Créer un parfum, c'est raconter une histoire. Le parfumeur et créateur Frédéric Burtin, installé à Lyon depuis 20 ans, a appris son métier en travaillant pour des marques prestigieuses comme Guerlain ou Dior. Il transmet une partie de ses recettes dans "Vous êtes formidables" sur France 3 auvergne Rhône Alpes.
Après avoir œuvré pendant quinze ans pour les plus grandes marques de beauté françaises, le parfumeur Frédéric Burtin a créé, à Lyon, sa propre griffe. Il propose ainsi, depuis près de vingt ans, des produits dits « de niche ».
Ce passionné est né à Lyon. Une ville difficile à résumer en une odeur. « C’est un piège ! Ce serait nécessairement une odeur florale. Pour moi, l’image olfactive marquante de Lyon, c’est celle des magnolias de la place des Célestins, qui fleurissent à peu près en février-mars. Le magnolia est assez amusant car il fleurit avant de faire ses feuilles. Quand vous avez cette explosion de fleurs de magnolias place des Célestins, c’est presque une overdose de cette senteur qui s’impose »
Des souvenirs de clous de girofle
La première odeur qui a marqué la mémoire de cet artiste est celle des cuisines. « Ma mère cuisinait beaucoup. Donc je pense à des odeurs très aromatiques, épicées. J’ai en mémoire cette odeur du clou de girofle, qu’elle mettait beaucoup dans les pot-au-feu, notamment. J’adore le clou de girofle, dont beaucoup pensent que ça sent le dentiste. En fait pas du tout. C’est un très bon désinfectant. Et dans un parfum, c’est magnifique », témoigne-t-il.
« Il y a quelque chose de l’ordre de la transmission, indirectement », reconnaît Frédéric Burtin quand on évoque sa grand-mère. « Mais j’ai toujours été attiré par le sensoriel. L’odorat est le premier sens que l’on utilise de façon inconsciente. Et j’avais cette grand-mère qui sentait toujours la poudre et la violette…»
C’est comparable à la peinture. Si vous connaissez vos bases, vous pouvez alors avoir une expression artistique
Biologiste de formation, Frédéric est chimiste et cosméticien. Son parcours est passé par une école de parfumerie célèbre basée à Versailles. « L’Isipca est une école où l’on apprend tous les métiers de la beauté. C’est-à-dire le parfum, la cosmétique, mais aussi une partie arôme alimentaire, car on y fait vraiment appel à tous les sens, et donc au goût. On y apprend les fondamentaux, dont l’histoire, et aussi la technique. C’est comparable à la peinture. Si vous connaissez vos bases, vous pouvez alors avoir une expression artistique. Cela s’apprend, et ensuite viennent les talents individuels qui vont mener chaque créateur sur des chemins différents. En fonction de leurs envies et de leurs passions. »
Un métier de technique... et de patience
Le talent de Frédéric Burtin l’a porté vers les grandes marques, comme Guerlain ou Dior, pour lesquelles il a travaillé durant de nombreuses années. C’est là qu’il a vraiment appris son métier. « Ce sont des sociétés d’héritage. Guerlain, par exemple, est une société très ancienne. Tout un savoir-faire y a été accumulé au fil du temps et ce sont d’incroyables écoles de formation » témoigne le parfumeur.
« On y apprend l’exigence, la précision, et la patience aussi. C’est un métier de patience. Aujourd’hui, c’est difficile d’être patient. Tout va très vite. C’est dommage car la temporalité est très importante dans notre métier. On peut mettre très longtemps avant de créer, mais cela peut aussi se faire en trois minutes. C’est assez magique. »
Mais un jour, Frédéric reprend son indépendance. « Il y a un moment où l’on a envie d’exprimer un certain nombre de choses par soi-même. On s’en sent capable lorsqu’on a une maitrise de la technique, une solidité. Je ne suis pas parti contre quelque chose, mais, au contraire pour répondre à ce besoin de m’exprimer seul. » Assumer ses propres choix et les risques qui s’ensuivent, car on peut tout à fait échouer dans sa démarche.
En 2003, il crée « l’Institut Très Bien » à Lyon. Un nom qui rend hommage à sa grand-mère. « Dans les années 30, elle fréquentait un institut qui portait déjà ce nom. A l’époque, on pouvait y trouver des préparations dites « magistrales », c’est-à-dire faites sur demande. Comme il n’y avait pas les systèmes de conservation d’aujourd’hui, cela garantissait une certaine fraîcheur des produits. »
Il reconstitue la Cologne de sa grand-mère
Sa première référence a logiquement été celle de la Cologne de sa grand-mère. « La Cologne est l’ancêtre du parfum. Cela préfigure la façon de concevoir les parfums de nos jours», explique l’expert.
« Un parfum c’est une histoire, avec une temporalité. Il y a un début (les notes de tête), un milieu (les notes de cœur) et une fin (les notes de fond). La Cologne a été la première composition olfactive à exprimer cette notion temporelle avec des composantes très fraîches, ou aromatiques, ou plus ambrées », explique-t-il.
Des ingrédients naturels.. à la synthèse
C’est dans un vieux manuscrit appartenant à sa famille qu’il a retrouvé la composition de la Cologne en question. « J’y ai effectivement retrouvé cette formule de Cologne à la russe. Elle était mentionnée dans des correspondances de ma grand-mère. Et j’ai pu ainsi faire le lien. » En la remettant au goût du jour, et aussi aux normes des réglementations. « Autrefois, on ne travaillait qu’avec des extraits naturels. Puis, au début du 20ème siècle, la synthèse a fait son apparition, à l’aune du développement de l’ère industrielle et des connaissances en chimie. »
Les ingrédients naturels n’ont pas complètement tiré leur révérence dans la composition des parfums. Il en reste encore quelques-uns. « Cela dépend des marques. Cela coûte très cher. Les marques privilégient la synthèse pour des questions financières. Et puis le naturel a aussi ses inconvénients. Il peut contenir des allergènes. Le citron, par exemple, en est bourré. Cela peut effrayer les clients. L’amélioration des connaissances en toxicologie, et la protection animale, ont progressivement limité l’utilisation de ces produits naturels. »
Parmi les parfums les plus réussis, on citera forcément le Chanel n°5, rendu très célèbre par Marylin Monroe, et qui reste l’un des plus vendus au monde. « C’est tout simplement parce que c’est une très belle création. Il fait partie de ces parfums qui ont une intemporalité. A l’opposé d’autres, qui sont davantage liés aux modes. »
C’est comme un scénario, ou l’intrigue d’un livre, qu’il faut imaginer
Pour créer un parfum, le premier travail se passe dans la tête. « Le parfum est une histoire que l’on raconte. On parle de parfumerie narrative. C’est comme un scénario, ou l’intrigue d’un livre, qu’il faut imaginer. Puis vous créez d’abord la senteur dans la tête. Qu’est-ce qui se marie bien ? Qu’est-ce qui peut surprendre ? Tel est le travail du parfumeur » explique Frédéric Burtin.
Puis il fait appel à ce que l’on appelle un « nez ». « C’est quelqu’un qui a énormément travaillé, mémorisé tous les ingrédients et leur comportement. Il va savoir marier un semble. C’est comme un piano. On fait ses gammes. On travaille d’abord l’association de deux ingrédients, puis en rajoute un troisième, etc… et on commence, ainsi, à créer le refrain. Ensuite, il faut l’enrichir, pour lui donner une certaine homogénéité, une rondeur. » Le parfum, c'est toute une histoire.
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