Les chambres d’agriculture ont présenté, mercredi, leur plan de relance de l’agriculture. Des propositions axées sur la reconquête de la souveraineté alimentaire et la relocalisation de la production.
C'est le nouvel adage du monde agricole : «reconquérir la souveraineté alimentaire». Syndicats en tête, la grande majorité des acteurs du milieu s'accordent pour dire que c'est la priorité absolue. Favoriser le made in France, les agriculteurs le demandent depuis des années. Mais la crise est passée par là, rappelant aux français l'importance de la production et de l'approvisionnement alimentaires. Les chambres d'Agriculture espèrent bien capitaliser sur cette prise de conscience et proposent une série de mesures pour sortir de la crise et retrouver cette fameuse souveraineté alimentaire.
A court-terme, redresser les exploitations
Première étape du plan d'action présenté par Sébastien Windsor, président de l'APCA (Assemblée permanente des Chambres d'agriculture) et Gilbert Guignand, président de la Chambre d'agriculture d'Auvergne Rhône-Alpes : sauver les exploitations en danger. Même si le milieu agricole a été «relativement épargné» par la crise, certains secteurs l'ont subie de plein fouet. «L’appui aux exploitations de notre région, les plus impactées, est une priorité. Je pense particulièrement à la viticulture, l’horticulture et l’agri-tourisme… » a expliqué Gilbert Guignand dans un communiqué. A court terme, les chambres d'agriculture demandent donc l'exonération ou le report des charges, l'étalement des dettes ou encore des mesures de régulation des marchés. «Le sentiment qu'on a, après cette crise, c'est que pendant toute sa durée, nous étions là, les agriculteurs étaient sur le pont, ils ont fait le travail, il n'y a pas eu de confinement pour eux... Et maintenant on a besoin d'un plan de soutien et ça passera par tous ces aspects-là», explique Gérard Gallot, président de la FDSEA dans la Loire.
Relocaliser la production
Mais c'est la deuxième étape qui est la plus ambitieuse : celle qui vise à remettre la souveraineté alimentaire au cœur du renouveau agricole. Pendant le confinement, « e réflexe des Français a été de se tourner vers les produits français», explique l'APCA. Un changement de consommation qui pourrait redorer le blason d'un secteur souvent pointé du doigt par les défenseurs de l'environnement.
«Relocaliser une partie de notre production agricole signifie promouvoir une autonomie alimentaire de nos territoires dans un rayon restreint (jusqu’à 100 km). Plusieurs études ont ainsi montré que le taux d’autonomie alimentaire des 100 plus grandes aires urbaines n’atteignait que 2,1% en moyenne», affirme l'APCA dans son communiqué. «Une combinaison d'actions» est donc nécessaire pour promouvoir le local et les circuits courts : un étiquetage systématique de l'origine sur les produits transformés, la modification des règles des appels d'offre publics pour qu'il soit possible de favoriser l'approvisionnement local, harmonisation des charges et des réglementations des exploitations à l’échelle européenne...
Des mesures qui séduisent bien sûr la FNSEA, qui a participé à l'élaboration du projet. «On a eu la chance que les français se réorientent dans leur acte de consommation en privilégiant l'achat local, mais cela a plutôt bénéficié aux intermédiaires, (grande distributions ou industriels), on aimerait bénéficier de cet élan» explique Michel Joux, président de la FDSEA de l'Ain.
Dans le département, le syndicat a demandé à rencontrer les acteurs de la grande distribution pour leur demander la contractualisation de 90% de produits français dans les rayons, «payés au prix de revient, et plus au prix de marché», insiste Michel Joux.
L'appui des pouvoirs publics, et notamment des collectivités, est également important. Au niveau local, de nombreuses initiatives engagent les opérateurs locaux à privilégier les circuits courts. C'est le cas dans l'Ain, où l'on travaille depuis de nombreuses années à approvisionner la restauration en foyer (hôpitaux, écoles, prisons...) en produits locaux. Pour Michel Joux, il faut aller plus loin pour développer ce genre d'actions : « il faut sans aucun doute un mélange subtil de bonnes volontés des uns et des autres, mais aussi un encadrement législatif impulsif ». L'APCA propose donc que les collectivités publiques puissent, dans les appels d’offres, ajouter un critère de proximité, ce qui est aujourd’hui interdit.
Favoriser les investissements
Enfin, pour redresser efficacement le secteur agricole, il faudra «mettre en place un vaste plan de modernisation des structures agricoles, par le biais d’investissements massifs», affirme l'APCA. Outre l'appui des pouvoirs publics, la régulation des marchés au niveau européen, le renforcement de la PAC, les Chambres d'agriculture demandent des financements.
Car des investissements, il y en a besoin, s'accordent-ils tous à dire. Dans la Loire, par exemple, le Président de la FDSEA, Gérard Gallot, assure qu'il va falloir moderniser les structures, s'adapter aux changements climatiques, se préparer à affronter les grosses chaleurs et la sécheresse qui s'annonce. «Nous avons besoin d'investissements dans les bâtiments d'élevage par exemple, il faut loger les animaux de façon différente... Il y a 20 ans, on cherchait surtout à les abriter du froid, mais maintenant, il nous faut des bâtiments plus aérés, plus ventilés, pour lutter contre la chaleur. Et ça a un prix...».
S'adapter et surtout moderniser les installations pour sortir de la crise, mais aussi pour attirer et motiver la jeune génération. «J'ai entendu dire qu'il allait y avoir des plans d'investissements dans le secteur automobile etc. l'agriculture en a également besoin, ne serait-ce que pour améliorer les conditions de travail de nos agriculteurs et pour garder nos jeunes», conclue Gérard Gallot.
Vaste programme donc, pour relancer l'agriculture française et un vrai pari, celui de capitaliser sur les changements de comportements des consommateurs.
Pour accompagner leur projet, les chambres d’agriculture espèrent signer, avant la fin de l’année, un contrat d’objectif avec le gouvernement.