La finale du championnat du monde de pâté croûte se déroule à Lyon ce lundi 2 décembre. L'occasion d'ouvrir les livres d'histoires et les portes des cuisines afin de définitivement répondre à LA question. Doit-on dire pâté croûte ou pâté en croûte ?
Sur le site officiel du championnat du monde, on peut lire que les organisateurs du concours de "pâté croûte, on fait vœux de grande convivialité". On n'ose les appeler pour poser la question qui fâche. Mais, on se lâche. "Doit-on dire pâté croûte ou pâté en croûte ?". Silence. Puis, la phrase fuse : "on dit ce que l'on veut, ici, on le mange". Fermez le ban. Pas le pâté, pas encore. Cela demande de la préparation.
Petite histoire d'une recette
Il faut remonter loin, très loin, sur les tables du Moyen Âge. Dans son livre de "La Confrérie du Pâté-Croûte" (Ed Hachette), les auteurs rapportent qu'à cette époque, "trône un incontournable de la cuisine médiévale". Sans doute l'ancêtre du fameux pâté. "Une pâte garnie de préparation diverses et variées, sucrées, salées, à base de viandes, de légumes, de fruits". Au-delà de l'aspect gustatif, la méthode servait aussi à mieux conserver les aliments.
En 1393, dans le "Ménagier de Paris", on découvre une première recette de "Pâté de gigot en pot", même s'il s'agit, en réalité, de la recette d'une terrine. Plus tard, en 1690, le Dictionnaire Universel d'Antoine Furetière définit le mot pâté ou "Pasté" en vieux français. La notion de conservation des aliments semble, là encore, un argument en faveur d'une pâte protectrice.
Pièce de four faite de viande cuite, hachée, ou lardée, enfermée avec plusieurs béatilles ou assaisonnements dans de la paste, afin de la rendre plus tendre et de meilleur goust ou pour faire qu'elle se conserve plus longtemps.
Dictionnaire Universel, Furetière (1690)
"Première occurrence en 1729"
Selon les auteurs de "La Confrérie du Pâté-Croûte", "la première occurrence du pâté en croûte que nous avons détectée se trouve dans le Grand dictionnaire français et flamand, en 1729, de François Halma".
Le Larousse de la Gastronomie, en 1938, reprend la définition du seul nom masculin : pâté. "Pièce de pâtisserie, formée d'un rond, d'un tour et d'un couvercle en pâte, renfermant des viandes ou des poissons".
Pain au chocolat ou chocolatine ?
Aujourd'hui, les dictionnaires s'accordent. Après les cuisines, les chefs ont investi le champ lexical, chacun y allant de son appellation et de sa recette. Jean-François Malle, champion du monde en 2013 et membre du jury cette année, le reconnaît, non sans malice. "Il n'y a pas débat, mais comme ça revient tous les ans : il y a débat".
Malgré mes origines bretonnes, pour moi, c'est pâté croûte. Je n'ai pas pris l'accent lyonnais, mais les habitudes. D'ailleurs, quand j'ai postulé, j'ai pris soin d'écrire pâté croûte. Même si, dans les anciens livres de cuisine, on explique que le pâté, c'est une croûte.
Jean-François Malle,chef cuisinier, lauréat en 2013
C'est une farce ?
Pour le comité d'organisation du championnat du monde, si l'on se réfère à l'historique de cette pâte cuite qui entoure les aliments : le pâté, c'est la pâte, la croûte donc. Pâté en croûte serait donc un pléonasme. On devrait alors dire : pâté, vu que le pâté est forcément une croûte. Vous suivez ? S'il n'y a pas de croûte, on doit alors parler de terrine.
Pâté croûte ou pâté en croûte, difficile de trancher (la croûte), "il faut le manger". L'an dernier, lors du championnat, un vote à main levée n'avait pas réussi à départager les participants.
De célèbres traiteurs lyonnais y vont de leurs appellations. Mais, tous ici, vous le diront : "un Lyonnais qui dit pâté en croûte est un guignol".
Un championnat du monde
Finalement, la confrérie du pâté croûte, en affichant sa devise sur la page d'accueil de son site internet, "honni soit celui qui sans pâté croûte prétend tenir table loyale" semble chercher à mettre tout le monde d'accord.
Crée en 2009, le championnat vit sa 15ᵉ édition. Cette année, la Finale du Championnat du Monde de Pâté-Croûte aura lieu lundi 2 décembre, à La Sucrière, à Lyon. Le jury officiel composé de Chefs étoilés, de Meilleurs Ouvriers de France et de personnalités de la gastronomie déguste à l’aveugle les pâtés en croûte des candidats et les note.
À table, et bon appétit, bien sûr.