Harcèlement scolaire : ce qui va changer avec la nouvelle loi

Le "délit de harcèlement scolaire" est désormais une réalité en France. Les élus du Parlement ont finalement voté cette nouvelle loi cette semaine. Une victoire pour Hugo Martinez, fondateur lyonnais de l'association qui milite avec acharnement contre ces dérives. Ce nouveau texte va responsabiliser les enfants comme les adultes. Explications.

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Embouteillage de l’actualité. Entre le conflit en Ukraine, et la campagne électorale présidentielle, l'événement est presque passé inaperçu. Il s’agit pourtant d’un sujet majeur et d’autant plus sensible qu’il touche au bien-être des enfants.

Ce jeudi 24 février 2022 a été enfin adopté, par l’Assemblée nationale, une nouvelle loi créant un "délit de harcèlement scolaire" et permettant de lutter, directement, contre ce fléau destructeur.

A l’origine de cette idée depuis le début, Hugo Martinez, le fondateur lyonnais de l’association Hugo !, devenu célèbre après avoir médiatisé, d’abord via les réseaux sociaux, sa propre expérience. En créant son association, il a vite imposé une évidence à notre société. Il manquait un texte législatif permettant à la fois de prévenir et de punir une pratique de plus en plus répandue et parfois meurtrière au sein de nos écoles : le harcèlement scolaire.

A force de militer, ses efforts ont permis, malgré un premier rejet du Sénat, de faire aboutir cette loi in-extremis. Elle devrait être promulguée par l’exécutif dans les 30 jours. Parti d’un sujet presque tabou, voire ignoré des pouvoirs publics, Hugo Martinez a finalement réussi à imposer la mise en œuvre d’une loi –et des moyens qui l’accompagnent- qui vont changer la donne.

Le « harcèlement scolaire » reconnu par la police et la justice

« C’est une vraie boite à outil dont on va pouvoir se servir très concrètement », explique le lyonnais. Désormais une famille qui souhaite porter plainte à la gendarmerie ou au commissariat verra son accueil facilité. « Jusqu’à présent, dans le logiciel des policiers et des gendarmes, la liste des motifs de plainte ne comprenait pas le harcèlement scolaire », résume Hugo Martinez. « On restait jusque-là sur des montages hybrides entre différents motifs comme les atteintes à l’intégrité physique, ou morales. Et, par la même occasion, on pourra désormais récupérer des statistiques, et donc une meilleure visibilité de ce type de harcèlement. »

on se retrouvait avec de nombreuses plaintes sans suite

Conséquence logique : les dossiers juridiques seront plus robustes. « La justice était obligée de traiter en différents silos les plaintes. Prenons, par exemple, un harcèlement dans lequel on déplorait des insultes, des coups, et du cyber-harcèlement. La justice y répondait de façon dissociée pour chaque atteinte. Alors que, ce qui définit le harcèlement scolaire, c’est bien l’ensemble. Et du coup, on se retrouvait avec de nombreuses plaintes sans suite. » Désormais, la qualification globale devrait permettre des réponses plus fortes.

Des sanctions adaptées et constructives

« Pour autant, il est démagogique de dire que la loi va envoyer nos enfants en prison ! », tient à rectifier notre interlocuteur. « On sait que la justice des mineurs va adapter les peines. La loi a d’ailleurs prévu de nouvelles formes de peine, comme le stage de responsabilisation et de sensibilisation à la vie scolaire. » Le juge pour mineurs dispose donc d’une nouvelle sanction possible. Il peut aussi contraindre l’auteur des faits, voire sa famille, à un suivi thérapeutique.

On va privilégier la sanction constructive

On sait que, souvent, l’auteur de harcèlement scolaire est lui-même une ancienne victime, ou bien un jeune atteint d’un complexe physique ou intellectuel, et qui a besoin d’être accompagné. « Avec cette loi, on va finalement amener un enfant violent à une réflexion sur lui-même. En identifiant le problème à la source de son comportement, il sera possible de lui expliquer qu’il existe d’autres voies que la violence pour exprimer son mal-être. On va privilégier la sanction constructive. »

Les réseaux sociaux et les établissements scolaires responsabilisés

Le dernier article de cette nouvelle prévoit, également, de créer des obligations pour les plateformes numériques et les réseaux sociaux. « D’abord, ils devront collaborer avec les services de l’Etat. Ils auront obligation de mettre en œuvre des moyens d’information à destination des jeunes, sur les risques liés au harcèlement scolaire, et plus spécifiquement au cyber-harcèlement », nous signale Hugo.

Les établissements scolaires auront également des impératifs. « Ils devront indiquer dans leur règlement intérieur quels moyens ils comptent injecter dans la prévention et la sensibilisation sur le sujet. Ils devront également déclarer quel dispositif a été mis en place pour traiter tout signalement de harcèlement scolaire. »

Il est fondamental de rappeler que la harcèlement ne s’arrête pas, malheureusement, aux portes du bac

Une obligation qui ne concernera pas que les écoles publiques, mais aussi les établissements d’enseignement privés. « Et cela ne se limitera pas aux lycées, car la loi prévoit de l’imposer aussi aux universités. » L’idée étant de ne pas négliger la passerelle entre l’école et le monde des adultes. « Il est fondamental de rappeler que la harcèlement ne s’arrête pas, malheureusement, aux portes du bac. La spécificité du harcèlement en université, c’est que l’on est sur une forme hybride. On y observe une transition entre des formes de harcèlement scolaire et un début de harcèlement au travail, notamment moral » détaille le président de l’association.

La notion de harcèlement scolaire, telle qu’elle est définie dans cette nouvelle loi n’oublie pas le rôle majeur des adultes qui exerce leur activité professionnelle dans les établissements scolaires. « Lors de la navette parlementaire, les sénateurs craignaient que ce texte ne s’attaque aux enseignants. C’est faux. On n’attaque personne, mais on met au même niveau d’engagement les élèves et les adultes, y compris les professions non-enseignantes. Tout le monde est impliqué dans un objectif zéro tolérance. », précise-t-il.  

Pour justifier cette action globale, Hugo Martinez rappelle le cas de Evaelle. La collégienne âgée de 11 ans s'est suicidée le 21 juin 2019 à la veille des vacances scolaires. La jeune fille aurait été harcelée notamment par sa professeure de français. Celle-ci a été mise en examen. « Sans cette loi, si une telle affaire se reproduisait, on pourrait sanctionner les enfants, mais pas l’adulte. Désormais, tout le monde est responsabilisé. »

Convaincre les candidats à l’élection présidentielle

A ce sujet, les militants et les élus qui ont soutenu ce texte, porté notamment par les députés du Rhône Blandine Brocard (Modem), Anne Brugnera et Jean-Louis Touraine (Lrem) annoncent justement leur volonté d’aller plus loin, considérant que le harcèlement scolaire dépasse le seul périmètre de l’Education nationale.

« Ce délit est, finalement, la première pierre de l’édifice de la reconstruction, qui permet d’envisager un après. Lors de la prochaine magistrature, on envisage notamment de créer un parcours de soins coordonné par la Sécurité sociale, pour financer l’accompagnement thérapeutique. » L’équivalent, pour les victimes et les familles, d’environ 500 euros par mois.

Ce texte devrait donc être une base de nouveaux travaux, notamment pour financer des centres thérapeutiques. Pour convaincre les futurs élus, un suivi des effets de cette nouvelle loi aboutira à un rapport qui sera soumis, justement, au Parlement, pour justifier de nouvelles mesures d’accompagnement. C’est ce que l’association Hugo ! appelle son « Manifeste », dans lequel sont avancées cinq propositions, parmi lesquelles la création d’un organisme interministériel, ou encore l’idée de faire de la lutte contre le harcèlement une grande cause nationale.

L’objectif, c’est que le thème de l’enfance revienne à la table des débats, ainsi que la santé mentale

En attendant cette prochaine mandature, les candidats à la Présidentielle, notamment, seront bientôt questionnés. « On a pris contact avec leurs équipes de campagne pour les rencontrer. On envisage de créer une série numérique. Chaque épisode permettra d’interroger un candidat pendant 10 minutes. On cherche juste un diffuseur » confie Hugo Martinez, qui semble avoir pris goût au combat politique.

La rumeur annonce qu’il serait, lui-même, candidat aux prochaines législatives dans la 2ème circonscription de Lyon, ce qu’il ne confirme pas officiellement. « L’objectif, pour l’heure, c’est que, dans les prochaines semaines, le thème de l’enfance revienne à la table des débats, ainsi que la santé mentale, aggravée par le Covid. Il ne faudrait pas déjà l’oublier » répond l'intéressé.

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