Face au dérèglement climatique, les pépiniéristes du Rhône doivent s'adapter et nos jardins vont changer. Désormais, on recherche des espèces capables de s'adapter au manque d'eau et aux fortes chaleurs... quitte à cultiver des plants originaires de Nouvelle-Zélande ou du Mexique.
Moins 59% de précipitations entre 1991 et 2021, c'est une réalité qui nous impose de nous adapter. Et dans nos jardins quoi planter ? A la Pépinière Simavert, à Simandres près de Lyon, Pierre Perrin déambule au gré des allées. Voilà plus de trente ans que cet homme cultive des plantes ornementales. "J’ai repris l’exploitation de mes parents. Petit, je les aidais déjà", raconte-t-il. Au fil des années, ses serres ont beaucoup changé. Des espèces ont dû être abandonnées, et d’autres se sont ajoutées. "Je cultive même des plantes que je ne connaissais pas il y a dix ans !", lâche-t-il, un brin rieur. Il a fallu prendre en compte le dérèglement climatique.
Des plantes originaires de Nouvelle-Zélande, Nouvelle Calédonie, Mexique...
Le mois d’octobre 2022 semble symptomatique de ces changements météorologiques. La région a connu des records de température, et le thermomètre a même frisé les 25°C par endroits. Autant de facteurs inédits qui conduisent les pépiniéristes à adapter leurs cultures. Dans les serres de Pierre Perrin, il y a désormais des plantes méditerranéennes, mais aussi des espèces venues de bien plus loin. Il lance : "Nous cultivons des Phormium, aussi appelés lin de Nouvelle-Zélande !"
Du lin de Nouvelle-Zélande donc, à côté des plants de Yucca qui poussent habituellement au Mexique, ou encore des Pittosporum qui se trouvent généralement en Nouvelle-Calédonie. Le pépiniériste reprend : "Ce sont les plantes qui s’acclimatent le mieux à la chaleur, et qui demandent moins d’eau… Et les clients en réclament de plus en plus !"
J’essaye de planter des arbres fruitiers moins classique, des jujubiers, des oliviers, des amandiers, des pistachiers
Valentine Prinet, Pépiniériste Collonges-au-Mont-d'Or
Une croissance dépendante des saisons
Valentine Prinet, pépiniériste au Jardin comestible de Collonges-au-Mont-d'Or, se lance, quant à elle, dans la "recherche" de nouvelles espèces à cultiver. "J’essaye de planter des arbres fruitiers moins classiques : des jujubiers, des oliviers, des amandiers, des pistachiers", explique-t-elle. Car la croissance des arbres, dépendante des saisons, est chamboulée par le dérèglement climatique. "Il faut trouver des plantes qui s’adaptent à la sécheresse, mais aussi aux gelées tardives, s’inquiète-t-elle. Ce n’est pas que ces gelées arrivent plus tard en hiver, c’est plutôt que les plantes, fortes d’un climat qui leur est favorable, débourrent plus tôt. Leurs bourgeons se développent donc de manière précoce au printemps."
Face à ces changements, Pierre Perrin observe sans cesse la météo et tâtonne : "Dans mon cas, ce n’est pas tant la douceur de l’automne qui est un problème pour la végétation, mais plutôt la canicule et le manque d’eau prolongé de cet été." S’il pointe la sécheresse du doigt, les fortes pluies de septembre combinées aux températures quasi estivales d’octobre ont heureusement permis aux plantes de croître. Il conclut : "La seule incertitude reste l’hiver : s’il est précoce, alors les plantes ne pourront s’adapter à des changements si brusques."
Changer de méthode
Au-delà des nouvelles cultures, comment adapter les anciennes productions ? Pour les pommiers, les abricotiers, et tous les arbres fruitiers que Valentine Prinet a l’habitude de planter, il lui est maintenant nécessaire d’innover, de changer sa manière de cultiver. "Ce qu’il faut, ce sont des arbres qui ont des racines profondes, affirme-t-elle. Nous greffons les arbres sur des systèmes racinaires différents d’auparavant".
Mais il est parfois difficile de contrôler la croissance de ces cultures "habituelles" : "Prenons l’exemple des pommiers. Ces arbres requièrent un besoin en vernalisation, c’est-à-dire qu’ils nécessitent des heures de froid pour produire des fruits. Or, si l’hiver est doux, cela devient plus compliqué." Ses pommiers et ses poiriers ont déjà commencé à fleurir… Un phénomène inhabituel en automne. "Comme les saisons que nous vivons", conclut Valentine Prinet. Avant de repartir travailler dans son verger.