Les deux gérants qui avaient porté plainte contre leur assureur, estimant que celui-ci ne tenait pas ses engagements contractuels concernant les pertes d'exploitation dans un contexte d'épidémie, ont été déboutés par le tribunal de commerce de Lyon.
Le jugement du Tribunal de commerce de Lyon déboute les deux restaurateurs qui tiennent le Bacchus à Lancié (Beaujolais). La nouvelle est dure à avaler pour David Genillon et Valérie Nassi qui espéraient que leur demande aboutirait favorablement.
Dans son jugement, le tribunal estime que "l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitations consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion". La décision est motivée par le fait, stipule le jugement, "que la clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et qu'elle répond au caractère formel de l'article L113-1 du Code des assurances."
En clair, les deux co-gérants peuvent retourner à leurs fourneaux quand cela sera de nouveau possible, après la pandémie...
" Un jugement qui laisse complètement abasourdi parce que ce qui a été jugé à Lyon est radicalement le contraire de ce qui a été jugé à Paris et Marseille", regrette Me Jean-Jacques Rinck, l'avocat des deux restaurateurs. Un jugement qu'il estime contraire à l'intelligence.
Rappel des faits : à Lancié (Rhône), un village du Beaujolais, David Genillon et Valérie Nassi, tous deux gérants du "Bacchus", un petit restaurant dans le centre du village, réclamaient depuis l’été dernier 25 000 euros à leur assureur, la compagnie AXA. Cette dernière avait refusé de les indemniser pour leurs pertes d’exploitation, ce malgré la garantie «épidémie» inscrite dans leur police.
C’est notamment en s’appuyant sur un jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 septembre dernier, que les deux Caladois ont vu rouge. La juridiction parisienne avait donné raison à cinq restaurateurs qui réclamaient à leur assureur, AXA, la prise en charge de leurs pertes d’exploitation liées au Covid. «La clause d’exclusion que [l’assureur] opposait aux restaurateurs [n’était] pas légale», rappelait leur avocat, Me Guillaume Aksil, en évoquant la décision du tribunal. L’assureur, condamné à verser au total 240 000 euros à leurs clients, avait fait appel de la décision.
Aujourd’hui, la décision du tribunal de commerce de Lyon était d'autant plus attendue que suivie de très près par bon nombre de professionnels de la restauration. Car derrière l’action de David Genillon et Valérie Nassi, pourraient ou pouvait surgir une masse d’affaires similaires, basées sur la jurisprudence du TC de Paris.
Quand le désarroi se mue en colère
David Genillon et Valérie Nassi pensaient être couverts par leur contrat «multirisque professionnel» souscrit chez Axa, assurant la perte d’exploitation en cas de «fermeture administrative (…) conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication», tel que libellé dans leur contrat. Mais quel est leur désarroi lorsqu’ils demandent une indemnisation de 17 000 euros, et que l’assureur refuse. Ce dernier fait valoir une clause d’exclusion figurant dans le contrat : «l’épidémie ne doit pas frapper d’autres établissements mais se limiter à leur seul restaurant». Alors, le désarroi se mue en colère.A l’époque, ils disaient se sentir arnaqués. Et Valérie Nassi de poser la question à voix haute, en forme d’accusation : «Le mot épidémie est marqué en toute lettres sur le contrat, or, une épidémie ne peut pas être astreinte à un seul établissement. Pour nous, c’est une escroquerie». Pour leur leur avocat, Me Jean-Jacques Rinck, on est clairement face à «une clause abusive, un tour de passe-passe contractuel car l’épidémie est expressément garantie». De son côté, la défense de l’assureur arguait que son client «n’est pas un mauvais payeur. [Jugeant] la clause d’exclusion parfaitement valable quand plusieurs établissements sont touchés et [qu’] il s’agit d’une fermeture collective, [Ce qui dispense] AXA de couvrir les pertes d’exploitation».
Ce mercredi, les deux restaurateurs sont condamnés à payer 350 euros au titre des frais d'avocat de la partie adverse. Les co-gérants de Bacchus devraient faire appel, ont-ils laissé entendre en présence de leur avocat.