Le 1er avril 2022, une audience oppose Arthur Naciri à 2 policiers au Tribunal de Lyon. Il les accuse de violences lors d'une manifestation contre la loi travail. Pour la 4ème fois, elle est renvoyée. Quelques minutes après, un homme appartenant au groupe des proches des prévenus, est venu au contact d'Arthur, le doigt sur la bouche, lui disant "chut". Arthur porte plainte ce 10 mai.
"Je fais ça pour que ce sentiment d'impunité qui règne chez eux s'arrête. La pression n’est pas de mon côté, elle est du leur", explique Arthur Naciri.
Lors de la 4ème audience de son procès contre 2 policiers, qu'il accuse de violence, la juge propose une nouvelle date de renvoi début septembre. L’un des prévenus répond qu’il ne pourra pas être présent. La juge donne alors une nouvelle date 15 jours plus tard. "On a clairement compris qu'il serait en vacances", colère le jeune homme de 25 ans.
A la sortie de l'audience, le jeune lyonnais souhaite alors, avec ironie, de "bonnes vacances", en direction du groupe des prévenus et de leurs proches. C'est à ce moment-là que l'un d'eux parcours les 10 mètres qui le séparent d'Arthur. A son contact, le doigt sur la bouche en lui disant "chut". L'assemblée est choquée par ce geste. La scène a été captée par notre caméra.
Identifié comme étant le père de l'un des accusés
L'homme a été identifié par l’association "Flagrant Déni", qui accompagne Arthur dans son combat judiciaire, grâce à une source policière. Selon eux : "il s’agit du père de l’un des prévenus". Il serait un ancien gradé dans la Police Nationale.
Il est dans un tribunal, devant des journalistes et se permet ce geste ! C'est inadmissible.
Arthur Naciri
"Quand on voit ça, on sent bien le sentiment d'impunité totale dont jouissent les policiers", tempête Arthur Naciri. "Il est dans un tribunal, devant un parterre de journalistes et se permet ce geste ! C'est inadmissible." Ce mardi 10 mai, il a porté plainte, dénonçant des "violences psychologiques" et une "tentative d’intimidation"
Un périple judiciaire débuté il y a 2 ans et demi
En décembre 2019, place Bellecour à Lyon dans le Rhône, Arthur Naciri est gravement blessé par des policiers en marge d'une manifestation contre la loi travail. Des faits exposés médiatiquement par une série de clichés du photographe Bastien Doudaine, témoin de la scène. Arthur a été défiguré. Sa mâchoire et 9 de ses dents ont été brisées par un coup de tonfa (bâton de défense) porté à sa bouche.
Le procès renvoyé 4 fois
Débute alors une longue attente judiciaire pour Arthur Naciri. Le 10 décembre 2020, 1 an jour pour jour après l'agression, une première audience est programmée au Tribunal Judiciaire de Lyon. Elle est renvoyée car une autre affaire traitée dans la même salle a besoin de nombreuses heures de débat.
En février 2021, la deuxième audience est également reportée car les parties civiles apportent de nouveaux éléments. Ils affirment avoir formellement identifié l'un des prévenus comme étant le porteur du coup de tonfa (bâton de défense) à son visage. L'expertise de l'IGPN, elle, affirme ne pas être en capacité d'identifier le fonctionnaire de police.
L’avocat de la défense argumente : "J'ai besoin qu'un service enquêteur me positionne chaque policier au moment du coup", défend alors Me Laurent-Franck Lienard. L'avocat des prévenus est convaincu que l'auteur, n'a rien dit. "Il y a un policier qui laisse aujourd'hui deux de ses collègues comparaitre devant un tribunal et qui s'en lave les mains, et ça ce n'est pas acceptable". Une contre-expertise sera finalement demandée par le Tribunal de Lyon.
La troisième fois, en septembre 2021, la police scientifique n'a pas rendu, dans les temps, la contre-expertise mandatée.
Enfin en avril 2022, l’audience est de nouveau renvoyée car, comme la première fois, une autre affaire occupe trop longtemps les débats.
Encore de longs mois de procédure ?
Deux ans et demi après les faits, Arthur Naciri souhaite que ces faits soient jugés rapidement. "J'ai 25 ans. A mon âge, on est censé avoir plein de projets mais je suis bloqué par ça", explique-t-il. Faute de condamnation, il doit, pour le moment, payer sa reconstruction faciale. Des frais qui s'élèvent à 20 000 euros.