La loi contre le séparatisme - rebaptisée loi confortant les valeurs de la République - a été présentée ce mercredi 9 décembre en Conseil des ministres. Kamel Kabtane, recteur de la Grande mosquée de Lyon, était l'invité d'"Entre-deux" sur France 3 Rhône-Alpes, pour réagir à ses dispositions.
Le terme de séparatisme, même s'il n'a finalement pas été retenu dans la version finale du projet de loi "confortant les valeurs de la République", interpelle le responsable de la Grande mosquée de Lyon. "Quand on parle de séparatisme, je me demande qui veut se séparer de qui...", indique Kamel Kabtane. "Mais s'il s'agit de travailler avec la communauté musulmane, et non pas contre elle, pour faire évoluer les choses, alors nous l'acceptons."
Le texte prévoit d'inciter les associations cultuelles - bien souvent associations loi 1901 - à s'inscrire sous le régime de la loi de 1905 de séparation des églises et de l'Etat. "Depuis quelques temps déjà, le Conseil des mosquées du Rhône - que je préside - invite les mosquées adhérentes à choisir cette option pour assurer une transparence financière", explique Kamel Kabtane. "La loi de 1901 était commode lorsqu'une mairie voulait mettre à disposition des locaux ou du matériel ; maintenant, les mosquées se construisent et fonctionnent grâce à la générosité des fidèles."
Transparence financière et indépendance politique
D'ailleurs, si la loi est votée, les aides matérielles et les subventions seront conditionnées à la signature, par les bénéficiaires, d'un contrat d'engagement sur les valeurs de la République.La loi vise à contrôler l'indépendance financière et donc politique des lieux de culte : les dons étrangers de plus de 10.000 euros devront être déclarés. Pour le recteur de la mosquée de Lyon, ce n'est pas un motif d'inquiétude : "Nos mosquées n'adhèrent à aucune fédération nationale... Aucun consulat, aucune institution étrangère ne vient nous imposer des règles" .
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a récemment envoyé un signal fort avec une vaste opération de contrôle de 76 mosquées en France. Kamel Kabtane refuse d'y voir une chasse aux sorcières : "Nous sommes dans un pays de droit et je pense que le ministre ne peut intervenir que dans ce cadre-là : s'il y a des situations qui ont été signalées, il est dans son bon droit... Si c'est de la communication, ça ne peut pas être accepté."
Une habilitation des imams ?
Les imams pourraient, eux aussi, être contrôlés de près : un projet de Conseil National des Imams, confié au Conseil Français du Culte musulman, serait chargé d'accorder des agréments. Une éventualité que le président des mosquées du Rhône rejette catégoriquement : "Pour labelliser les imams, il faudrait déjà être légitime ! Le CFCM n'a pas la reconnaissance de la base, il n'a d'autre légitimité que celle de représenter des pays étrangers : Algérie, Maroc, ou Turquie".Pour autant, Kamel Kabtane ne se satisfait pas de la situation actuelle : "L'importation d'imams venant de l'étrangers (NDLR : sur 2000 imams en France, il y a 300 imams "détachés", envoyés par les pays d'origine) pose des problèmes, ne serait-ce que de compréhension, de connaissance du contexte français."
Des imams "made in France"
Pour lui, la priorité doit être donnée à une solide formation : "Avec l'Université Lyon-III, nous avons mis au point un cursus qui sera proposé dès janvier 2021, pour former les imams de demain, mais également pour assurer la formation permanente des imams qui sont en exercice". Le programme prévoit une approche pluridisciplinaire pour former des imams qui sont aussi des citoyens : "Il faut qu'ils aient les compétences nécessaires en matière théologique, mais aussi la connaissance des institutions de notre pays, des autres religions, et de la sociologie de l'environnement dans lequel ils vont exercer leur fonction."Pour faire barrage aux prédicateurs radicaux et aux imams autoproclamés, il est aussi nécessaire de créer un véritable statut: "Aujourd'hui, nos imams sont bien souvent des gens qui viennent donner un coup de main, qui sont bénévoles", explique Kamel Kabtane. "Il faut travailler là-dessus, et ça, c'est notre responsabilité."