dizaines de cellules étaient inutilisables à cause de problèmes de fenêtres ou de réparations. "On a 120 matelas au sol aujourd'hui. Cela va en augmentant", déplore Laurent Dona. Le syndicaliste plaide pour une meilleure répartition des effectifs sur tout le territoire pour "rééquilibrer" les taux. Certains établissements atteignent les 200% d'occupation (environ 140% à Riom).
La surpopulation carcérale est un problème majeur aujourd'hui. La construction de nouvelles prisons ne me semble pas être une solution. Plus il y aura de places, plus on mettra de détenus. Il faut que tout le fonctionnement de la chaîne pénale soit revu. En fonction des cas, la prison ne devrait pas être une obligation. Il y a d'autres façon de sanctionner.
Laurent DonaSecrétaire adjoint FO Justice 63
En fin de matinée, le détenu qui s'est évadé au moment de l'attaque ainsi que ses complices étaient toujours activement recherchés. Une délégation nationale sera reçue par le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, à 14 heures. La mobilisation pourrait continuer au-delà de la journée de ce mercredi et être renouvelée, en attendant des mesures. "Les personnels sont dans l'attente de choix politiques forts. Il faut des actes, pas que des paroles", indique Laurent Dona.