Il est désormais avéré que les riveraines de l'usine Arkema à Pierre Bénite produisent un lait contenant des PFAS. Certaines mères se demandent si elles doivent poursuivre l'allaitement ou si ce geste est devenu dangereux . Nous avons interrogé plusieurs spécialistes internationaux pour y voir plus clair
Selon une enquête rendue publique en mai 2022 et diffusée par Envoyé spécial, pas moins de 200 000 personnes seraient concernées par une pollution aux perfluorés au sud de Lyon. Les perfluorés, aussi appelés PFAS, sont désignés comme des polluants éternels, retrouvés notamment dans le lait maternel selon les relevés des enquêteurs.
Entre inquiétude et culpabilité
"C'est hyper culpabilisant parce qu'on pense faire au mieux et en fait c'est peut-être plus dangereux que le lait artificiel donc c'est dur d'entendre ça." commente Isaure Couturier, maman d'une petite fille qu'elle allaite encore.
Les PFAS sont encore méconnus du grand public. Dans l'usine Arkema au sud de Lyon, on en produit tous les jours. Et on les utilise partout dans les cosmétiques, les poêles anti adhésives et les équipements sportifs. Des molécules qui ne se dégradent jamais et donc s'accumulent dans le corps humain et dans la nature.
Stéphanie Escoffier, ancienne salariée d'Arkéma et mère d'un bébé de quelques mois a pu échanger en viso avec Jacob De Boer, professeur en chimie environnementale à Amsterdam. C'est lui qui a analysé son lait pour l'émission Envoyé spécial.
Le risques principal de son lait maternel est de faire baisser l'immunité du bébé explique-t-il. Sachant qu'une des vertus du lait maternel est justement de renforcer l immunité des jeunes enfants : "C'est un peu contre productif en un sens. Mais c'est le risque principal : que les enfants puissent attraper de nombreuses maladies par la suite" analyse-t-il.
Faut il allaiter son enfant ?
Très peu d'études en France permettent de dresser un bilan sur la dangerosité de ces molécules dans le lait maternel.
Selon les dernières publications des services de l'Etat Français sur les perfluorés : "Le passage des PFAS dans le lait maternel est connu et documenté. Cependant, les taux d’imprégnation aux PFAS des nourrissons allaités au sein rejoignent, en grandissant, ceux des autres enfants et l’allaitement reste bénéfique"
Les études menés par des scientifiques à l'étranger démontrent qu'en Suède les femmes concentrent en moyenne 100ng/L de perfluorés, aux Etats Unis 121ng/L, et en Chine entre 400 et 700ng/L. Stéphanie, elle, concentre 190 ng/L.
"On ne connait pas de concentration qui nous permettrait de dire qu'il vaut mieux arrêter l'allaitement. Les bénéfices de l'allaitement pour le jeune enfant sont très documentées mais les risques des PFAS dans le lait maternel ne le sont pas", juge Marc-André Verner Professeur en toxicologie à Montréal
Pour limiter les risques : pas de régime amaigrissant
Les PFAS ont tendance à s'accumuler dans les graisses des femmes puis à s'éliminer dans le lait maternel.
"Ce polluant ne fait pas partie de ceux qui peuvent entraîner une intoxication aïgue et donc l'allaitement maternel doit être poursuivi" affirme Virginie Rigour Pédiatre à l'hôpital Necker à Paris. En revanche, elle déconseille de débuter un régime amaigrissant en phase d'allaitement car les femmes concernées pourraient alors "relarguer ces produits pullulants cumulés dans leur graisse il y a longtemps".
Arkéma est-elle la seule source de contamination, connaissait-elle les risques ? Pour le savoir Stéphanie Escoffier a décidé de porter plainte. "Maintenant qu'on connait les dangers les taux de pollution j'espère vraiment que ça va bouger au niveau des povoirs publics et des entreprises" explique-t-elle.
Si les effets des perfluorés sont mal connus les scientifiques sont unanimes, 100% des femmes en ont dans leur lait dans le monde et donc dans leur sang.