La rentrée littéraire est un peu moins abondante que les années précédentes mais elle fait tout de même la place à des premiers romans. C’est le cas de celui de Robin Josserand, « Prélude à son absence ».
Le choix de l’autofiction pour ce trentenaire prend le parti d’une écriture à vif. Pour ce premier roman, la prise de risque est décuplée par le regard que l’auteur porte sur les personnages, fictifs ou non. Deux personnages pour être précis : Robin (pourquoi changer de prénom autant être explicite), auteur et bibliothécaire à Lyon et Sven, jeune sans domicile. Robin est fasciné par la beauté de Sven. Le jeu de séduction s’engage de la part de Robin. Sven n’y est pas sensible mais sait s’en servir tout au long de l’histoire. Apparition, disparition, voyage ensemble. Le jeune sans domicile sert de révélateur, de miroir, au narrateur. Une sorte d’autoportrait sentimental dessiné sous une lumière crue.
Robin Josserand utilise les situations et le genre des romans homosexuels des années 80. Il va jusqu’à faire jouer un rôle à un ouvrage de Jean Genêt volé à la bibliothèque. La référence au pouvoir de séduction des « bad boys », tant décrits par Genêt émerge au fil de cette première partie. On pourrait s’étonner de ces références chez un si jeune auteur, mais il n’est pas dupe et nous fait partager son aventure d’écriture, sa recherche d’un thème, d’un style :
Pourquoi écrire ce livre ? Comment, surtout, ne pas être à la bonne distance ? Comme un texte à rebours, j’expose cette rencontre telle que l’on s’éprenait d’un jeune homme il y a trente ans. (…) Mais je crois qu’il faut tout de même écrire avec la verve de l’adolescence, seulement nous raconter nous, Sven et moi, le tragique de cette histoire, mon désir sale, ambigu, mauvais. Il faut enfin écrire la grâce de cet amour dont il ne veut pas et qui l’encombre.
Robin Josserand
Ainsi après cette mise au point au cœur du livre, et le prétexte d’un voyage en commun loin de Lyon sur l’île de Groix, Robin Josserand installe une sorte de polar psychologique dans son histoire. Un cheminement proche d’une analyse.
Ses sentiments décrits à l’extrême, mais en retenue, prennent des accents romantiques au sens du XIXe siècle. La mise en musique est signé Glenn Gould. Ses interprétations pianistiques rythment les moments de vie de Robin et Sven.
Plus que se fuir, l’auteur se prend à bras le corps avec toute sa fougue et ses doutes. Sven est-il bien présent aux côtés du narrateur ? N’est-il qu’une idée, un souvenir ? Un bon personnage en tout cas pour son narrateur-auteur.
"Prélude à son absence" de Robin Josserand, édition Mercure de France