Faire analyser leur sang, c'est la première revendication de tous les collectifs, de toutes les associations et de tous les riverains de la plateforme industrielle de Pierre-Bénite, au sud de Lyon. Car si les PFAS sont partout, dans l'air, le sol, et l'eau, on ne connait pas encore l'imprégnation de la population. La Métropole de Lyon a décidé de lancer une étude de la population sur le long terme.
"Sommes nous contaminés par les "polluants éternels" émis par la plateforme industrielle de Pierre-Bénite ? Quelle quantité y en a-t-il dans notre sang ? Assez pour provoquer des effets sur notre santé ?"
Ce sont toutes les questions que se posent les habitants touchés par la pollution aux PFAS au sud de Lyon. Entre ceux qui les respirent, les mangent, les boivent, ce sont a minima 250.000 personnes qui sont concernées.
Depuis le début, ils exigent donc des études d'imprégnation de la population humaine. Ils les ont réclamées à la direction de l'environnement (DREAL), à la préfecture, à l'Agence Régionale de Santé (ARS), à Santé Publique France... Demandes restées lettres mortes.
Dans l'impasse, et même si ce n'est en théorie pas de son ressort, la Métropole de Lyon vient de prendre une décision : elle va participer au financement d'une étude de long terme sur les perfluorés dans la vallée de la chimie. "Enfin !", soufflent les intéressés.
Une étude en deux temps
"Ce qui a motivé la Métropole à agir, c'est à la fois l'ampleur de la pollution, que l'on a découverte en même temps que tout le monde, et qui nous a paru être très significative, mais aussi la volonté de retrouver la confiance de la population en mettant en place des actions en transparence", commente Anne Grosperrin, vice-présidente de la Métropole de Lyon au cycle de l'eau.
La collectivité travaille d'arrache-pied depuis des mois sur le sujet. Ces élus sont présents à toutes les réunions publiques, ateliers, conférences organisées sur les PFAS. "On n'a pas arrêté", confie l'écologiste.
La Métropole est donc satisfaite de pouvoir enfin présenter son projet. En réalité, l'étude promise va se dérouler en deux temps. D'abord, une étude environnementale. Elle commencera en 2024 et aura pour but de diagnostiquer l'état de la pollution et de déterminer les périmètres sur lesquels il est nécessaire d'agir. "On n'avait jamais été à ce point confronté à une pollution diffuse, qui atteignait directement les habitants sur leur lieu de vie, le sol, l'air et l'eau", détaille encore Anne Grosperrin, qui précise par exemple la nécessité, pour l'eau potable, de disposer de connaissances rigoureuses pour pouvoir proposer des solutions adaptées.
L'étude sanitaire viendra dans un deuxième temps. Elle sera lancée dès cette année et, parce qu'elle est complexe, elle durera 4 ans. L'objectif évident sera d'évaluer le niveau d'imprégnation humaine, mais elle servira aussi à mieux comprendre la relation entre l'environnement, les facteurs d'exposition et la présence de ces polluants dans l'organisme humain. Les sources d'une possible imprégnation sont en effet variées et divergent d'un territoire à l'autre (l'eau potable tout au sud de Lyon, l'air et le sol autour de Pierre-Bénite etc...).
L'institut écocitoyen de Fos-sur-Mer
Pour l'accompagner dans ces études, la Métropole de Lyon a choisi l'institut scientifique et écocitoyen de Fos-sur-Mer. Cette association, implantée sur le bassin industrialo-portuaire des Bouches-du-Rhône, est un centre d'étude de l'environnement et de l'effet des pollutions sur la santé. "C'est un institut qui a une crédibilité, ces résultats sont reconnus au niveau académique, c'est un partenaire fiable sur lequel s'appuyer", assure l'élue.
C'est aussi et surtout un institut indépendant, dont le processus de recherche sur les perfluorés était déjà engagé (projet "Matisse") et qui dispose de la technologie nécessaire pour étudier les PFAS.
Projet ambitieux, mais nécessaire pour la Métropole. "Des élus écologistes comme nous, forcément, on est très attentifs et préoccupés par ces questions là", ajoute encore Anne Grosperrin, très mobilisée depuis le début de l'affaire.
D'autant que, et sans chercher à taper sur les pouvoirs publics, la Métropole est forcée de constater, tout comme les citoyens, que la réponse de l'Etat est parfois trop timide. "A côté de nous, on a des services déconcentrés de l'Etat qui bénéficient de peu de moyens pour arriver à contrôler les activités industrielles, et nous Métropole, on a la capacité d'agir, donc pourquoi attendre ? ", confie l'élue.
Des études attendues depuis longtemps
L'annonce réjouit donc à la fois les associations et les riverains. "Cette étude d'imprégnation, menée avec un institut écocitoyen garant d'une indépendance, c'est plutôt une bonne nouvelle", salue Camille Panisset, secrétaire générale de l'association Notre Affaire à Tous à Lyon. "Ces résultats, on pourra les utiliser plus tard devant la justice et lancer d'autres procédures", espère-t-elle.
L'association avait déjà demandé la réalisation d'une étude d'imprégnation dans le recours qu'elle a déposé contre l'entreprise Arkema, accusée d'être à l'origine de la pollution.
Mais la militante tient tout de même à nuancer : "c'est une action intéressante mais pas complète, cette étude permet de mieux connaitre la pollution mais elle ne permet pas de la cesser. Autre question que cela pose : ce sont encore les collectivités qui vont payer et on n'applique pas le principe du pollueur payeur."
Dans le sud de Lyon, entre Tarare et Saint-Symphorien-d'Ozon, là où c'est l'eau potable qui est polluée, on salue aussi la nouvelle. "C'est ce qu'on demandait depuis longtemps, on a besoin d'avoir des éléments objectifs concernant la contamination de nos enfants d’abord et de la population en général" affirme Louis Delon, du Collectif Ozon l'Eau Saine. Mais il s'interroge tout de même sur le périmètre : les communes hors du Grand Lyon seront-elles étudiées ? "Nous ne sommes pas dans la Métropole, mais la pollution dont on hérite, c'est bien celle de la Métropole... J'ose donc espérer que les élus du sud lyonnais vont s'arranger pour être inclus dans cette étude car nous sommes la population pour laquelle la contamination via l'eau est la pire, nous sommes dans la zone rouge", ajoute-t-il.
"C'est une très bonne chose, par contre je trouve que le délai de 4 ans est trop long. C'est tous les jours, et depuis des années, que nos enfants boivent l'eau à l'école, mangent les légumes et les œufs...", regrette cependant Stéphanie, habitante de Saint-Symphorien d'Ozon qui réclame l'installation de systèmes de filtration des PFAS sur l'eau potable.
Une solution sur laquelle la Métropole est également en train de plancher. Parce qu'au delà de la construction des connaissances, c'est aussi des solutions qu'attendent les citoyens. Le lancement de ces études fait donc partie d'une stratégie plus globale mise en place par la Métropole pour lutter contre la pollution aux perfluorés. Ces mesures seront discutées, le 27 mars prochain, en conseil métropolitain.