Les températures estivales sont arrivées et avec elles les soirées barbecue et leurs odeurs enivrantes. Comment réussir de bonnes grillades de viandes et de légumes ? Plusieurs chefs étoilés auvergnats nous ont confié les recettes qu'ils affectionnent lorsqu'ils laissent tomber la toque.
Les merguez, travers de porc et poivrons grillés sont de sortie ! En ce mois de juillet 2018, les chaudes et longues soirées d'été incitent à manger et cuisiner dehors. Quelles sont les bonnes habitudes à adopter pour réaliser les grillades les plus saines et goûteuses? Trois chefs étoilés auvergnats nous ont dévoilé les techniques et recettes qu'ils privilégient, chez eux, pour ébahir leurs familles et amis.Une viande de qualité
Tous s'accordent sur un premier point essentiel : la qualité de la viande. "C'est le produit en lui-même qui va fortement influencer le goût," rappelle le chef Renaud Darmanin du restaurant de l'Auberge de la Tour à Marcolès (Cantal), qui a reçu sa première étoile début 2018.Pour une cuisine aussi "brute" qu'une grillade, mieux vaut donc se fournir chez un boucher ou directement chez l'exploitant. Et ce n'est pas ce qui manque en Auvergne - notamment côté bovins avec l'aubrac, la salers et la charolaise.
Renaud Darmanin le 5 février 2018 à Paris, lors de l'obtention de sa première étoile Michelin.
Des braises maîtrisées
Pour un barbecue du tonnerre, misez aussi sur un feu maîtrisé. Mathieu Barbet, chef au château de Codignat à Bort-l'Étang (Puy-de-Dôme) commence par allumer des boules de papier journal et des brindilles sèches au fond de son barbecue. "C'est une cuisine qui doit rester simple, il ne faut pas s'embêter avec des allume-feux où d'autres produits sophistiqués," souffle l'étoilé. Il recouvre ensuite le feu de bûchettes et éventuellement de charbon de bois.Dans la Haute-Loire, le chef du restaurant le Haut-Allier Philippe Brun rappelle un point essentiel. "Il faut toujours cuire sur la braise et non sur le feu (...) Attention à ne pas faire colorer la viande : trop grillée, elle développe une substance cancérigène, l'acroléine," indique celui qui fut chef rôtissier dans un restaurant parisien.
Opposé au charbon de bois industriel, Renaud Darmanin utilise uniquement le bois qu'il ramasse lui-même. Son homologue puydômois avertit cependant : "attention de ne pas ajouter des résineux qui n'ont pas eu le temps de sécher. La résine peut, en brûlant, libérer des arômes très forts qui peuvent altérer le goût de la viande," souligne Mathieu Barbet.
Le chef Mathieu Barbet (3e en partant de la gauche), entouré de son équipe, en 2016.
Les basiques : légumes grillés, huile, sel et poivre
Pour assaisonner et accompagner les viandes, pas besoin d'aller bien loin. Le chef Barbet prône "les bonnes courgettes, salades et tomates du jardin" quand Renaud Darmanin conseille de les marier avec "des poivrons et des pâtissons grillés avec un peu de sel, thym, romarin et de l'huile d'olive, ou même du caviar d'aubergine, des tapenades ou du pesto de cantal". Philippe Brun est plutôt d'humeur asiatique : il grille du pakchoï, un chou, mais aussi des champignons, après les avoir passés à l'huile et à la sauce shoyu, un accompagnement japonais obtenu par la fermentation de soja et de blé. "L'avocat ça marche très bien aussi," ajoute-t-il.Sur les pièces qu'il préfère griller - côtelettes d'agneau et truite de rivière - Renaud Darmanin n'avoue répandre que de la fleur de sel et de l'huile d'olive, se permet parfois d'ajouter un soupçon de piment d'espelette. Côté marinades, il préconise de faire macérer la viande dans des fruits rouges de saison, "mais pas plus d'une journée, parce qu'après, ça donne un goût de frigo !" prévient le chef cantalien.
Philippe Brun est quant à lui un "aficionado du gingembre et de la citronnelle" : la meilleure recette pour une marinade reste pour lui le combo citronelle, mélisse et épices tandooris. Il affectionne aussi la viande reposée quelques heures dans le citron vert et le lait de coco. "Plus les morceaux sont épais, plus il faut la laisser mariner longtemps," indique le cuisinier altiligérien.
Philippe Brun et sa famille, devant leur restaurant le Haut-Allier à Alleyras, dans les gorges de la même rivière (Haute-Loire).
Faut-il piquer les saucisses ?
Le piquage des saucisses est une question qui divise les amateurs de grillade depuis la nuit des temps. Pour Renaud Darmanin, ces petits coups de fourchette dans l'enveloppe de la charcuterie sont essentiels. "Cela va simplement leur permettre de ne pas éclater, confie le chef cantalien. Et puis ça la fait suinter! J'apprécie lorsque la charcuterie cuit légèrement avec sa graisse. Ça sent bon, ça éveille les papilles. La cuisine, c'est du goût mais aussi l'olfactif !"En Haute-Loire, Philippe Brun est d'une autre école. "Pas besoin de piquer ses saucisses si elles sont de qualité," assène-t-il. Mathieu Barbet acquiesce : "je ne les pique pas, de peur qu'elles ne se dessèchent trop. Et puis la graisse qui coule attise les flammes, et les flammes... ça laisse un goût de fumé, voire de brûlé, qui peut altérer le goût de la viande." Ce qui peut être bien dommage si vous avez investi dans de la viande de qualité. En résumé, si vous décidez de piquer, piquez avec modération.
Trois astuces pour épater la galerie
- Renaud Darmanin recommande par exemple de fumer la viande au foin. "Nous sommes à l'époque où ça en coupe justement, il n'est pas difficile de s'en procurer chez un agriculteur. Vous déposez du foin au fond d'un couscoussier, auquel vous mettez feu. Puis vous déposez la viande à l'étage du dessus pour qu'il s'imprègne des arômes," détaille-t-il, inspiré.
- Récemment, Mathieu Barbet a fait griller des rouelles de porc pour des amis. "Ce sont d'épaisses pièces, qui peuvent avoisiner les 5 ou 6 centimètres. Je les pique à l'ail, sale et poivre en les cuisant, puis à terme, lorsqu'elles commencent à dorer, je les retire du feu et les enveloppe chacune dans du papier alu avec une branche de romarin et les pose à côté du barbecue." À l'intérieur, les rouelles vont terminer leur cuisson en douceur et se colorer davantage dans leur jus.
- Philippe Brun laque systématiquement son porc avant de le faire griller au barbecue. Il fait mariner sa viande quelques heures avec de la sauce shoyu, une sauce soja japonaise obtenue avec moitié soja, moitié blé, "plus douce et plus adaptée à notre palais occidental" que ses homologues chinoises et coréennes.