Rentrée littéraire. Deux livres entre catastrophe nucléaire dans la vallée du Rhône, politique-fiction et immigration

Hasard ou non, deux livres de cet automne littéraire en Rhône-Alpes se servent des dangers industriels et des catastrophes naturelles comme arguments. Deux fictions aux accents tout aussi humains qu'horrifiques.

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"Premier combat" d’Yves Bichet

Yves Bichet nous propose un roman à clés. Une utopie politique et écologique qui remue toutes les idées qui flottent dans notre société ces dernières années. Ne vous fiez pas aux premières apparences. L’histoire pourrait se cantonner à une vallée entre Drôme et Ardèche. Un roman rural et local. Sur une carte vous trouverez la vallée de l’Ennuyé dans les Baronnies dans le sud de la Drôme. Ici elle s’appelle la vallée de l’Ennuye et son village, Fontcouverte, est un concentré de tous les dossiers du moment, dans beaucoup de lieux semblables :

 

Nous sommes des besogneux ordinaires, nous n’habitons pas les grandes villes, c’est un défaut mais peut-être aussi une chance ou un atout (…). Nous affrontons d’autres violences que vous méconnaissez : les déplacements en voitures incessants, les journées interminables, l’absence de médecins, d’hôpitaux de proximité, de propositions culturelles, le vis-à-vis avec la terre, la matière, avec vos regards condescendants aussi ne cessent jamais, sauf en période électorale et parfois sur les ronds-points.

Yves Bichet

C’est presque un portrait de l’écrivain. Il a d’abord été ouvrier agricole, maçon-couvreur avant de se tourner vers l’écriture.

Pour mettre en scène ce monde rural, Yves Bichet imagine l’arrivée d’un jeune immigré guinéen dans le secteur. Comme on le voit aujourd’hui souvent dans le monde de l’artisanat en manque de main-d’œuvre, il se rend indispensable dans le village par ses petits travaux. Il va jusqu’à bricoler des paraboles de fortune pour pallier les zones grises pour les portables sur ce territoire un rien délaissé. Une bonne partie de la communauté du village va se mobiliser pour le défendre face aux autorités. Conflit local, conflit plus national aussi pour dénoncer les fissures dans la centrale nucléaire toute proche. Même la Criirad (laboratoire drômois indépendant d’analyse nucléaire né au lendemain de Tchernobyl) est citée.

Se révolter pour gouverner

L’équipe municipale devient, un peu malgré elle, révélatrice des dysfonctionnements de ce monde rural en opposition aux autorités nationales dont elle se sent abandonnée. Et voilà une élue municipale, infirmière de son état, qui emprunte un chemin politique imprévu. Devenue députée, elle s’engagera, contre toute attente, dans la vie politique nationale. Yves Bichet se sert de ses personnages pour pousser un peu plus loin que la réalité les grands thèmes de l’immigration, de l’urgence écologique, des sous-équipements des territoires ruraux. Faut-il agir dans la douceur, ou se révolter ? Faut-il imposer des mesures radicales pour lutter contre les catastrophes écologiques annoncées ? Faut-il se rebeller contre un pouvoir qui veut expulser les immigrés ? Pas de leçon, mais le livre renvoie un peu tout le monde dos-à-dos.

Utopie ou dystopie ? Le choix n’est pas tranché dans ce livre. Ce combat d’une petite assemblée du sud drômois est loin de laisser indifférent. S’il s’agit d’un premier combat, on peut croire à une utopie et cela laisse de l’espoir. Si l’on y voit un dernier combat, le pessimisme nous gagne et la dystopie n’est pas loin.

A vous de vous faire une opinion.

 

"Les terres animales" de Laurent Petitmangin

Avec cet ouvrage, nous entrons cette fois dans une véritable science-fiction. Comment vivre dans une zone contaminée après une explosion de centrale nucléaire ? Pour Laurent Petitmangin la question n’est pas théorique ou technique, elle est affective, humaine, à vif. L’auteur a imaginé une petite communauté restée dans une zone contaminée et bouclée. Une vingtaine de jeunes personnes a décidé de rester sur les lieux de la catastrophe nucléaire. Pas question de quitter ce lieu de vie. Pas question pour une mère d’abandonner le lieu de sépulture d’un enfant mort. Son compagnon suit le mouvement et leurs amis sont aussi restés.

Lorsque l'enfant parait

Ce club des cinq s’installe dans un quotidien de survie. Les combinaisons de protection pour sortir, le rationnement des aliments trouvés dans les maisons abandonnées. Ces recherches permettent de changer leur regard sur la vie d’avant, la dépendance aux technologies, par exemple. Dans cette résistance vaine, trois ans de survie envisagée, parler de l’avenir est tabou. Mais lorsque s’annonce la naissance d’un enfant au milieu de ces amitiés communautaires ce n’est pas la jalousie qui empoisonne le groupe mais la présence d’un symbole d’avenir dans ce monde de no-futur.

L’enfant devient l'objet du débat : sortir ou pas de cet enfer paradoxal. Faut-il quitter la zone contaminée ? Laurent Petitmangin décrit avec finesse, par le détail cette bulle communautaire aux attentions humaines très vives. En sortiront-ils ?

"Premier combat" d’Yves Bichet édition Le Pommier

"Les terres animales" de Laurent Petitmangin édition la Manufacture de livres

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