Après une dizaine d'années de silence littéraire, l'écrivain québécois qui vit à Lyon, Alain Turgeon, revient avec "En mon faible intérieur" aux éditions la fosse aux ours. Si l'on aime les mots, voilà un bon conseil de lecture. A se procurer dans son magasin essentiel, sa librairie.
Une dizaine d’année sans donner de nouvelles et revoilà le plus lyonnais des écrivains québécois qui refait surface. Alain Turgeon cultive une fois encore l’autofiction dans « En mon faible intérieur » aux éditions la fosse aux ours. Et à l’intérieur de l’auteur, on y pénètre si l’on ose l’écrire. Dans sa tête et ses circonvolutions.
Avec son éternel regard cynique sur lui-même - et qui de plus critique que soi-même - il nous narre sa « tentative » de sortie de son éthylisme. Et l’on se marre. Il nous décortique un nouvel échec amoureux avec une jeune asiatique, et on se dit que c’était un peu prévisible. Il nous expose la peine à voir peu son fils dont son ex-compagne a la garde, et l’on compatit. Sans parler de la réapparition dans son radar d’un père qu’il croyait disparu !
Tordre la langue pour se déjouer de la vie
Le beau gosse, à la cinquantaine arrivée, se pose moins dans les récits turgescents qu’on lui a connus dans le passé. Mais ce personnage à la Droopy, est un joueur du lecteur. Ses faiblesses intérieures pourraient nous faire lâcher l'exposition de ces petits malheurs de l’homme moderne occidental. Mais sa botte secrète est celle des mots qu’il tord. Jeux de mots, détournement de sens, avec un fond de sirop d’érable dans le choix des expressions. Et voilà l’homme qui se présente un peu minable transformé en véritable superman de la langue dont on se délecte.
L’homme n’est pas dupe :
C’est vrai que si la relation écriture littérature me permet de m’imaginer mort et assez grandiose, la vie, elle, me ramène souvent au fait qu’en réalité je suis vivant et assez minable.
Alors il joue tout de go de son ego :
J’aime bien me faire accroire que je fais partie de cette chanceuse petite élite qui sait d’un coup de son œil séparer le beau de l’ivraie, ça me flatte mon ego dans le sens de son poil et ça coûte pas cher d’être prétentieux en secret.
Au milieu de vapeurs d’alcool dont l’auteur tente d’émerger, on se dit que son cerveau pourrait être un peu ralenti. Mais que nenni. Alain Turgeon semble ne jamais faiblir du ciboulot avec une pression jamais relâchée dans le choix des mots.
On se dit que l’air lyonnais et la fidélité à son éditeur, tout aussi des bords du Rhône et de la Saône, nous ont régénéré la plume de ce gars ben ordinaire.
« En mon faible intérieur » d’Alain Turgeon, éditions la fosse aux ours