Lundi 30 mars, des organisations comme l'OIP, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France ont saisi en urgence le Conseil d'Etat. Ils demandent que soient prises en urgence des mesures afin de réduire les risques d'exposition des personnes détenues au Coronavirus.
La section française de l'Observatoire international des prisons (OIP), l'association Avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), le syndicat de la magistrature (SM) et le syndicat des avocats de France (SAF) relèvent que l'épidémie, qui touche tout le pays, a gagné les prisons française où la surpopulation fait courir un danger supplémentaire aux détenus.
Le coronavirus n'épargne pas les prisons françaises
"Dix-neuf établissements pénitentiaires sont désormais touchés par l'épidémie du Covid-19," indique les quatre organisations dans un communiqué commun du 1er avril. "Dans ces prisons, des détenus, des membres du personnel et/ou des soignants ont été testés positifs au virus," poursuit le texte. Pour l'organisation, "chacune des prisons constitue un foyer épidémiologique en puissance".
Selon le dernier bilan de la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP), du lundi 30 mars, parmi les quelque 70.000 détenus des 188 prisons françaises, "31 sont positifs au covid-19" (contre 21 vendredi) et "683 sont en confinement sanitaire". Parmi les 42.000 agents pénitentiaires, "75 sont positifs (contre 50 vendredi) et 881 sont en quatorzaine à domicile".
Un référé devant le Conseil d'Etat
Face à cette urgence sanitaire dans les prisons, l'OIP indique avoir déposé lundi 30 mars, avec l'association A3D, le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France, un référé devant le Conseil d'État.
Ces organisations demandent notamment l'élargissement du champ d'application de l'ordonnance du 25 mars, en permettant la libération de personnes à qui il reste six mois de détention, contre deux mois actuellement. Autre demande, d'ordre sanitaire : que les détenus puissent bénéficier de protection de base (masques, gels, produits d'entretiens).
Le Conseil d'Etat doit examiner ces demandes vendredi 3 avril.
Conditions sanitaires dégradées, promiscuité et surpopulation carcérale ... détenus en péril ?
Les organisations comme l'OIP ont plusieurs raisons de s'inquiéter des risques de contamination au sein des prisons françaises. Elles pointent notamment du doigt "des conditions de détention particulièrement dégradées, notamment sur le plan sanitaire". Elles sont "cumulées à la promiscuité" causée par une surpopulation carcérale. Pour les organisations, ces facteurs risquent de "démultiplier les risques de contamination massive au Covid-19 de l'ensemble des personnes détenues".
Pour les quatre organisations, qui rappellent la situation de "vulnérabilité" des détenus et leur "d'entière dépendance vis à vis de l'administration", "l'urgence est double". Il faut selon elles "accélérer les sorties de détention afin de permettre l'encellulement individuel". L'idée étant d'assurer des conditions de confinement acceptables. Il faut également "améliorer les conditions matérielles de détention" dans le but de prévenir une propagation de l'épidémie.
Plus qu'un nombre de détenus libéré, le but est de parvenir à un encellulement individuel, "l'idée est de rendre le confinement plus supportable et digne en prison," résume Pauline De Smet (OIP)
Que demande les quatre organisations ?
Sur plan sanitaire, les associations demandent notamment la distribution de masques de protection et de gel hydro-alcoolique aux détenus mais aussi "la distribution en grande quantité de produits d'hygiène et de nettoyage, ainsi que le dépistage systématique du Covid-19 en détention". Des tests de dépistage, y compris dans les établissements déjà infectés.
Conditions de libération des détenus: "trop de restrictions"
Concernant les ordonnances du gouvernement du 25 mars dernier, visant à réduire la surpopulation dans les établissements pénitentiaires, celles-ci seraient "trop restrictives" selon l'OIP et ne concerneraient que 5000 détenus; "insuffisant pour garantir le principe de l'encellulement individuel". Le texte souligne également les difficultés à mettre en oeuvre ces dispositions, notamment en raison d'une difficulté à communiquer avec les avocats ou à avoir accès à un juge.
Que demandent les organisations ?
Elles demandent l'élargissement des conditions de libération anticipée aux personnes condamnées qui n'ont plus que six mois de prison à purger. Elle demande aussi la mise à disposition d'hébergements, au besoin via des réquisitions, au profit des personnes susceptibles d'être libérées. Elles demandent la systématisation des réductions de peine supplémentaires, la mise en place de dispositifs permettant la remise en liberté des personnes en détention provisoire ou encore la multiplication des grâces présidentielles individuelles. Les dispositif ne s'applique pas aux crimes, affaires terroristes et violences conjugales.
Le week-end dernier, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet avait indiqué au JDD que 3.500 détenus avaient "été libérés" dans le cadre de mesures destinées à désengorger les prisons. Insuffisant selon les associations et syndicats.
"Confinement des droits de la défense", les avocats affichent aussi leurs craintes
Le 25 mars, la garde des Sceaux Nicole Belloubet a présenté quatre ordonnances, des mesures d'exception dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, afin de "simplifier" les procédures et de permettre la libération de "5.000 à 6.000" détenus des prisons françaises surpeuplées.
Confrontés à une adaptation dans l'urgence de la procédure pénale à cause du coronavirus, des avocats s'inquiètent du "confinement" des droits de la défense, et en particulier des droits des détenus qui n'ont pas encore été jugés et sont donc présumés innocents.
Le barreau de Lyon a écrit à la ministre pour dénoncer des mesures synonymes de "confinement des droits de la défense".
La carte des établissements pénitentiaires en France, sur le site de l'OIP