Elle a désormais 88 ans mais ses souvenirs sont intacts. Par "fidélité" à ceux qui l'ont protégée, elle a décidé de revenir pour la première fois dans l'établissement scolaire qui l'a accueillie à Villeurbanne en 1942. Un retour emprunt d'une grande émotion.
Elle avait 8 ans en 1942. Petite fille juive à l'étoile jaune. Les 16 et 17 juillet, l'opération "vent printanier" est lancée. Agnès Buisson se trouve avec son père et sa mère lors de cette arrestation massive de juifs à Paris (plus de 13 000 personnes, dont un tiers d'enfants), la plus importante réalisée en France pendant la seconde guerre mondiale. Avec sa mère, elles prendront la fuite et réussiront à gagner la région lyonnaise où son grand frère, alors âgé de 20 ans est résistant. Le papa, lui, ne reviendra pas des camps de la mort.
A son arrivée dans la région lyonnaise, elle sera prise en charge pendant trois mois à l'internat pour jeunes filles de l'institution catholique de L'Immaculée Conception à Villeurbanne.
Très vite, pour ne pas la différencier des autres élèves, un curé va lui donner la communion. "Il m'a sauvé la vie" raconte-t-elle.
Ma mère me disait : "souviens-toi, tu es juive", mais elle ne m'a pas dit ne prie pas. Je priais tous les soirs, j'étais sûre que votre Dieu, notre Dieu me ramènerait mon père
Agnès Buisson, rescapée de la rafle du "Vel d'Hiv"
Après ces quelques mois passés à Villeurbanne, elle partira en Isère, à Méaudre, où là encore elle sera cachée dans une autre école qui porte désormais son nom.
Pour la première fois depuis 1942, elle a donc franchi le portail de l'institution ce mardi 25 octobre 2022. Une visite en toute intimité pour cause de vacances scolaires.
J'avais envie de revenir sur mes pas parce qu'ici, il y avait de la légèreté d'être. C'était une urgence, je vais disparaître et je voulais rester fidèle à ceux qui m'ont protégée.
Agnès Buisson, rescapée de la rafle du "Vel d'Hiv"
Après avoir mené ses études de médecine avec succès et fondé une famille (elle aura trois enfants), elle se consacre désormais au témoignage.
Par souci de mémoire, pour le devoir et l'Histoire, Agnès Buisson qui vit aujourd'hui à Grenoble, reviendra dans quelques mois à la rencontre des élèves de l'école pour leur raconter sa vie, dans un contexte où l'antisémitisme est toujours présent selon elle.