Une vie à contre-courant. Une vie sur la route. Une vie au service des patients. Etre infirmier libéral demande un grand dévouement. Un dévouement pas assez reconnu. Immersion dans le quotidien d'une infirmière de Vic-le-Comte dans le Puy-de-Dôme avant la journée de mobilisation du mardi 19 mars 2024.
Quand on lui demande le nombre d’heures qu’elle fait par semaine, elle n’est même pas capable de le dire. Marie-Noëlle Artaud-Pajot vit au rythme d’une infirmière libérale qui ne compte pas son temps.
Un rythme encore plus intense même depuis juin 2023, quand elle a créé son cabinet à Vic-le-Comte dans le Puy-de-Dôme. « Je suis seule avec une remplaçante qui travaille aussi dans un autre cabinet. »
Même si elle soutient le mouvement, elle ne pourra pas rejoindre la manifestation des infirmiers libéraux à Clermont-Ferrand mardi 19 mars 2024. « Il faut que je sois auprès de mes patients, je n’ai pas le choix. »
Pas de jour de repos
Un dévouement 7 jours sur 7. Avec juste quelques jours de repos quand la remplaçante est disponible. Le cabinet est encore trop récent pour que d’autres infirmiers puissent venir renforcer l’effectif et que les permanences puissent être mieux réparties.
Alors, Marie-Noëlle Artaud-Pajot, 41 ans, s’accroche, mue par la passion de son métier. « J’aime le côté social : prendre soin des autres, tout simplement. » Discuter avec les gens, les suivre au fil des mois, voire des années, elle le reconnaît, elle s’attache à ses patients. « On rentre dans le quotidien de la personne », confie-t-elle.
Par le passé, dans le précédent cabinet où elle travaillait, cette infirmière, en activité depuis 2011, a suivi jusqu’à une trentaine de patients par jour. « Mais certains confrères en ont jusqu’à une cinquantaine. »
Vie décalée
Des journées qui commencent entre 6 et 7 heures le matin, avec une grande pause dans l’après-midi pour reprendre le soir à partir de 17h. « Les journées peuvent se terminer vers 20h mais certains infirmiers finissent leur tournée vers 22h. »
Une vie sur la route. « Je parcours 80 kilomètres par jour. Et dans mon précédent cabinet, j’en faisais jusqu’à 200 », indique-t-elle.
Donc solidaire, elle sera de ses confrères qui manifesteront. « Je trouve que notre rôle est fondamental pour le maintien à domicile et il n’est pas assez reconnu. Il y a un manque de considération de la part des pouvoirs publics. C’est un métier difficile psychologiquement et physiquement. »
Rémunération brute
Les infirmiers libéraux réclament depuis de longs mois déjà une meilleure rémunération : « L’indemnité de déplacement, ici dans le Puy-de-Dôme, c’est 50 centimes du kilomètre car nous sommes en zone de montagne », explique Marie-Noëlle Artaud-Pajot. « Mais l’essence coûte de plus en plus cher, tout comme les véhicules. »
Et que dire encore de la facturation des actes qui sont pour la plupart au même tarif depuis 15 ans. Rémunération d’une injection : 4,50 euros brut. Rémunération d’une prise de sang : 6,075 euros brut. Et un pansement : 6,30 euros. Brut également. « Tous les actes ne sont pas rémunérés à taux plein », précise Marie-Noëlle Artaud-Pajot. « Si on effectue 3 actes, le 1er sera payé à taux plein, le 2e à moitié et le suivant ne sera pas rémunéré. »
Une existence à contre-courant difficile à concilier avec une vie de famille. Marie-Noëlle Artaud-pajot est mariée et a des enfants.
Mais l’heure est venue de raccrocher et mettre fin à cet entretien. Elle doit reprendre sa tournée. Un patient qui a subi une opération chirurgicale a besoin d’elle pour refaire ses pansements.