Premier rassemblement LGBT+ à Tarare, deuxième marche des fiertés à Saint-Matin-en-Haut, ce samedi 15 juin, les "prides" (fiertés) font campagne. Loin des grands centres urbains, la ruralité veut aussi afficher ses couleurs, malgré les menaces.
Pour la première fois, Tarare va accueillir un rassemblement des fiertés ce samedi 15 juin. Dans cette ville désindustrialisée de 10 000 habitants, située entre Roanne et Lyon et entourée de communes rurales, assumer son orientation sexuelle ou son identité de genre en public n'est pas une évidence.
"On a reçu des menaces"
"On évite les signes de tendresse à l'extérieur, on ne parle pas librement dans les bars car ici tout se sait. Alors, on se cache ou on descend à Lyon", explique Jess qui vit à Tarare depuis deux ans et participe à l'organisation de l'évènement. Pour les membres de la communauté LGBTQI+ (Lesbiennes, Gays, Bisexuel·le·s, Trans, Queers, Intersexué·e·s, Asexuel·le·s), l'adage "Pour vivre heureux, vivons cachés" est une réalité quotidienne.
Être LGBT en milieu rural, c'est plus difficile qu'en ville, car il n'y a pas de lieu. Résultat, on a des jeunes complètement isolés."
Jess, Tarare
Le rassemblement de ce samedi est coorganisé par l'association féministe "Plurielles", le collectif nouvellement formé "Pride Tarare" et l'association dédiée à la question de santé sexuelle "Nio Far". Rendez-vous est donné sur la Place du marché à 16 heures, avant la diffusion du film "PRIDE" au cinéma de la ville.
Sur les réseaux sociaux, l'annonce de l'évènement ne laisse pas indifférent. "On a encore reçu des menaces ce matin, il y a des contenus homophobes sous les articles qui parlent de notre rassemblement et toute notre campagne d'affichage a été arrachée dans les trois heures, détaille avec émotion Jess. La montée du RN délit les langues."
Sortir du placard, mais à quel prix ?
Pourtant, le collectif ne veut pas se laisser intimider. "Si on ne revendique pas nos droits, personne ne le fera pour nous. Marre de raser les murs et de subir des micro-agressions quotidiennes, s'exaspère Jess. Mais il y aura sans doute beaucoup de personnes masquées lors du rassemblement."
Je connais une personne qui viendra masquée au rassemblement, car tous ses collègues sont homophobes.
Jess, Tarare
Déjà en 2023, un rassemblement devait avoir lieu le 1er juillet à Tarare. Il aura finalement été annulé par la préfecture, à quelques heures du début des festivités. En cause : les tensions et violences urbaines après la mort de Nahel, adolescent abattu lors d'un contrôle routier.
"On est fiers d'être LGBT à la campagne"
Tarare n'est pas la seule commune rurale du Rhône à se parer des couleurs de l'arc-en-ciel. À une petite heure de route, Saint-Martin-en-Haut a pu organiser sa première marche des fiertés en 2023. Le village remet le couvert ce samedi 15 juin, avec une journée de festivités.
Dans cette commune rurale d'un peu moins de 4 000 habitants, les personnes LGBT, mais aussi les allié.es du secteur se donnent rendez-vous. "Ça s'est très bien passé l'an passé, on a eu environ 300 personnes", détaille Cyril, membre du collectif organisateur "Queer des Monts".
L'expression être au placard va très bien à la ruralité : les lieux safe [NDLR : sûr pour les personnes LGBT+] sont plus cachés, c'est davantage du bouche-à-oreille.
Cyril, Chazelles-sur-Lyon
"On veut revendiquer que le monde LGBT + ne se cantonne pas qu'à la ville, on est fiers d'être LGBT+ à la campagne", revendique-t-il. Les organisateurs abordent plus sereinement cette deuxième édition. "L'année passée, on avait eu des menaces et des tags comme "Pas de PD dans les Monts". Cette année, c'est plus calme et la gendarmerie s'est engagée à faire des rondes cette nuit", explique Cyril, qui assure cependant ne pas être "naïf " sur le risque d'actes malveillants et d'attaques homophobes.
À Saint-Martin-en-Haut, la journée se veut festive, revendicative, mais aussi éducative, avec des ateliers dans l'après-midi, "pour renseigner tout le monde, pas que les LGBT+, mais aussi les alliés et les parents."
Que ce soit dans les petites villes et les villages, ces évènements aux couleurs de l'arc-en-ciel rêvent d'un milieu rural plus inclusif et portent les mêmes revendications que les manifestations dans les grands centres urbains : rendre les personnes LGBT+ plus visibles, informer le grand public, combattre les discriminations et les violences…