Le 3 septembre 1944, les soldats français et américains avec l'appui des Forces Françaises de l'intérieur libéraient la totalité de la ville de Lyon. Des vainqueurs acclamés par les Lyonnais sous les yeux d'un photographe amateur Emile Rougé.
C'était un dimanche mais ce n'est pas la météo de ce 3 septembre 1944 que les témoins auront retenue. Depuis la veille, la libération de la capitale des Gaules a commencé. La première division blindée aidée de soldats américains, des Forces Françaises de l'Intérieur et des Forces Francaises Libres mènent l'assaut. Le 2 septembre les FFI livrent une dure bataille face à l'occupant avec de lourdes pertes et de gros dégats matériels. La préfecture et l'hôtel de ville sont repris et le drapeau français y est hissé. En fin d'après midi, les Allemands se retirent et évacuent la ville, non sans avoir fait sauter la quasi-totalité des ponts sur le Rhône et la Saône. Mais il faudra attendre les derniers combats le dimanche au petit matin pour que les forces de libération se rendent maitres de la rive droite du Rhône. Le dôme de l'Hôtel-Dieu est touché par des tirs. Et enfin en fin d'après-midi, les fusiliers-marins du général Brosset peuvent entrer dans la ville.
Une ville meurtrie
Les semaines et jours précédents la libération ont été terribles pour les résistants. Le 27 juillet, les Allemants abattus 5 résistants dont le jeune Gilbert Dru, en public place Bellecour après l'explosion d'une bombe dans un café qui n'avait fait que des dégats matériels. En août après le débarquement en provence, tous les prisonniers de Montluc sont fusillés dans une trentaine de commune de l'agglomération. Alors le 3 septembre, la joie déferle dans les rues.
Et parmi les témoins de ces heures, Emile Rougé. Il a 44 ans, il travaille aux "chemins de fer" et depuis quelques années déjà, avant la guerre, Emile s'est pris de passion pour la photographie. Au début des années 30, il a acheté un Rolleiflex en Suisse et photographie la vie quotidienne de sa ville d'adoption. Après sa démobilisation, les restrictions matérielles et les interdictions de circuler restreignent sa pratique. Alors le 2 septembre, sa liberté de circuler retrouvée avant celle de sa ville, Emile court, cadre, déclenche et met en boite l'arrivée des soldats et des résistants et la liesse des habitants.
Le clin d'oeil de l'ancien cheminot au feutre et au noeud papillion.
Pour la directrice du Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon, Isabelle Doré-Rivet :
Ce qu’on garde aujourd’hui au travers de ces photos, c’est la phase lumineuse de cet événement. C’est ce que les photographes de l’époque ont capté. Les images sont émouvantes et sont à mettre au regard des quatre années terribles qu’ont vécu les Français, les Lyonnais. Et surtout le terrible été 1944. L’été où la répression allemande après les débarquements de Provence et de Normandie devient féroce, où la traque des Juifs continue et où la population doit subir le pire en terme de ravitaillement. Donc ce sont quatre ans de tension qui s’envolent d’un coup.
Mais ces images ne sont qu’une phase de la réalité. Il faut s’imaginer ces familles sans nouvelles de leurs prisonniers de guerre, dont des membres ont disparu. Ce qu’espèrent ces gens qui se réjouissent d’être libérés, c’est un retour de la vie quotidienne normale notamment un ravitaillement normal. Et cela ne va pas du tout se passer comme cela. Les cartes de ravitaillement vont perdurer jusqu’en 49. Donc cela fera presque 10 ans de restrictions qui vont marquer toute une génération. Des difficultés aussi de communications, puisque tous les ponts ont été détruits. Dans une ville avec deux cours d’eau, c’est extrêmement difficile de circuler. Des difficultés de logements après les bombardements. Il faudra environ 4 ans pour pouvoir reloger les gens. Aujourd’hui 75 ans plus tard, c’est une histoire qui s’éloigne. Cette transmission de témoins directs de l’époque qui se faisait dans les familles n’existe plus. Elle est portée désormais par l’école, par des commémorations comme celle de ce 3 septembre 2019 mais aussi par des institutions muséales qui conservent un patrimoine lié à cette Histoire.
Le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation possède notamment un fonds de 700 témoignages enregistrés de ces témoins aujourd’hui disparus qui peut servir de source aux chercheurs mais aussi au grand public.