Les haies et les arbres font leur retour dans les vignes du Beaujolais. Éradiqués dans les années 1950, ces "climatiseurs naturels" sont en train d'être replantés pour recréer des conditions plus favorables au raisin.
Le réchauffement climatique a une forte incidence sur la vigne. Les professionnels doivent repenser leur manière de la cultiver. Vendanger de nuit pour préserver l'humain, végétaliser les parcelles pour leur offrir une climatisation naturelle, des pistes sérieusement envisagées dans le Beaujolais.
Vendanger plus tôt
Dans le Beaujolais comme dans beaucoup de régions françaises, la vigne a soif, les hommes aussi. Les vendangeurs de Saint-Etienne-des-Oullières (Rhône) sont à pied d'œuvre dès 7 heures le matin pour repousser le moment où le soleil n'est plus une caresse, mais une brûlure. Les journées s'arrêtent vers 15h00. Et un jour, c’est la nuit que les vendanges pourraient bien être organisées.
Si la chaleur persiste, les vendanges de nuit seront obligatoires. Entre 3 heures et 9 heures.
Jean-Paul Ollier,Viticulteur au Château de Pougelon
Revégétaliser les parcelles comme avant
Ici, une partie de la vigne a été plantée en 2018. Elle souffre de la succession d'années de sécheresse et cherche dans le sol l’eau qui lui manque. Il faudra une bonne dizaine d'années pour qu'elle s'implante profondément dans le sol.
En raison des fortes chaleurs, les feuilles sont plus rares ce qui freine la photosynthèse et donc la maturation du raisin. Une vigne qui a soif limite sa production de feuilles pour préserver le fruit. C'est un cercle vicieux. Il faut s'adapter alors et revenir aux fondamentaux et aux bonnes pratiques de nos aïeux.
S’il est interdit d'arroser, il n’est pas interdit de planter et d’arroser des arbres fruitiers qui vont l'assister. "Quand on est sous un arbre, on sent la fraîcheur. L'idée, c'est d'encadrer les vignes d'arbres, de morceler les parcelles, d'implanter des haies, de végétaliser. Il fera beaucoup moins chaud que sur des sols nus en plein cagnard sur des grandes parcelles" explique Marine Descombes, gérante du Château.
Cet automne, 30 poiriers, mûriers, cerisiers, tilleuls grandiront ici, entre ces deux parcelles. Une climatisation naturelle : "Les arbres fruitiers pompent l’eau pour leurs fruits et font remonter l’eau à la surface, ce qui est intéressant pour les vignes". Autre avantage, l'hiver, ces arbres se protègent contre le gel et protègent les végétaux alentours. "On remarquait historiquement qu'autour des cerisiers qui étaient dans les vignes, ces dernières gelaient beaucoup moins" rappelle Marine.
L’expérience est déjà en cours dans cette vigne avec une échéance à 15 ans. Et ce domaine viticole de 35 hectares ne s’arrête pas là, partout des haies sont replantées. Dans les années 50, l'Europe versait des subventions pour les arracher, ce qui a provoqué leur éradication. À ce jour, aucune aide n'existe pour replanter.
On va remettre des haies de bocage qui existaient du temps de nos grands-parents. On les avait enlevées pour rationaliser les parcelles, les simplifier, les industrialiser et pour simplifier le travail et on y revient.
Marine Descombes,Gérante du Château de Pougelon
Les haies sont des barrières naturelles qui seront également un abri pour les auxiliaires et une protection contre le vent du nord. On les appelle des corridors de biodiversité. Se protéger du vent, gagner en fraîcheur et retrouver de la biodiversité, le changement climatique a parfois du bon.