C'est au départ une simple affaire de cambriolage qui pourrait bien devenir une question de société : un logiciel de reconnaissance faciale aurait été utilisé lors d'une enquête pour confondre un suspect à partir d'une image de vidéo-surveillance, soulevant la colère de son avocat.

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Les faits remontent au 5 septembre à Corbas (Métropole de Lyon) dans la zone industrielle. Un cambriolage a lieu à l'intérieur d'une société de transports. Sur les images de vidéo-surveillance, 3 hommes sont repérés par les enquêteurs : un complice qui travaillait dans l'entreprise et qui a actionné un badge, et deux suspects. Les deux voleurs se sont emparés d'un camion et de plusieurs objets. 

Parmi ces deux suspects, il y a Hedi H., 28 ans, bien connu des services de police avec 16 accusations portées sur son casier judiciaire. Selon son avocat Me Hervé Banbanaste, c'est un logiciel de reconnaissance faciale qui aurait permis aux enquêteurs de le confondre.
 

Quel logiciel utilisé ?


"C'est une affaire étonnante, on a un algorithme, un robot, qui identifie un suspect et donne un nom" s'interroge l'avocat. Le nom du logiciel, sa version, ses utilisateurs ou encore son créateur sont inconnus à ce stade. "Quelles garanties a-t-on ? On n'a même pas le nom du logiciel, c'est grave ! C'est extrêmement inquiétant pour les libertés publiques. C'est le robot accusateur. J'ai déjà posé la question au parquet. Dans le dossier, il n'y a rien." dit-il. L'avocat se demande surtout quels sont les critères, l'homologation, voire la version du logiciel utilisé ?
 

"C'est 1984 de Georges Orwell !"


"Mon client risque la prison, mais le dossier est vide". Dans la procédure actuelle, il n'y aurait aucune trace ADN, aucune empreinte digitale ou élément de preuve classique. Seule la vidéo-surveillance serait utilisée avec le mystérieux logiciel. "Le mode de preuve est libre en matière pénale, mais il ne doit pas être illicite" précise l'avocat pour qui l'utilisation de ce programme informatique pourrait être illégale puisqu'on ne peut pas vérifier la validité du logiciel. Me Banbanaste ajoute : "Cette affaire dépasse largement le cas de mon client et concerne tout le monde".
 

"Il n'y a rien de choquant"


Pour Dominique Legrand, président de l'association AN2V (Association Nationale de la Vidéoprotection), "n'importe quel logiciel a pu être utilisé dans cette affaire. Il en existe plein, et tout le monde s'y met. Il y en a une cinquantaine dans le monde ! En France la société Idemia notamment s'en sort très bien."

Pour cet expert lyonnais, un tel logiciel est surtout un accélérateur du travail des policiers : "Je ne parle pas de reconnaissance faciale mais plutôt de comparaison faciale. Le visage est une empreinte donc il n'y a rien de choquant. Mais c'est un vrai sujet de société. La police ne peut pas travailler à cloche-pied. La seule réserve, c'est qu'il restera toujours un doute. Même avec 97 ou 98 % de certitude, il restera toujours un léger doute. Donc il faut absolument que le travail des enquêteurs continue avec les autres indices plus traditionnels, les témoignages, les preuves matérielles etc. Il ne faut pas que le logiciel bloque tout le reste de l'enquête. Il faut équilibrer le travail." Le cadre éthique et juridique reste aujourd'hui à fixer. 

Ce genre d'algorythme permet aujourd'hui d'aller encore plus loin : même cagoulé, un individu pourrait être reconnu avec un taux de fiabilité intéressant, grâce à la forme du nez ou l'écartement des yeux.   
 

Le procès reporté


Le procès de Hedi H. a été reporté au 31 octobre au Tribunal Correctionnel de Lyon. Il sera seul à la barre : le deuxième suspect repéré sur les images de vidéo-surveillance n'a, lui, pas été reconnu par le logiciel de reconnaissance faciale.
Quelques logiciels déjà connus
 
  • L'algorithme Gaussian-Face développé dès 2014 par des chercheurs de l'université de Hong Kong, avec des scores d'identification de 98,52% contre 97,53% pour les humains
 
  • Aux Etats-Unis la justice a utilisé un système de reconnaissance faciale baptisé FACES (Face Analysis Comparison Examination System), qui s’appuie sur une base de données de plus de 33 millions de photos de permis de conduire et de photographies judiciaires
 
  • En 2014 Facebook annonçait le lancement de son programme baptisé DeepFace, capable de déterminer si deux visages photographiés appartiennent à la même personne
 
  • ​En juin 2015, Google lance FaceNet, nouveau système de reconnaissance faciale. Avec un réseau neuronal artificiel et un algorithme, la firme est parvenue à rapprocher un visage et son propriétaire à la quasi-perfection
 ​
  • En mai 2018, Ars Technica annoçait qu'Amazon faisait la promotion de son service de reconnaissance faciale basé sur le cloud, appelé Rekognition, auprès des forces de l'ordre
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