"Je tombe de haut" : à Lyon, où la libération de la parole sur les abus sexuels dans l'Eglise a créé un choc dès janvier 2016, les catholiques accusent encore le coup face aux conclusions accablantes de la Commission Sauvé. Les fidèles étaient partagés en indignation et soulagement aujourd'hui.
Le rapport de la Commission présidée par Jean-Marc Sauvé, dévoilé ce mardi 5 octobre, n'en finit pas de faire des remous, notamment à Lyon. Les catholiques sont sous le choc... Rendues publiques ce mardi matin, les conclusions de ce rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase) depuis 1950, font état d'un phénomène "au caractère systématique". Bilan : 216.000 mineurs victimes.
Entre indignation et soulagement
"C'est bien que la vérité vienne au grand jour, la religion catholique, c'est la paix et l'amour entre les Hommes mais quand on voit tous ces crimes, je tombe de haut", s'indigne Yolande Ormancey, 63 ans. "J'attends de ce rapport que les criminels soient punis et qu'un soutien soit apporté aux victimes dont la vie a été abîmée", ajoute cette pratiquante venue prier à la Basilique de Fourvière.
Dans ce haut lieu du catholicisme de la capitale des Gaules, l'office s'est tenu ce mardi 5 octobre 2021 "dans des circonstances particulières", a rappelé le père Jean-Eudes Chavannat, appelant les fidèles à prier "dans un esprit de repentance".
"Il est extrêmement important de dire la vérité", assure Katagena, une enseignante polonaise de 26 ans, à la sortie de la messe matinale d'une autre église lyonnaise du VIIIe arrondissement. "Pour les victimes touchées par cet événement, cette catastrophe, c'est sûr que ça laisse des traces", déplore-t-elle, en évoquant la nécessité de "dire pardon" et assurant "garder confiance en Dieu".
"Le ménage qui doit être fait commence par l'Eglise, c'est très bien", lance d'une voix énergétique une autre catholique, Martine Buhrig, qui attend que "les autres institutions médicales, éducatives" fassent de même.
Affaires Preynat et Barbarin en toile de fond
Les retentissantes affaires Preynat et Barbarin ont déjà fortement déstabilisé la vie de la communauté catholique lyonnaise ces dernières années. En 2016, l'association La Parole libérée - dissoute depuis - dénonçait publiquement les agressions du père Bernard Preynat sur environ 70 jeunes scouts entre 1986 et 1991. Et reprochait au cardinal Philippe Barbarin, à l'époque archevêque de Lyon, ses silences. Il lui a été reproché de ne pas en avoir informé la justice alors qu'il avait eu connaissance de ces actes.
Bernard Preynat, défroqué, a été condamné en 2020 à cinq ans d'emprisonnement ferme. Quant au cardinal Barbarin, condamné en première instance en 2019 à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs, il a été relaxé en appel un an plus tard avant de quitter Lyon. Le Primat des Gaules a donné sa démission, acceptée par le Pape François.
Le recteur de Fourvière Yves Guerpillon, sollicité par des journalistes à la sortie de la messe, évoque la "résonance particulière" de ce phénomène à Lyon, "parce qu'on y est sensibilisé depuis longtemps" avec l'affaire Preynat. Le responsable, qui dit "rendre hommage à La Parole libérée, à son travail important, essentiel pour qu'on sorte de l'omerta", assimile ce mardi à "un jour de deuil, de tristesse, de souffrance en pensant à ces victimes, à tous ces enfants dont la vie a été brisée".
Pour Soeur Monique, 75 ans, de la communauté Jésus-Marie, tout près de Fourvière, "il faut prier à la fois pour les victimes et pour les prêtres". Les premiers "pour qu'elles ne restent pas enfermées avec leur souffrance", et les seconds "pour qu'ils cherchent une aide pour contrôler cette pulsion car c'est une maladie".
Virginie Racineau, catholique pratiquante de 46 ans, établit "une vraie connexion (entre cette histoire) et le fait que les prêtres ne peuvent pas se marier". "Comment l'Eglise catholique n'a-t-elle pu évoluer avec son temps ? Il n'y a pas ces problèmes chez les orthodoxes ou les protestants", souffle-t-elle avant d'assister à l'office matinal de Fourvière. "J'espère que (le rapport) mettra un terme à ces pratiques barbares, ça a le mérite d'être rendu public. Aux familles aussi d'être plus vigilantes".