Un arrêté municipal pour "risques de troubles à l'ordre public" a été pris par la mairie de Lyon pour annuler une conférence en présence de l'avocat franco-palestinien Salah Hamouri, prévue à Lyon le 22 juin 2023. Une invitation du militant franco-palestinien avait fait réagir jusqu'au sommet de l'État en début d'année.
Une conférence en présence de l'avocat franco-palestinien Salah Hamouri était prévue à Lyon jeudi 22 juin 2023 à la Bourse du travail, en présence du président d'Amnesty International France, Jean-Claude Samouiller. L'évènement a été annulé par arrêté municipal pour "risques de troubles à l'ordre public".
En janvier dernier, une autre conférence avec Salah Hamouri à l'hôtel de ville de Lyon avait été annulée après le retrait du grand rabbin de Lyon d'une association interconfessionnelle et de vives réactions politiques, jusqu'au sommet de l'État.
Salah Hamouri, est un avocat franco-palestinien expulsé le 18 décembre par Israël, après plusieurs épisodes de détention. Pour ce dernier, l'interdiction de sa venue à Lyon relève de "la censure". Contacté par téléphone, il estime que "c'est une décision politique de la ville de Lyon à l'encontre de la liberté d'expression et nous espérons que la justice va nous donner raison."
"Nous avons introduit un recours en urgence devant le tribunal administratif de Lyon pour contester cette annulation", a annoncé un des avocats de Salah Hamouri, Vincent Brengarth.
"Risques de débordements"
Dans l'arrêté municipal, que France 3 Rhône-Alpes a pu consulter, la mairie fait valoir le règlement intérieur de la Bourse du travail, où "les locaux ne doivent être utilisés que pour des activités à caractère syndical, à l'exclusion de toute réunion de partis politiques ou d'organisation confessionnelles."
La conférence intitulée Palestine-Israël Colonisation-Apartheid est organisée par le collectif de soutien au peuple palestinien et, selon un courrier du 15 juin 2023 signé de la préfète du Rhône, Fabienne Buccio, la participation de Salah Hamouri "est susceptible de créer des débordements et des troubles à l'ordre public. Le thème de la conférence ainsi que la personnalité extrêmement controversée de monsieur Hamouri avaient déjà suscité en janvier de très fortes réactions de rejet appartenant notamment à la communauté juive.
Cinq mois plus tard, la communauté juive ne décolère pas de cette invitation, le jour même de la venue à Lyon d'une figure internationale du judaïsme pour l'inauguration d'une nouvelle synagogue. (...) Il n'est pas exclu que certains de ses membres les plus radicaux décident de se rendre à la Bourse du travail, risquant de provoquer des troubles à l'ordre public d'autant plus importants qu'une confrontation avec des membres de l'ultra-gauche est probable", analyse la préfecture dans un courrier adressé à Grégory Doucet.
Salah Hamouri, de son côté, affirme ne pas comprendre pourquoi l'inauguration d'une synagogue viendrait empêcher sa visite à Lyon. "J'ai participé à une quarantaine de réunions publiques depuis mon arrivée en France et en Europe. Hier soir, il y avait 200 personnes à Saint-Pierre-des-Corps près de Tours. Notre combat est dirigé contre une force occupante et n'a rien à voir avec les religions", insiste-t-il.
Lors de son intervention à Toulouse, mi-mai, plusieurs débordements ont interrompu les échanges, des élus ont été évacués de la salle et un homme a tenté d’agresser Salah Hamouri.
Qui est Salah Hamouri?
Salah Hamouri a été incarcéré entre 2005 et 2011 par l'État d'Israël, accusé d'être proche du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), et d'avoir participé à un projet d'assassinat du rabbin, Ovadia Yossef, l'un des leaders du parti religieux d'extrême droite, Shass. Il avait alors plaidé coupable, "pour éviter 14 ans de prison". Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères de l'époque, avait estimé que "les aveux faits à l’audience n’avaient été corroborés par aucun élément de preuve".
Salah Hamouri, qui entre-temps a obtenu un diplôme d'avocat, a fait l'objet de 13 mois d'emprisonnement en 2017. Le président de la République, Emmanuel Macron, en personne, avait alors signé un courrier adressé à la femme de Salah Hamouri, Elsa Lefort, lui faisant part de son soutien "pour que ses droits soient respectés".
Puis le juriste a de nouveau été placé en détention en mars 2022, sans accusation formelle. Natif de Jérusalem Est, en zone dite "occupée", il a été expulsé, dimanche 18 décembre 2022 vers la France. Il ne dispose pas de la nationalité israélienne, mais d’un permis de résidence, que les autorités israéliennes ont révoqué. Une décision condamnée par la France, et jugée "contraire au droit" a précisé le Quai d'Orsay.
À Nancy, la justice donne raison à Salah Hamouri
Le 16 mars dernier, une conférence a pu se tenir à Nancy, car le juge des référés a estimé que la menace de troubles à l’ordre public avancée par le préfet n’était pas suffisamment constituée, il a qualifié l’interdiction "d'atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression".
À Lyon, le collectif de soutien au peuple palestinien attend la décision du tribunal administratif pour annoncer le maintien ou l'annulation de l'évènement prévu à 18h30, le jeudi 22 juin à la Bourse du travail.