Le maire de Francheville souhaitait reconvertir l'ancien hôpital Charial, basé sur sa commune, en centre médico-social. L'Etat, avec l'aide de la Métropole, en a fait un lieu d'hébergement solidaire d'urgence. Des réfugiés ukrainiens, qui se retrouvent au milieu de cette petite divergence de projets, ne pourront pas y transiter, pour le moment. Explications.
C’est le nouvel épisode d’une petite guerre… un peu perdue au milieu de la grande, celle qui oppose, actuellement, la Russie à l’Ukraine. Dans ce contexte terrible, qui provoque l’exil de nombreux ukrainiens, notamment vers la France, le maire LR de Francheville, Michel Rantonnet, vient de trouver une occasion de frapper ses adversaires. L'Etat et la Métropole contrarient en effet un projet de développement qu’il défend depuis de nombreuses années dans sa commune. Il bloque à son tour leurs initiatives.
Un projet contrarié
Sur le territoire de Francheville, à l’Ouest de Lyon, se trouve un ancien site hospitalier, l’hôpital gériatrique Charial, appartenant autrefois aux Hospices civils de Lyon (HCL). Le maire de la commune souhaitait, depuis plusieurs années, récupérer ce site pour le transformer en un parc de sport/santé, puis un pôle médico-social.
En août 2020, la Préfecture de région annonce aux élus locaux un projet différent. L’idée est alors de créer, dès novembre sur place un dispositif d’accueil d’urgence, déployé dans le cadre de la campagne hivernale. « Porté conjointement par la Fondation de l’Armée du Salut et le Foyer Notre-Dame des Sans-Abri, ce site alliera hébergement et insertion professionnelle avec plusieurs objectifs : la mixité d’activité, le service, l'insertion et l’éco-responsabilité » résume alors le communiqué préfectoral.
De provisoire, cette utilisation des lieux gérée par ces deux associations prend une tournure à plus long terme. Avec une aide financière de la Métropole, une convention a été signée en juin 2021 pour trois ans, renouvelable une fois, entre l’Etat et deux associations, l’Armée du Salut et Notre-Dame des sans-abris pour le maintenir dans sa fonction de centre d’hébergement temporaire d’urgence.
Une décision qui ne plait pas à Michel Rantonnet, dans l’incapacité de lancer son projet. Malgré cette opposition locale, le nouveau rôle de Charial se développe. Financé par l’Etat, l’ensemble de l’organisation est géré uniquement par des salariés, qui composent les équipes éducatives et les chantiers d’insertion qui prennent en charge l’entretien des bâtiments, l’alimentation.
L’an dernier, le Grand Lyon y a également financé des travaux de rénovation à hauteur de 200 000 euros. La Métropole annonce même, dès le 10 février dernier, par le biais de sa publication Met’, que de nouveaux projets sont en cours : « en plus d’offrir un toit aux personnes qui en ont besoin, les deux associations qui animent le site développent actuellement une épicerie bio, locale et solidaire, des activités artistiques, sportives et culturelles, notamment pour les enfants hébergés. L’objectif est de créer un lieu de rencontre pour les habitantes et habitants des environs et un hôtel solidaire, « le grand barnum » qui emploiera des personnes en insertion, pour conjuguer solidarité et activité touristique dans la métropole. »
Il appelle à accueillir des Ukrainiens...
Le 25 février 2022, Michel Rantonnet, via un communiqué, lance un défi à son « locataire » non-désiré. Et si l’ancien site hospitalier Charial, à Francheville, pouvait accueillir, au besoin, des familles en détresse en provenance d’Ukraine ? Il demande aux associations déjà présentes sur place "d'apporter aux Ukrainiens toute l'aide dont ils auraient besoin". Mais il ne va pas jusqu’à proposer un éventuel apport financier ou logistique pour rendre possible cette idée.
Sur le site de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, Sophie Jansen, la directrice du site pour l’Armée du salut rejette l’idée, faute de places. « Ce n’est pas un problème de principe, mais il n’y a pas de place. Aujourd’hui, elles sont toutes occupées, à 100%. On héberge actuellement 475 personnes. Toutes les ailes de toutes nos unités sont prises » nous explique-t-on.
De son côté, la Préfecture envisage tout de même de saisir le projet de création d’un hôtel d’hébergement solidaire au quatrième étage d’un des bâtiments (censé s’appeler "le grand Barnum"), pour y loger, provisoirement, une cinquantaine de personnes venues d’Ukraine.
Mais il fait fermer l'hôtel solidaire
De retour de vacances, le maire de Francheville, qui réclamait pourtant lui-même, deux semaines plus tôt, que l’on accueille des Ukrainiens à Charial… a finalement utilisé ses pouvoirs pour ordonner la… fermeture de cet hôtel solidaire. Michel Rantonnet a en effet a pris un arrêté de fermeture pour "non-conformité des travaux."
Selon notre équipe, qui s’est rendue sur place, cet hôtel 3 étoiles devait faire travailler des personnes en insertion professionnelle, trois réceptionnistes et trois femmes de ménage, pour s'occuper des 24 chambres. Suite à la décision de la mairie, l'établissement refoulait dès ce jeudi ses premiers clients qui avaient effectué des réservations. L'Armée du salut s'est refusée à tout commentaire.
Selon la Préfecture, l'arrêté de fermeture rend pour l'heure ce projet... impossible. Elle ajoute que la structure pourrait rouvrir rapidement, une fois que la commission de sécurité aura donné son aval. A condition que la petite guerre que livre la municipalité à cette transformation du site ne connaisse pas un nouveau rebondissement d’ici là.
Pas de guerre avec Francheville
Les services de la Préfecture de Région précisent que, pour eux "les réfugiés Ukrainiens ne font nullement les frais de cette décision. D'autres solutions d'hébergement sont utilisées, en nombre suffisant. Un partenariat est en place, notamment, avec la Croix-Rouge à Villeurbanne. Sans oublier l'accueil offert par des particuliers qui se sont fait connaître via le site gouvernemental dédié. Il s'agit, pour la plupart, de personnes en transit provisoire dans notre région. Bon nombre de ces Ukrainiens se dirigent en effet vers l'Espagne et le Portugal, où sont basées de plus importantes communautés ukrainiennes."