Témoignages. "Si je craque, qui prendra en charge mon épouse ?" : fermeture d'un accueil pour malades d'Alzheimer, l'angoisse des aidants

Publié le Écrit par Dolores Mazzola et Eva Huin

À Villeurbanne, le Lieu de répit, accueil de courte de durée pour malades d'Alzheimer, va fermer en février prochain. Les aidants sont désemparés par la fermeture de ce centre "à dimension humaine" qui permet aux aidants de souffler trois jours consécutifs.

À Villeurbanne, Patrick Paupy s’inquiète des menaces de fermeture qui pèsent sur l’accueil de courte durée des malades d’Alzheimer qu'offre "Le Lieu de répit". Le retraité, dont l'épouse est atteinte de cette maladie neurodégénérative, fait appel à la structure chaque mois. La fermeture annoncée du centre séquentiel ne passe pas. 

Un temps pour souffler

Quelques jours par mois, son épouse Monique séjourne dans cette structure. Fin février, cet accueil doit fermer ses portes. Un coup dur pour son époux aidant qui ne pourra plus compter sur ce soutien très précieux. "Pendant trois jours, elle est avec un encadrement professionnel qui est en capacité de répondre à ses attentes. Ce que je ne suis pas. Je ne suis pas un professionnel, je fais de mon mieux," explique Patrick Paupy. Le cadre est "sécurisant" aussi pour son épouse. Pas de turnover du personnel dans ce centre. "Là, c'était toujours la même équipe qui l'accueillait, qui la connaissait, qui avait appris comment il fallait la prendre", explique l'aidant. 

Grâce à cet accueil de courte durée, le retraité peut souffler l'espace de quelques jours. Il peut reprendre ses activités du quotidien avec l'esprit plus tranquille. Une charge mentale temporairement allégée. Impossible lorsque son épouse est présente, le retraité de 80 ans est toujours aux aguets. "Il faut être toujours avec elle de façon à assurer un minimum de surveillance (...) Il faut constamment être attentif, c'est vraiment épuisant et ça peut se produire la nuit. Il y a une accumulation de fatigue qui conduise à des risques d'épuisement", explique-t-il. La perspective d'une fermeture prochaine de la structure est source d'angoisse.

Le risque, c'est l'épuisement. Si je craque, qui pourra assumer la prise en charge de mon épouse ? Je n'en dors plus la nuit. Je n'arrive pas à imaginer pouvoir me passer de cette structure.

Patrick Paupy

Aidant

Même détresse pour Monique Serire. Cette dernière ne sait pas non plus comment elle va réussir à s'occuper de son mari après la fermeture de la structure de Villeurbanne. Cette structure lui est devenue indispensable : "J'ai découvert ce lieu en août. Pour moi, c'est une bouffée d'oxygène. Je n'ai pas d'aide, je me débrouille seule pour m'occuper de mon mari. L'accueil de jour, ça passe très vite. Là, je peux régler énormément de choses parce que j'ai trois jours devant moi. Je peux faire des courses, des papiers, des démarches. C'est une survie", explique-t-elle. En accueil de jour, le répit est de quelques heures seulement pour les aidants, confirme Patrick Paupy. Trop court pour souffler, "pour se reposer".

L'annonce de la fermeture du centre est très difficile à comprendre pour Monique Serire. "On a la chance sur Villeurbanne d'avoir un lieu de répit et on nous le ferme. C'est incompréhensible pour moi. C'est du gâchis (...) On nous dit qu'on s'occupe des personnes âgées, des seniors, des gens malades. C'est des mots, ce ne sont que des mots," lâche-t-elle non sans amertume. "Si ça ferme, ça va être dur. Je n'aurais jamais imaginé que ça ferme !", déplore-t-elle, au bord des larmes.

Des solutions à venir

Créé en 2011, Le Lieu de répit accompagne et soutient les aidants de malades d’Alzheimer. Depuis dix ans, la structure propose aussi un hébergement séquentiel de courte durée - trois jours et deux nuits, pour permettre à l’aidant de se reposer. Il permet aussi à la personne malade de découvrir la vie en établissement et, enfin, au couple d’apprivoiser la séparation.

"On n'est pas dans un Ehpad, on est dans une structure à dimension humaine qui permet de préparer l'entrée dans une institution. C'est en cela que cette structure est très importante et je n'ai pas aujourd'hui de solution de remplacement", explique Patrick Paupy. La structure dispose de plusieurs chambres et peut accueillir cinq patients à la fois. 

Le Lieu de répit est géré par le CCAS (Centre communal d’action sociale) de la Ville de Villeurbanne. La fermeture de l'accueil séquentiel est la conséquence de difficultés de recrutement d'aides soignants depuis plusieurs années. Mais la structure est aussi confrontée à une baisse de fréquentation des lieux.

La mairie promet cependant que des solutions seront déployées rapidement. "D'autres possibilités seront offertes aux usagers (...) Quand le lieu fermera au 1ᵉʳ mars, on aura déjà avancé sur des solutions possibles. On est en pleine réflexion," assure Estelle Ballet-Baz, directrice du service "Séniors et liens intergénérationnels" de la ville de Villeurbanne. "Le Lieu de répit, c'est aussi la plateforme de répit pour les aidants. Elle va continuer à exister. Elle sera à la Maison des aînés", ajoute-t-elle. Une rencontre doit avoir lieu le vendredi 12 janvier avec les usagers.

Mais pour l'heure, il n'y a aucune solution pour les seize familles touchées par cette fermeture. Le Lieu de répit, financé par la Métropole et par l'ARS Auvergne Rhône-Alpes à hauteur de 150 000 euros par an, était le seul de la région.

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