Des milliers de réfugiés qui arrivent en France, des milliers de familles qui s’organisent pour les accueillir, les héberger, les nourrir. Spontanée et sincère, cette solidarité a aussi un revers de la médaille. A la fois pour ceux dont la cohabitation s’avère plus compliquée que prévue. Ou pour ceux qui deviennent victimes d’arnaques et d’escroqueries.
Cristina coupe les oignons. Marie-France émince le chou. Au menu ce soir, un plat traditionnel ukrainien. En cuisine comme au quotidien, pour la famille Martin, la cohabitation avec les réfugiés qu’elle accueille se passe très bien. « On commence à pouvoir échanger quelques mots de français, bonjour, au revoir, ça va… », sourit Marie-France Martin. Son mari Daniel et elle hébergent une famille de trois personnes depuis plusieurs semaines.
Car, ici, à Saint-Pierre de Chandieu, dans le Rhône, la solidarité s’est très vite organisée. Dès les premiers jours, une association locale met en place des convois pour ramener des réfugiés ukrainiens et trouve des familles prêtes à les accueillir. Dans le malheur, la solidarité provoque de belles rencontres. De belles histoires.
Un engagement financier
Mais aussi le début de quelques difficultés. Financières, d’abord. « Au lieu de faire les courses une fois par semaine, on les fait deux ou trois fois, quand il manque quelque chose, mais on s’adapte », témoigne Marie-France. Comme elle, les familles qui accueillent les réfugiés ukrainiens de manière autonome assument tout à leur charge.
« Et ça peut faire des trous dans les budgets… », explique Angélique. Cette jeune entrepreneuse de la région a eu l’idée d’organiser une collecte… pour les familles accueillantes. « Quand elles ont généreusement accueilli ces réfugiés dans le besoin, elles ne se sont peut-être pas dit que ça allait durer aussi longtemps… Mais il faut prévoir la nourriture, les produits d’hygiène, de nettoyage etc…», ajoute-t-elle. Avec son association, elle cherchait depuis un moment à participer à la solidarité envers le peuple ukrainien. « Et finalement, on s’est dit qu’on pouvait aider les familles qui les aidaient », raconte-t-elle en souriant.
Une grande responsabilité
Car, ailleurs, certains ont dû jeter l’éponge. A Roanne, par exemple, des réfugiés ukrainiens se sont déjà présentés à l’hôtel de ville pour demander à être « relogés ». « Ils s’étaient fait virer par leur famille d’accueil », explique Yves Nicolin, le maire LR de la commune.
Intimité bousculée, barrière de la langue, incompatibilités de caractère, l’élu tient aussi à rappeler que la cohabitation peut parfois être compliquée et que l’engagement « n’est pas à prendre à la légère ». « On ne peut pas accueillir des gens et leur dire au bout de 15 jours de repartir », ajoute-t-il.
Des familles débordées par le dévouement et le temps que demande l'accueil de réfugiés. « Les gens ne se sont pas rendus compte de la responsabilité qu’ils prenaient. Ce n’est pas parce qu’on a une ou deux chambres de disponibles qu’on peut accueillir une famille. Il faut tout prévoir pour leur apporter tout ce qu’elles n’ont pas, il faut les nourrir, les habiller, les transporter, s’occuper des papiers ». Une situation problématique pour la mairie, qui a déjà accueilli une quarantaine de familles ukrainiennes et ne peut pas prendre la responsabilité de toutes celles qui se retrouvent soudain sans toit.
Des familles livrées à elles-mêmes, parfois sans papiers et non déclarées auprès des services de l’Etat. Des réfugiés, qui ont le droit de séjourner en France sans titre de séjour pendant 90 jours, mais dont certains cherchent à profiter.
Gare aux arnaques
Arnaques, fraudes, escroqueries et même trafics d’êtres humains, c’est l’autre revers de la médaille. Certains individus mal intentionnés cherchent déjà à profiter de la catastrophe humanitaire provoquée par la guerre en Ukraine.
Gare de la Part-Dieu, par exemple. Chaque jour, les réfugiés y débarquent par milliers. La Croix-Rouge accueille et dirige ceux qui ont besoin de s’orienter. Mais les associations remarquent parfois des rôdeurs aux intentions ambiguës. « Des hommes qui pouvaient proposer des hébergements à de jeunes ukrainiennes », nous confie une association. Ou d’autres qui proposaient du transport pour des sommes d’argent très importantes. Alertée, la préfecture a donc préféré renforcer la présence policière sur place, par prévention.
« On s’y attendait, finalement. A chaque nouveau phénomène, il assez logique que de nouvelles formes de délinquance se créent et que certains cherchent à tirer parti de la situation », nous indique-t-on du côté de la police nationale, même si pour l’instant, aucune enquête de ce genre n’est en cours dans la région. Même écho du côté de la gendarmerie du Rhône. Hameçonnage, mails frauduleux, faux sites de dons. Les délits sont quotidiens.
La solution ? Passer par les structures d'accueil
Autre dérive également, au guichet administratif de Villeurbanne. C’est là que les réfugiés ukrainiens peuvent s’enregistrer auprès des services de l’Etat. Et c’est là que certains cherchent à se faire passer pour des ukrainiens afin d’obtenir des titres de séjour.
En conclusion, donc, les services de l’Etat et les associations rappellent l’importance de passer par des structures organisées. « Il faut absolument que les ukrainiens passent par les associations et les services de l’Etat pour pouvoir se faire régulariser. Nous envoyons régulièrement des médiateurs et des traducteurs qui aident les familles de réfugiés à s’orienter », rappelle le Kostiantyn Achkasov, vice-président de l’association Lyon-Ukraine. C’est la seule solution pour encadrer l’accueil de ces réfugiés, éviter qu’ils ne se retrouvent isolés et qu’ils ne deviennent les victimes de réseaux de trafiquants.