Le projet Presqu'Ile à Vivre porté par la majorité écologiste de la Métropole de Lyon va bouleverser la physionomie de la rive droite du Rhône, en plein coeur de Lyon. D'ici 7 ans, le trafic automobile devra se contenter de la portion congrue pour "laisser la nature exister en ville" et donner enfin corps à la boutade d'Alphonse Allais : construire les villes à la campagne...
Presqu'Ile à Vivre : c'est le nom générique du grand projet de la Métropole de Lyon sur le réaménagement de la circulation sur la rive droite du Rhône. Un projet à vivre sauf pour les automobilistes dont la majorité écologiste veut réduire le nombre depuis 2020.
Au coeur de ce projet d'envergure, le réaménagement de la rive droite du Rhône, rendu public par la Métropole ce 7 juin 2023. L'affaire concerne les 2,5 km de quais entre les ponts de Lattre de Tassigny (quartier Perrache) et Gallieni (entrée du tunnel de la Crois-Rousse).
80 000 véhicules circulent chaque jour dans les deux sens sur cet axe majeur du centre de Lyon, déjà régulièrement encombré malgré ses 2 X 4 voies. On n'ose imaginer les bouchons lorsqu'à terme, il ne subsistera en tout que trois voies de circulation automobile. Les quais seront "métamorphosés et transformés en lieu de vie sociale, de loisir et de biodiversité" d'après la vision du projet Rive Droite.
Laisser la nature exister en ville
Voilà l'objectif majeur du projet : donner à cette partie de la Presqu'Ile, en bord de fleuve, un air de nature retrouvée. Une fois les voitures évincées ou presque, les piétons seront les nouveaux maîtres de cet espace urbain. Une promenade-jardin remplacera la plus grande part des tapis de bitume, 1200 arbres seront plantés afin dit le projet "qu'on ne soit pas à plus d'une minute d'une zone ombragée, qu’on se déplace à pied ou à vélo". L'idée est de créer un corridor de fraîcheur verte "favorable au déplacement des oiseaux et des chauve-souris".
Trois niveaux de quai seront aménagés. Au ras de l'eau, quatre terrasses (pont Morand, Grolée, Hôtel Dieu et place Antonin Poncet) seront dédiées à la détente, on pourra boire et manger, faire jouer les enfants ou pratiquer un sport de plein air. Sur la partie haute du quai, neuf belvédères surplomberont le fleuve, pour que les promeneurs puissent en l'admirant rêver de l'Amazone...
Et entre les terrasses pied dans l'eau et les vues plongeantes sur les remous du Rhône, un niveau intermédiaire dont le projet ne dit rien de particulier. En revanche, on sait avec certitude que les bus bénéficieront sur ce tronçon rive droite de sites propres. Même chose pour les vélos tandis qu'on prévoit le renforcement du trafic de navettes fluviales, en particulier pour les livraisons de marchandises en coeur de ville.
Un hiver nucléaire pour les automobilistes
S'il est clair que les piétons, les cyclistes et les chauves-souris vont gagner en confort de vie, les automobilistes eux vont entrer dans un hiver nucléaire dont ils ne pourront émerger qu'en désertant la ville...
Il ne leur restera en effet que deux voies de circulation dans le sens nord-sud et une seule en sens inverse. Limitées à 30 km/h évidemment. Les trémies du pont Morand et de l'Hôtel Dieu seront couvertes pour laisser place aux pistes cyclables et aux voies piétonnes. "On attend une baisse de la circulation automobile et un report sur les autres modes de déplacement" s'enthousiasme Béatrice Vessiller, vice-présidente à l'urbanisme à la Métropole de Lyon.
"C'est notre projet..."
"Pour un certain nombre d'automobilistes, on attend un report sur d'autres trajets. Mais tout ça est calibré pour que la Presqu'Ile reste accessible à tous les modes de transport. On est parti sur une page blanche en début de mandat et c'est notre grand projet" conclut Béatrice Vessilier, paraphrasant (à son corps défendant) Emmanuel Macron lors de la campagne électorale de 2017.
Moins de place pour les voitures, ça sous-entend aussi davantage de difficulté pour se garer. Le stationnement de rue sera supprimé côté fleuve mais "les accès aux parkings publics de la Presqu'Ile seront maintenus". Soulagement...
Evidemment, un projet d'une telle envergure ne va pas se réaliser sans provoquer de gros remous, et pas seulement dans le lit du Rhône. Selon le calendrier présenté par la Métropole de Lyon, une concertation et des tests in vivo (cheminements, mobilier urbain,etc) auront lieu en 2024, avant que les travaux n'attaquent pour de bon en 2025.
Au plan politique, Rive Droite ne fait pas l'unanimité. Yann Cucherat, conseiller municipal d'opposition et président du groupe Pour Lyon, et Louis Pelaez, président du groupe Inventer la Métropole de Demain s'interrogent publiquement après la présentation du projet . "Où sont les études d’impact sur les flux de mobilités ? Où sont les analyses en matière de retombées économiques pour les commerçants ? En leur absence, il est impossible de dire si ce projet de requalification est viable pour la vitalité commerciale de la Presqu’Île ou pour réussir l’évaporation du trafic recherchée sur cette rive droite du Rhône".
Des commerçants attentifs et partagés
Particulièrement concernés par cette (r)évolution annoncée, les 1500 commerçants de la Presqu'Ile sont pour l'instant attentifs et prudents. "C'est un projet magnifique et ambitieux mais les temps de travaux, qui s'annoncent lourds et longs, nous inquiètent forcément un peu" nuance Clément Chevalier, président de l'association My Presqu'Ile. "Les commerçants ont des points de vue différents sur ce réaménagement de la rive droite, tout dépend de leur type d'activité. Les propriétaires de boutiques de décoration, d'aménagement, de produits encombrants ou de très grande valeur sont forcément plus inquiets. Mais nous sommes tous conscients que les modes de vie, de consommation et de déplacement changent, et nous nous y adaptons. Par ailleurs, nous avons été associés à ce projet dès le départ donc pour l'instant, nous avons l'impression que nos avis sont pris en compte. Mais nous resterons évidemment très impliqués et très vigilants jusqu'à l'aboutissement complet du projet". Et Clément Chevalier rappelle que 20% des clients en Presqu'Ile viennent faire leurs courses en voiture.
Début des travaux en 2025
Les travaux sont prévus en 3 phases d'ici 2030. La première salve sera réalisée d’ici 2026. Au programme, la création d'un jardin terrasse au niveau du quartier Grôlée, le premier tronçon de la balade au bord de l’eau entre les ponts Wilson et Lafayette, et la réalisation de la Voie Lyonnaise Vélo numéro 6. Le budget total du réaménagement Rive Droite est de 30 millions d'euros, plus de la moitié du budget total de l'opération Presqu'Ile à Vivre qui atteindra les 55 millions.