Alors que le 10 octobre est la Journée internationale de la lutte contre le sans-abrisme, plusieurs édiles dont Grégory Doucet annoncent attaquer l'État pour son manque d'action dans la prise en charge des sans-abris. Ils dénoncent un système d'hébergement d'urgence "à bout de souffle." A Lyon, il faut compter 18 mois avant d'obtenir une place en hébergement d'urgence.
Dès ce lundi 9 octobre, pas le choix, le collège des Gratte-ciel Môtice Leroux se transforme en hébergement d'urgence. La famille d'un des élèves de l'établissement se retrouve sans toit depuis la semaine dernière. "Lundi matin dernier, la maman m'a envoyé un message pour me dire qu'ils étaient expulsés de l'hôtel où ils étaient. J'ai contacté les autorités compétentes. Apparemment, les hébergements d'urgence sont surchargés en ce moment, alors on a été un certain nombre à se mobiliser" , explique Céline Lalue, professeur de français au sein de l'établissement.
Un collège occupé pour héberger une famille
A partir de lundi soir, le collège est occupé par des membres de l'équipe pédagogique afin de demander une prise en charge de la famille, originaire de Tchétchénie et composée de sept personnes, dont deux enfants de moins de trois ans. Selon l'enseignante, elle a fait une demande d'asile et vivait jusqu'ici dans un hôtel mis à disposition par la Métropole depuis 9 mois.
Commissariat, gymnases, bâtiments administratifs... De plus en plus souvent, il faut trouver un système D pour héberger les personnes qui se retrouvent à la rue à cause de la saturation des hébergements d'urgence. Actuellement à Lyon il manque plus de 1 500 places selon la mairie. Le délai d'attente pour obtenir une place dans un hébergement d'urgence est de 18 mois.
Plusieurs villes dont Lyon attaquent l'État en justice
A l'occasion de la Journée internationale de la lutte contre le sans-abrisme, les maires de Paris, Strasbourg, Rennes, Lyon, Grenoble et Bordeaux tirent la sonnette d'alarme ; ils ont co-signé une tribune dans "Libération", publiée lundi 9 octobre, afin de dénoncer l'action insuffisante de l'État dans la prise en charge des sans-abris.
Ils annoncent "déposer des recours pour que l'État assume enfin ses obligations en matière de prise en charge des personnes contraintes de dormir à la rue." "Au quotidien, nous ouvrons des gymnases, parfois des écoles, mettons en place des centres d'accueil et d'information, déployons des solutions d'habitat intercalaire.[...] Mais nos actions ne peuvent se substituer ni pallier un système national défaillant, irrespectueux des droits humains fondamentaux."
Un appel à "refonder le système d'hébergement d'urgence"
En conséquence, toutes les villes signataires appellent à "un système renouvelé avec une gouvernance partagée", "cohérent où chacun assume ses compétences, avec des moyens suffisants", "fondé sur la considération des personnes et des trajectoires individuelles et familiales" et prenant en considération "les risques liés au froid mais aussi de ceux liés aux canicules et aux effets des dérèglements climatiques."
Ils demandent aussi, comme l'indique la maire EELV de Strasbourg Jeanne Barseghian à nos confrères de l'AFP, que l'État rembourse "les dépenses mises en oeuvre par les collectivités" pour pallier le problème du manque d'hébergement d'urgence.
"Une situation inhumaine" selon Grégory Doucet
Sollicité, le maire de Lyon Grégory Doucet rappelle de son côté que "l'hébergement d'urgence est une compétence de l'État". "Pour autant, nos villes prennent leur part au-delà de leur compétence : encore récemment la Ville de Lyon a ouvert l'ancien EHPAD Villette d'Or pour mettre à l'abri une vingtaine de familles qui étaient hébergées dans un gymnase."
"La situation que nous vivons dans nos villes est inhumaine", dénonce-t-il. Dans la tribune, les maires soulignent également que les personnes sans abri, "condamnées à vivre dans des conditions indignes et dangereuses" et "à se déplacer sans cesse", voient souvent leur santé physique et psychique se dégrader considérablement. Et ne bénéficient pas forcément d'un accompagnement continu.
"La chaîne, ce n’est pas l’Etat tout seul"
De son côté, la préfète du Rhône Fabienne Buccio, interrogée par nos confrères de 20 minutes, estime que la seule ouverture de places supplémentaires n'est pas forcément la solution. "Ces cinq dernières années, nous avons ouvert 150 % de places en plus. Si demain, j’en ouvre 500 de plus à Lyon, ou dans le département du Rhône, je vous donne la garantie que dans quinze jours, elles seront pleines, a-t-elle affirmé. Et on sera à nouveau dans la même situation. Pour ouvrir des places, il faut encore que les collectivités soient prêtes à accueillir des lieux dédiés. Or, c’est de plus en plus compliqué. Vous avez des maires qui assument de dire non et d’autres qui trouvent des raisons pour dire que ce n’est pas possible." Avant d'ajouter. "La chaîne, ce n’est pas l’Etat tout seul."
En France selon les chiffres de la fondation Abbé Pierre, on compte 330 000 personnes sans domicile. En avril 2023, juste avant la fin de la trêve hivernale, le collectif "Jamais sans Toit" faisait état de 261 enfants et leurs familles sans hébergement au sein de l'agglomération lyonnaise. Un chiffre trois fois plus élevé que l'an dernier à la même période.