Véritable accélérateur technologique, source de fantasmes et de peur, l'intelligence artificielle se fait une place dans le milieu médical. Elle pourrait devenir un outil essentiel pour tester les futurs traitements.
Avant de mettre en place un nouveau traitement, il faut le tester avec une phase d'essais cliniques. C'est un long processus, en plusieurs étapes, avec des tests faits sur des patients, qui peut durer plusieurs années. À Lyon, une intelligence artificielle a accompli le même travail en quelques minutes.
Lundi 11 septembre, le groupe pharmaceutique AstraZeneca publie les résultats de son essai clinique sur un traitement pour le cancer du poumon. Trois jours avant, grâce à l'intelligence artificielle, une prédiction des résultats de cet essai est publiée par le vice-directeur de l'Institut de cancérologie aux Hospices Civils de Lyon. Une prédiction qui s'est révélée juste !
Trois minutes au lieu de trois ans
À l'origine de cette prouesse technique : Novasdiscovery, une entreprise lyonnaise ! "On convertit les connaissances sur le cancer en une longue liste d'équations. On crée un modèle de la maladie, on génère une population de patients virtuels et on teste une série d'hypothèses", résume simplement François-Henri Boissel, cofondateur et PDG de l'entreprise.
Quelle est la bonne dose pour le produit ? Quel profit va le mieux répondre au traitement ? Plutôt que de tester sur des sujets humains, tout se fait informatiquement. "L'essai clinique d'AstraZeneca a duré trois ans. De notre côté, une fois qu'on avait le modèle de la maladie, la simulation a duré trois minutes et a donné le même résultat", assure le PDG.
Un gain de temps et d'argent, mais aussi la possibilité de tester une infinité de possibilités sur une population de patients virtuels. "À l'exception du vaccin pour le Covid, il faut 10 à 15 ans pour développer un traitement, met en avant François-Henri Boissel. Il y a une quantité pharamineuse de connaissances sur la biologie humaine, mais elle est fractionnée dans des millions d'articles. Il s'agit de les résumer en équations."
Test clinique humain obligatoire
C'est là l'aboutissement de trois ans de travail avec les Hospices Civils de Lyon. Serait-ce alors la fin des essais cliniques sur l'homme ? "Non, on ne peut pas le garantir à 100%, il faut toujours une confirmation des prédictions, mais on va réduire les effectifs nécessaires pour tester un traitement", détaille François Henri Boissel.
Même conviction pour le professeur Michaël Duruisseaux, oncopneumologue aux Hospices Civils de Lyon. "Chaque métabolisme est différent, mais on va pouvoir limiter les risques pour les patients qui testent, se réjouit le docteur. Ça va être un grand bon pour les traitements."
Mais l'utilisation de l'intelligence artificielle pourrait permettre de faire disparaître les tests pharmaceutiques sur les animaux. C'est en tout cas la certitude de François-Henri Boissel. L'intelligence artificielle pourrait-elle faire aussi disparaître les médecins ? "Non, affirme confiant le professeur Michaël Duruisseaux. C'est un outil qui fait des choses qu'on ne peut pas faire ou qui nous libère de certaines taches, pour que nous nous concentrions sur les choses que seul le cerveau humain peut faire. On travaille déjà avec l'Intelligence Artificielle aux Hospices Civils de Lyon."
La plateforme "Jinkō " (population et artificiel en japonais) qui fait ces essais cliniques en virtuel, sera de nouveau mise à l'épreuve sur d'autres essais de traitement pour valider sa fiabilité. Avant peut-être d'être adoptée pour les essais cliniques académiques et pharmaceutiques.