Appelée "connerie du siècle", "fausse bonne idée" ou "autoroute des vacances", la jonction des autoroutes A6 et A7 à Lyon focalise l'attention en plein débat sur l'extension des zones à faibles émissions. Source de pollution, ces deux autoroutes qui se rejoignent en plein centre, sont au cœur de la problématique.
En faisant construire, dans les années 70, une autoroute urbaine, Louis Pradel, le maire de l'époque, rêvait de "l'exploit d'une traversée de Lyon sans feu rouge entre Paris et Marseille". Il pensait que les touristes feraient escale dans la ville et dynamiseraient l'activité économique.
Las ! L'histoire retiendra une énorme erreur.
Avec l'augmentation de la population et du nombre de véhicules, le tunnel devient vite un entonnoir. L'été, Lyon rime avec bouchons. Michel Noir, maire de la ville de 1989 à 1995, qualifiera même l'ouvrage de "connerie du siècle". C'est sous son mandat que la rocade Est voit le jour, "pour faire sauter le bouchon de Fourvière". Mais, malgré sa création, le trafic ne cesse d'augmenter, à l'est de la métropole comme en plein centre de Lyon.
D'autoroutes à boulevards urbains
Sous l'ère Collomb, après des années de négociations, l'autoroute urbaine est officiellement déclassée en 2017. Le président de la métropole explique à l'époque que ce dossier "majeur d'intérêt général va compter pour les générations futures".
Des esquisses de ce à quoi pourrait ressembler l'ancienne autoroute sont fournies par la métropole. Vois de circulations réduites, créations de trottoirs, de pistes cyclables, les autoroutes s'appellent "boulevards urbains".
"Un éléphant dans la pièce"
À partir de ce moment, la vitesse est réduite pour passer de 110 à 90 puis 70 km/h. En juillet 2024, les radars installés le long des voies sanctionnent les véhicules qui ne respectent pas la voie de gauche qui sert uniquement au covoiturage.
Et depuis ? Depuis : plus rien, ou presque. Lors du conseil métropolitain de décembre 2024, l'ancien président de la métropole, David Kimelfeld, égratigne la majorité écologiste.
Il y a un éléphant dans la pièce. Cet éléphant, c'est l'A6/A7 qui défigure notre territoire, qui sépare nos quartiers, qui pollue nos poumons, nos oreilles et nos yeux. L'ancienne majorité avait obtenu une avancée avec le déclassement. Depuis, vous avez abandonné le débat.
David Kimelfeld, président du groupe : "Social, démocrate et progressiste"
Il enfonce le clou en expliquant : "vous pourrez dérouler tous les kilomètres de pistes cyclables que vous voulez, toutes les lignes de tramway, piétonniser la moitié de la métropole, végétaliser l'autre que vous n'aurez pas réglé ce problème vital".
"L'État continue de décider"
Une interpellation publique qui en dit long sur le rapport des Lyonnais face à cette traversée asphaltée en plein cœur de ville.
Réponse du berger à la bergère, l'actuel président écologiste, Bruno Bernard, tacle son prédécesseur, "la négociation pour ce déclassement n'a pas été faite correctement", selon lui.
Il n'y a pas eu un seul euro de compensation pour ce transfert, alors que l'infrastructure est vieillissante comme l'autopont de La Mulatière. L'État continue de décider de ce que l'on peut faire et ne pas faire. Pour mettre un feu rouge, par exemple, nous ne pouvons pas sans l'autorisation de l'Etat.
Bruno Bernard, président (EELV) de la métropole de Lyon
Des travaux gigantesques
Pour Jean-Charles Kohlhaas, le vice président aux mobilités, il faut "trouver les aménagements pour réduire le nombre de véhicules". Il explique que les enjeux sont énormes et les budgets considérables. Il faudrait, selon lui, reconfigurer les échangeurs, déconstruire l'autopont de La Mulatière, refaire les évacuations des eaux usées... Des travaux gigantesques et onéreux.
Des études sont lancées pour réduire encore la vitesse à 50km/h, installer un feu rouge à la Saulaie ou réduire les voies de circulation. Elles sont de trois aux entrées de Lyon et plus que deux sous Fourvière.
Jean-Charles Kohlhaas, vice président (EELV) à la métropole de Lyon
"Comme la plomberie"
Toujours selon l'élu, spécialiste des transports, les flux de circulation, "c'est comme la plomberie. Si vous ouvrez le robinet, l'eau s'engouffre, si vous fermez le robinet, l'eau ne passe plus".
Chaque jour à Lyon entre 100 et 120 000 véhicules transitent par les autoroutes qui s'appellent désormais M6 et M7, comme "métropolitaines".
Un trafic majoritairement local qui vient asphyxier la métropole.