Depuis le début du scandale sanitaire aux PFAS, dans le sud de Lyon, seule la consommation des œufs contenant ces substances per- et polyfluoroalkylées était interdite. La préfecture a recommandé pour la première fois de ne pas consommer les fruits et légumes dans un rayon de 500 mètres autour de l'usine, une décision un peu trop timide selon certains riverains.
Dans les jardins ouvriers d'Arkema, Amor Kabouche a un rituel. Il cueille la salade fraîche qu'il mettra dans son assiette "On appelle cela la chicorée dorée de Verone", détaille-t-il en coupant sa salade violacée. Installé sur un lopin de terre mis à sa disposition par l'industriel, ce jardinier n'a jamais cessé de consommer ses légumes, malgré les recommandations contraires de l'exploitant, propriétaire des jardins. Désormais, la préfecture du Rhône enfonce le clou, et lui recommande de ne plus manger choux de Bruxelles et autres salades du potager contaminé.
"Au lieu de recommander, il faudrait interdire carrément. Si on me dit que je n'ai plus le droit, j'arrête ! Ça fait 40 ans que je les mange mes salades alors, je continue tant qu'on ne me l'interdit pas" résume-t-il, pragmatiquement.
Ne plus consommer les fruits et légumes, ni d'utiliser l'eau des puits privés à moins de 500 mètres du panache de rejet de l'usine Arkema, cette préconisation des autorités vise "à limiter autant que possible l'exposition aux PFAS". Une demi-mesure pour Claude Badoil, ex-responsable des jardins ouvriers Arkema, "ils se couvrent" estime-t-il. "Ces légumes soit ils sont bons, soit ils ne sont pas bons."
La décision sanitaire a été annoncée après les résultats de l'étude environnementale de l'été 2023, 125 prélèvements effectués dans les jardins et les sols relevaient des taux en PFAS bien au-dessus des normes autour du site industriel.
Selon l'association bien vivre à Pierre-Bénite, ce nouveau périmètre de recommandation, dans un rayon de 500 mètres autour de l'usine, est incompréhensible.
"On s'est retrouvé avec des PFAS plus loin à Irigny, ou à Oullins, dans les jardins des écoles ou encore dans le lait maternel. Alors, on ne comprend vraiment pas cet avis, qui s'applique sur 500 mètres autour de l'usine, ça ne correspond à rien" juge Thierry Mounib, président de l'association.
À l'origine d'une plainte pour faire la lumière sur la pollution aux perfluorés, le maire Jérôme Moroge estime que ces recommandations sont un premier pas : "Nous sommes en attentes de réponses de la part de l'État. On avance, mais pas assez vite et j'ai l'impression que parfois, on se cale sur le calendrier de l'industriel et nous le regrettons. Je comprends que selon les avancées scientifiques, l'État ne peut pas apporter de réponses plus claires et plus rapides. Mais il y a quand même une prise en compte de la situation, car il y a deux ans, nous tirions la sonnette d'alarme, mais nous n'avions pas de réponses" rappelle l'élu.
Au total, 35 PFAS avaient été analysés sur plus de 125 prélèvements réalisés dans des jardins (analyse des sols, potagers et eaux d’arrosage), dans les sols de 15 sites sensibles (écoles, collèges, parcs...). Les résultats avaient été publiés en décembre 2023, mais les pouvoirs publics locaux avaient besoin d'un examen approfondi avant d'évaluer le risque sanitaire.
Ces résultats ne sont que la première étape de l'étude environnementale prescrite à Arkema. “Une réflexion plus approfondie en termes de recommandations générales est menée concernant la zone supérieure à 500 mètres en lien avec les autorités nationales", indique la préfecture. Elle rappelle que "ces mesures sont édictées, malgré l’absence de valeurs de gestion nationales pour ces milieux". Une évaluation des risques sanitaires est en cours à l’INERIS.