CARTE. Polluants éternels dans les légumes : retrouvez les communes potentiellement touchées par les PFAS

Les résultats récemment publiés par la préfecture du Rhône ne sont une surprise pour personne : on retrouve bien des traces de perfluorés dans les légumes des Coteaux du Lyonnais. Dans les mâches, les taux de « polluants éternels » dépassent même les limites d’action européennes. Ils seraient dus à l’eau d’irrigation qui provient du Rhône. Découvrez quelles communes sont concernées et irriguées par ces captages.

Nicolas Aynard ne se faisait aucune illusion. Des « polluants éternels » dans les légumes des Coteaux du Lyonnais, ce maraîcher bio s’y attendait depuis longtemps. « Il faudrait être naïf pour être surpris… On est installés dans la vallée de la chimie, on sait que l’eau d’irrigation vient du Rhône… », détaille-t-il en arrachant les carottes à la terre à mains nues. « Il faut faire avec », déclare-t-il avec résignation, mais surtout avec une pointe de colère.

Des résultats très attendus par la profession. Depuis qu’une enquête d’Envoyé Spécial a révélé que l’eau du Rhône était fortement polluée aux perfluorés, les agriculteurs se demandent à raison quel peut être l’impact sur les cultures locales. 

Alors quelles sont  les communes potentiellement concernées par la pollution de l'eau d'irrigation ?

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Le SMAHR, le syndicat qui chapeaute l’irrigation d’une partie du département, possède deux captages dans le Rhône, en aval de la plateforme industrielle de Pierre-Bénite. Le premier, à Millery, irrigue un peu plus d’une vingtaine de communes, comme il est possible de le voir sur la carte ci-dessus. Le deuxième, à Ternay, irrigue tout l’est lyonnais. 18 communes sont concernées.

"Des résultats rassurants"

En novembre dernier, pour lever les doutes, 22 légumes ont donc été prélevés par la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) dans l’ouest lyonnais, irrigué par le captage de Millery. Des carottes, des tomates et des salades dans lesquels on a détecté la présence des quatre perfluorés les plus dangereux pour la santé, le PFOA, le PFNA, le PFHxS et le PFOS. Difficile d’affirmer quelle est exactement l’origine de la pollution, ni même si ces chiffres sont supérieurs à ce que l’on pourrait trouver ailleurs en France.  Mais ils attestent que les perfluorés sont un nouvel enjeu sanitaire pour les pouvoirs publics. 

« La colère, elle est là depuis de nombreuses années », reprend l’agriculteur. « Je ne me suis pas installé en bio pour rien, la chimie de synthèse, elle n’a rien à faire dans la nature. Et quand ça vient de l’industrie, c’est encore moins acceptable, parce qu’ils devraient gérer leurs effluents, point barre ».

Sur les différents légumes étudiés, les carottes présentent des taux de PFAS inférieurs aux limites d’action européennes. Pareil pour les tomates. Mais les mâches présentent des taux de PFOA supérieurs à ces valeurs indicatives dans les communes de Saint-Laurent d’Agny, Chaussan et Thurins. « On n’est pas du tout sur les mêmes types de teneurs que l’on a pu retrouver dans les produits animaux, donc globalement, ces chiffres sont plutôt rassurants », commente Bruno Ferreira, directeur régional de de la Draaf. En janvier dernier, des œufs de particuliers de Pierre-Bénite, Oullins, Saint-Genis-Laval et Irigny ont affiché des taux supérieurs aux normes et jugés impropres à la consommation.« Mais ces valeurs nécessitent que l’on poursuive les investigations ». C’est effectivement ce qui est prévu par la réglementation européenne (recommandation UE 2022/1431).

Installé depuis 10 ans à Chaussan, Nicolas Aynard espère maintenant des actions « fermes et ambitieuses » de la part de l’Etat. « Qu’est-ce qu’il faut faire ? Il faut demander à ce que ces perfluorés, on arrête de les produire, tout simplement. On ne sait pas les gérer, l’entreprise ne sait pas les empêcher de sortir de son usine, donc on ne les produit plus, fin ».

Et si aucune réglementation n’empêche de consommer ces légumes ni même de les mettre sur le marché, le maraîcher craint évidemment des répercussions. 

«Ce n’est pas à nous de gérer ce problème en fait, c’est à l’industrie et aux pouvoirs publics. Ça en rajoute une couche sur les problèmes que peut avoir l’agriculture, nous on n’a pas besoin de ça, vraiment ».

Nicolas Aymard, maraîcher bio

Et pour les consommateurs aussi, le constat est amer… Surtout pour ceux qui ont fait le choix du bio et du circuit court. « Même si on n’interdit pas la vente de ces produits, les consommateurs s’informent, ils sont soucieux de leur santé, et quand ils vont apprendre que certains produits risquent d’être pollués, je pense qu’ils vont moins en acheter. affirme Jean-François Baudin, porte-parole du réseau régional des AMAP.

"Des analyses insuffisantes"

Avant même la publication de ces résultats sur les légumes, le réseau d’associations pour le maintien de l'agriculture paysanne avait déjà interpellé la préfecture. . « Il y a aura un impact économique important et il va falloir penser à des compensations économiques, déjà que ce n’est pas facile d’être paysan, si même les paysans bio ont des produits pollués, ça ne va plus… » ajoute Jean-François Baudin.  

Le collectif avait déjà souligné que les captages servant à l’irrigation de nombreuses communes au sud de la Métropole pompaient l’eau du Rhône, dont les études confirment qu’il est contaminé aux perfluorés. « Sur les zones concernées, avise le collectif, nous dénombrons près d’une centaine de fermes du réseau AMAP et du réseau Agribio, qui livrent de nombreux lieux de commercialisation sur l’aire lyonnaise et stéphanoise », avaient-il alerté.

Mais les résultats présentés ne portent que sur les légumes de six communes, à l'ouest de Lyon. De l'autre côté du fleuve, là ou l’eau potable prélevée dans la nappe quelques centaines de mètres plus loin affiche des taux de PFAS flirtant avec les 200 ng/L, c’est-à-à-dire au-dessus de la future norme européenne, aucune étude. Pas un seul légume prélevé. 

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Des traces de perfluorés dans les légumes des Coteaux du Lyonnais. ©France Télévisions

Une incohérence qui agace les habitants du secteur. Depuis des mois, ils attendent des résultats clairs, précis et vastes. «  Pourquoi ne pas les étendre à Feyzin ou à Solaize ? Ils aussi sont sûrement concernés par la pollution, je trouve que la zone d’analyse est réduite. On avance petit pas par petit pas », explique une habitante de Communay.  

A cette question-là, les autorités bottent en touche. « Quand on a fait le plan de prélèvement en 2022, on était sur la contamination connue sur le premier captage. Le plan de prélèvement que l’on va faire cette année, il va prendre en compte les nouvelles données que l’on a », affirme la Draaf, insinuant qu’à l’hiver dernier les résultats sur l’eau n’étaient pas connus, alors que l’enquête d’Envoyé Spécial date de mai 2022.

« Ces analyses sont loin de me rassurer. Le choix de 4 PFAS sur 4400, même si se sont les plus dangereux, ne me convainc pas. Quid des molécules à chaînes courtes que l’on retrouve dans les végétaux ? S’ils ne sont pas testés on ne risque pas de les retrouver ».

ajoute une habitante d'Oullins

A Millery, les résultats de la DREAL prouvent en effet la présence d’au moins 0,25 ug/L d’un perfluoré en particulier, le 6 :2 FTS. A Ternay, on en retrouve 0,28 ug/L. Ce PFAS, rejeté directement dans le fleuve par l’usine Arkema, n’a pas été recherché dans les légumes. 

Une nouvelle campagne de prélèvement sur l'agriculture doit donc être réalisée cet été, notamment sur les fruits et les pommes de terre. D'autres résultats sont également attendus sur les œufs de l'est lyonnais. Mais qu'en est-il de l'agriculture céréalière ? Ou encore de la filière viande ? Et de tous ses produits dérivés ? Autant de questions auxquelles les habitants attendent très rapidement des réponses des autorités. 

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