Le 2 mars dernier, 300 militants écologistes se sont introduits sur le site d’Arkema pour dénoncer la pollution aux PFAS, provoquée par l’industriel. 8 activistes avaient été interpellés et seront jugés ce mardi 18 juin. Parmi eux, Julia*, qui livre son témoignage.
Sur son ordinateur, Julia (prénom d'emprunt) fait défiler la vidéo de l’action coup de poing. Le 2 mars dernier, avec 300 activistes vêtus de combinaisons blanches, elle a pénétré sur le site industriel d’Arkema à Oullins-Pierre-Bénite. La jeune militante écologiste de 26 ans était venue déployer une banderole avec l’inscription : "habitants contaminés, Arkema doit payer". Une action coordonnée par Extinction Rébellion et Youth for Climate.
"Le but c’était de faire une inspection citoyenne sur le site, avec pour revendications l’indemnisation des salariés et riverains contaminés, ainsi que la décontamination des zones et l’application véritable du principe de précaution" raconte Julia.
Mais, quelques minutes plus tard, Julia est interpellée par la police avec 7 autres personnes. Tous sont placés en garde à vue pendant 48 heures. Si elle connaissait les risques en s'introduisant sur un site privé, elle se dit choquée de la longueur de sa garde à vue. Elle s’apprête à être jugée, ce mardi 18 juin, pour "groupement en vue de commettre des violences ou destructions", et risque jusqu’à 7 ans de prison.
"On était complètement pacifiques. Les policiers, nous ont arrêtés, menottés, puis mis dans une fourgonnette pendant des heures sans nous donner à boire. Ils nous ont fouillés, ils ont bien vu que nous n’avions que du matériel d’escalade sur nous. Pour une banderole, ça paraît totalement démesuré de faire 48 heures de garde à vue et de se retrouver en procès !" s’exclame Julia.
Alors qu’elle milite depuis 5 ans, elle constate une répression policière de plus en plus importante.
Je trouve cela scandaleux et très inquiétant, il y a une criminalisation des mouvements écolos. Nous sommes simplement des lanceurs d’alerte qui essaient de protéger la santé de tout le monde
Julia, activiste écologiste
"Ça me révolte"
Car pour Julia, comme pour les autres militants, les PFAS sont un enjeu environnemental et de santé publique majeure. Ces per- et polyfluoroalkylées sont utilisés dans diverses productions industrielles. La jeune femme a une connaissance pointue de leurs risques, du fait de ses études dans le domaine de la santé et de l’environnement. Elle s’est également beaucoup documentée sur la problématique, citant notamment les enquêtes de notre journaliste Emilie Rosso. Car dans la vallée de la chimie, au sud de Lyon, Arkema est pointé du doigt depuis de nombreuses années pour ses rejets de PFAS qui ont contaminé le Rhône, son environnement, mais aussi l'eau du robinet de près de 160 000 habitants.
Face à cela, Julia ne voyait d’autre choix que "la désobéissance civile". "Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on le fait, mais on voit bien que l’on n’a pas le choix pour que les choses évoluent. Car les manifestations, les pétitions, les collectifs d’habitants qui luttent depuis des années, ne font malheureusement rien changer. On considère donc indispensable d’aller plus loin, pour qu’il y ait un rapport de force qui oblige nos dirigeants à condamner Arkema et mettre fin à ses pollutions". Elle se dit "bouleversée" par les discussions qu’elle a pu avoir avec les salariés et riverains qui ont vu leur vie “anéantie” par la contamination. "Ça me révolte et je suis convaincue que ces actions permettent de faire bouger la ligne" soupire-t-elle.
La militante espère obtenir la relaxe ce mardi, comme les autres militants qui s'apprêtent à comparaître."On va faire de ce procès un moment politique, parce que ce qui nous importe c’est de parler du fond. Ce n’est pas nous le problème, mais bien Arkema qui continue de rejeter encore aujourd’hui des polluants dans le Rhône" conclut Julia.